Notre increvable Michel Drucker parlerait d’un « parcours atypique » en recevant ce groupe sur son canapé rouge du dimanche, et il aurait une fois de plus raison. Il faut dire que malgré un nom peu connu dans nos contrées, les D-OZZ ne sont pas des new-born metallists dans leur Russie natale, puisqu’ils jouent sous ce nom depuis…1995. On retrouve dans le line-up deux membres de la formation d’origine, Dmitriy Mikhailov le batteur et Anatoly Bulatov le guitariste, mais par contre, personne des deux incarnations précédentes, puisque selon la bible The Metal Archives, le combo existe depuis 1990, époque à laquelle il battait pavillon CRANIOTOMY. S’en sont suivies trois années sous un autre patronyme, avant la création de la formation définitive, qui existe donc depuis vingt-cinq ans. Avec une longévité pareille, le fan se devrait de pouvoir compter sur une discographie conséquente, et pourtant, le combo de Saint-Pétersbourg n’a publié que deux longue-durée, auxquels succédaient de longues périodes de silence. C’est ainsi que rien n’est sorti sous leur nom depuis treize ans, et leur deuxième LP Дети порока, qui lui-même suivait de trois ans l’initial В пределах досягаемости. C’est donc un comeback en anglais que les russes ont choisi, et un format médium puisque seulement six morceaux viennent combler cette longue absence, mais gageons que leur puissance saura satisfaire les moins impatients. En conjonction de plusieurs styles, la bande (complétée d’Alexander Lotnik à la basse, Alexander Shishkanov à la guitare, tous deux depuis 2010, Alex Tkachev au chant depuis 2011 et visiblement Oleg Sobolevsky au chant lui aussi depuis 2016, à confirmer) se propose donc d’incarner la brutalité la plus contemporaine, s’appuyant quand même sur quelques principes old-school.
C’est donc une sorte de Thrash/Death qui nous est proposé, ou l’inverse selon les morceaux, et autant admettre qu’aussi linéaire soit l’optique, elle est efficace et écrase quelques os au passage. En jonction du Groove Metal des années 90 et du Néo-Death scandinave de la même époque, D-OZZ nous brutalise d’un Metal métissé, à la superbe pochette, qui prend tout de même le soin de ne pas répéter la même attaque pendant vingt minutes. C’est donc une succession de plans souvent rapides, parfois très, parfois au contraire lents comme un dimanche d’hiver, et si le tout occulte toute forme d’originalité, il ne s’en montre pas moins compétitif. On prend pleinement conscience du potentiel du groupe dès « Wild Oriental War », qui de son intro aux sirènes inquiétantes nous avertit qu’on risque de ne pas rigoler très longtemps. Et c’est après un riff très souple et accrocheur que les débats s’enveniment, montrant un combo droit dans ses bottes, et rappelant de loin le NO RETURN le plus impitoyable. On pense évidemment aussi à AT THE GATES, en moins systématique, mais l’ambiance explosive alternant mid tempo solide et accélération dantesque ne nous laisse guère le temps de trop réfléchir, si ce n’est pour noter une formule de chant rauque qui risque d’être irritante à la longue.
Heureusement, l’instrumentale offre de l’air, et si le son des guitares est un peu trop propre pour être vraiment sauvage, les riffs savent se montrer assez catchy pour qu’on se prenne au jeu, d’autant que le batteur connaît son job et alterne les frappes avec flair. Quelques mélodies éparses permettent de relier le tout à la génération 90, celle du groupe justement, et il semblerait que les D-OZZ soient assez imperméables aux modes en vogue depuis. Pas totalement old-school, mais pas contemporain non plus, ajoutant une grosse basse lourde aux breaks déjà étouffants, Toxic Invasion ose donc la variété dans la solidité, et nous convainc de ses capacités à dévier de sa trajectoire bien tracée quand il le faut. Le tout est très carré, trop même pour certains, et si les intros sont toujours très travaillées (celle de « Toxic Invasion » rappelle le KREATOR de ces dernières années), les couplets choisissent souvent la même formule, sauf lorsqu’ils optent pour une fluidité à la SOILWORK/EXODUS. Beaucoup de références donc, une dualité vocale entre harangues viriles et grognements d’outre-tombe, pour un savoir-faire traditionnel qui n’évite pas toujours la mièvrerie de mélodies un peu trop cliché. Mais les hits ne manquent pas, et entre l’aplatissement en règle du monstrueux « Chains Of Zombification », et la lenteur moite et oppressante de « The Thirst », cet EP est suffisamment coloré pour intéresser tous les fans d’un extrême bien maîtrisé, et récité avec application. Le format aide évidemment à faire passer quelques facilités de sa brièveté, mais pour un retour sur le devant de la scène, les russes font feu de tout bois, et terminent pas une dernière salve en baroud d’honneur fusant comme un missile moyenne portée.
Bon retour donc pour les D-OZZ, qui ne cherchent pas la première division, mais qui animent la seconde de leur brutalité raisonnable et de leur sens de l’à-propos mélodique.
Titres de l’album:
01. Wild Oriental War
02. Do You Feel The Pain?
03. Toxic Invasion
04. Chains Of Zombification
05. The Thirst
06. Price Of Salvation
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