Dixième album pour les italiens de DGM, qui depuis leur émergence en 1994 n’ont eu de cesse de repousser leurs limites, et celle de leur Crossover. En effet, depuis le début de leur carrière, les romains ne se sont jamais reposés sur leurs lauriers, ce qu’il leur a valu il y a quelques années une signature sur le prestigieux label national Frontiers. Nous étions sans nouvelle d’eux depuis quatre ans et le fabuleux The Prestige, et si le groupe a préféré se terrer dans le silence si longtemps, c’est tout simplement qu’il préparait un retour fracassant avec un anniversaire à fêter sous la forme d’un concept album, la forme préférée des amateurs d’histoires progressives. C’est ainsi que le groupe a pris un an de sa vie créative pour élaborer ce Tragic Separation, qui en sus de raconter une longue et cruciale histoire, développe de nouveaux arguments musicaux, en total prolongement de The Prestige qui n’en manquait déjà pas. Sommairement, l’album se concentre sur les choix de vie, les options dont chaque être humain dispose, et cette quête de réponses qui nous anime jour après jour, lorsque nous prenons conscience de faire partie d’un dessein global beaucoup plus vaste que nos petites individualités. Le groupe résume ainsi sa démarche :
« Tragic Separation est un album concept raconté du point de vue d’un personnage sur les différents chemins qui peuvent être empruntés selon les choix qui sont faits, et les conséquences qui découlent de ces mêmes choix sur le reste de sa vie. Parmi les doutes et les questionnements sur ces choix, une réflexion raisonne particulièrement chez le personnage : la réponse à toutes ces questions pourrait être le chemin en lui-même. Cette piste nouvelle devient alors un autre point de départ. »
Ainsi va la vie donc pour les italiens, et autant admettre que Simone Mularoni (guitare), Marco Basile (chant), Andrea Arcangeli (basse), Fabio Costantino (batterie), et Emanuele Casali (claviers) ont encore progressé malgré leur longue carrière, et le fait que The Prestige représentait leur œuvre la plus ambitieuse à l’époque. Tout le monde connaît évidemment cet argument promotionnel qui désigne toujours le dernier album comme étant le meilleur, mais dans le cas de Tragic Separation, cette assertion pourrait bien être vraie. Si l’ADN du groupe n’a évidemment pas changé, il a légèrement muté, et la musique du quintet, toujours parsemée de détails techniques hallucinants, montre un visage complexe, mais mélodique à souhait. Et en quasiment une heure de timing, les romains survolent leur carrière, tout en ouvrant des perspectives d’avenir assez intéressantes, démarche qui colle parfaitement au concept de ce dixième LP. Et si tout commence dans un déluge de plomb et de dextérité instrumentale, ce nouveau chapitre de la saga DGM module, ondule, tergiverse entre les styles, pour finalement dévoiler le sien, celui que l’on connaît si bien depuis l’étape cruciale Different Shapes. Avec toujours cette tendance à durcir le ton pour se rapprocher d’un Power Metal très agressif et lyrique, les italiens entament les hostilités avec un morceau qui en impose, et qui ose une synthèse SYMPHONY X/DREAM THEATER, avec toujours en exergue la voix extraordinaire de Marco Basile qui enflamme un instrumental aux multiples dimensions. En explorant les possibilités d’un destin qui pourrait bien être écrit d’avance, le groupe accepte sa condition de leader de la scène italienne, mais joue aussi avec les codes pour séduire les fans de Heavy Metal viril des années 80, ne surdose pas le clavier, mais laisse les guitares rugir comme des tigresses. Une fois encore, l’interprétation est largement au-dessus de tout soupçon, mais les chansons se montrent aussi facilement mémorisables, ce qui n’est jamais négligeable comme atout dans le créneau surpeuplé du Metal progressif.
Ainsi, si l’introduction de « Flesh And Blood » étale les arguments massifs pendant plus de sept minutes, le nouveau répertoire n’exagère jamais le timing. Certes, les compositions sont longues, plus de cinq minutes la plupart du temps, mais tellement riches qu’il passe rapidement et agréablement. Complètement conscients de leurs capacités, les musiciens préfèrent les mettre au service d’une musique agréable et convaincante, et lâchent quelques bombes Heavy du meilleur effet. « Surrender » nous renvoie ainsi au meilleur Metal des années 80, avec son up tempo efficace et son riff classique, qui n’est pas sans rappeler Coverdale et ses meilleurs sidemen, tandis que « Fate » durcit le ton tout en gardant la même ligne de conduite, avec toujours en exergue ce flou entre les frontières qui empêche de vraiment situer les DGM. Tout ce qu’on comprend à l’écoute de ce dixième album, c’est qu’il a parfaitement sa place dans l’écurie Frontiers, et qu’il renvoie l’image d’un groupe qui n’a jamais sonné aussi jeune et déterminé. Sans avoir beaucoup d’imagination, on peut se persuader que les italiens entament leur carrière ou qu’ils confirment par un second LP parfait et frais, alors que le collectif accuse les vingt-six ans d’existence. De fait, impossible de résister à la fougue moderne dont font preuve ces chansons extraordinaires de puissance et d’harmonie, et plus que de Metal progressif, il conviendrait presque de parler de Techno Metal - dans le sens technique du terme - puisque finalement, les dix titres de ce nouvel album ne sont rien d’autre que de fabuleuses Metal songs enrobées dans une interprétation précieuse et précise.
On se prend parfois à rêver d’une association Allen-Lande renforcée d’une patine Power Metal, et un titre comme « Hope » aiguille clairement dans cette direction. Mais les italiens savent aussi revenir dans le giron d’une ambition évolutive, et développent sur l’hypnotique « Tragic Separation », une émotion tangible, bien que la tension ne diminue pas d’un poil. Simone Mularoni, constamment déchaîné nous livre ses riffs les plus tranchants, et Marco Basile n’a aucun mal à se hisser à son niveau, tandis que la section rythmique de Fabio Costantino et Andrea Arcangeli accomplit des prouesses sans forcément se mettre trop en avant. Quelques reproches mineurs à formuler, comme cette similitude au niveau des intros, systématiquement jouées au clavier, quelques riffs plus convenus que la moyenne, mais en dehors de ces récriminations qui n’en sont pas vraiment, on frôle la perfection dans un style pourtant très exigeant, d’autant que le quintet négocie chaque virage avec la même rage, glissant parfois sur la pente de la violence (« Silence »), pour terminer en cramant le turbo sur le véloce et intrépide « Turn Back Time ». Je le répète, mais il est vraiment difficile de croire que ce groupe s’est formé dans la première moitié des nineties, tant sa musique est d’actualité et hautement compétitive. Visiblement, le Metal est une source de jeunesse éternelle et une corne d’abondance créative pour certains musiciens, qui malgré les années, continuent leur chemin en assumant totalement leurs choix. Ce qui prouve que le chemin est bien la réponse à toutes les questions qu’un être humain peut se poser.
Titres de l’album:
01. Flesh And Blood
02. Surrender
03. Fate
04. Hope
05. Tragic Separation
06. Stranded
07. Land Of Sorrow
08. Silence
09. Turn Back Time
10. Curtain
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