« J'étais complètement perdu et je sentais bien qu'on m'adorait pour ça. Les gens aiment voir souffrir leurs héros. »
[David Bowie, 2002]
Tout le monde le sait, Devin souffre et n’aime pas souffrir. Il s’abreuve de ses émotions pour composer et tisser la toile de soie de son monde, soie si fragile qu’un simple dernier souffle suffirait à en briser le fil. Alors il tente de s’extirper des ténèbres pour se diriger vers la lumière.
Némésis, catharsis, Eros, Thanatos, le rire, les larmes, la contemplation, l’adoration, l’abnégation, etc…Alors, il n’avait plus de jus pour remplir le réservoir de SYL…La panne sèche en plein milieu du désert. Mais il en a tiré profit, puisque la aussi, tout le monde le sait, il déteste cette créature bruitiste qu’il a enfanté un soir de colère. Mis de côté, il pouvait se concentrer sur son autre soi, le Devin Townsend Project, qu’on retrouvait déjà sur le premier volet du double Z2.
Cet autre soi, c’est le Devin résolument optimiste, ou celui qui fait bien semblant. Celui qui nous délivre des mélodies oniriques et surnaturelles, et pourtant plus humaines qu’une veine qu’on taille un matin de désespoir. Mais il n’est plus question de désespoir.
Lisez, et vous comprendrez.
Plus haut. Les étoiles. Transcendance. Offre ta lumière. Du cœur.
Devin se découvre, se dévoile, et compte sur nous pour faire le reste. L’accepter tel qu’il est, et ne rien demander en retour que cette musique qu’il nous offre depuis des décennies.
Si le terme de « génie » était systématiquement accolé au nom de Brian Wilson, il l’est aussi à celui de ce Canadien fou qui a toujours refusé la modération. Seulement, les génies sont comme les héros, ils sont parfois fatigués et ont besoin de s’asseoir, de faire le point avant de se lancer de nouveau dans la bataille. Ils ont besoin de retrouver leurs sensations, leur famille, pour pouvoir reprendre le combat contre l’inanité créative.
Et même à sec, même un genou à terre, Devin reste quand même deux ou trois nuages au-dessus de sa concurrence qui de toute façon n’existe pas. Ce genou à terre, cette étape avant la marche en avant porte un nom, Transcendance. Une déception évidemment, mais qui pourtant reste un triomphe. Celui de constater que même exsangue, même au bord de la falaise, Devin reste le plus fort de tous.
Il veut faire du symphonique. Soit, c’est son droit. Les grosses rythmiques, les riffs agressifs, la violence, il renie en bloc et propose l’apaisement. C’est un choix, et comment ne pas le respecter de la part de quelqu’un qui un jour a enregistré des chansons comme « Life » ou « Truth » ?
D’ailleurs, on retrouve ce dernier en premier, comme un lien vers le passé qui s’ouvre vers l’avenir. Réenregistré pour l’occasion, il permet à Devin de regarder un instant en arrière pour faire le point. On retrouve l’équipe de Sky Blue évidemment, signe de confiance du maître qui comme Paul McCartney en 76 souhaitait une collaboration plus ouverte.
Ainsi, les noms de Niels Bye Neilsen et Mattias Eklund viennent s’ajouter à la liste de ses musiciens pour un travail sur les arrangements et les textures, ce qui en dit long sans en dire sur l’amplitude de la bride tenue par Devin.
Mais ne vous leurrez-pas, il la tient toujours bien en main. Car Transcendance reste dans les balises de sa propre piste d’atterrissage, celle sur laquelle se pose son vaisseau depuis Infinity.
«Je pense que l’intention, le thème et la participation de chaque personne impliquée permettent à ce disque d’être une sorte de pivot entre les années qui viennent de se dérouler et ce que j’ai l’intention de faire prochainement avec la symphonie. Je suis très fier de ça et des personnes impliquées »
A propos d’atterrissage, d’aucuns ont beaucoup parlé de pilotage automatique. Et en étant honnête, je me dois d’abonder dans leur sens.
Certaines parties de guitare, certaines lignes vocales sentent la récupération d’Epicloud, d’Infinity ou de sa tétralogie sur les addictions, mais en acceptant le principe de blocage temporel et de regard dans le rétroviseur, c’est un principe qu’il nous faut accepter.
Son obsession du son n’a pas changé non plus, autant s’y faire, et admettre que ses productions seront toujours uniformes dans leur démesure. Trop de compression, trop de juxtaposition, mais dans son rôle de Phil Spector de l’éthéré, Devin courra toujours à deux trois longueurs de la norme. C’est ainsi. Il n’empêche – et la précision est d’importance – que Transcendance comporte plus de moments de gloire que d’instants de nostalgie.
Pourtant, après la relecture de « Truth », « Stormbending » ne rassure pas. Mélodie standard, ambiance cotonneuse d’un matin pas forcément inspiré, le morceau peine à vraiment nous entraîner dans l’aventure. Mais on insiste bien évidemment, même si « Failure » mérite presque son titre et échoue à nous convaincre. Certes, la voix est là, le riff est délicieusement syncopé, mais le panorama est connu, malgré ces interventions divines de chœurs désincarnés.
Il faut attendre « Secret Sciences » pour que Transcendance commence à justifier son intitulé, avec ces accords qu’on croirait échappés de Ghost. Une rythmique empruntée au progressif, une avancée à pas de loup, et soudain, la lumière s’allume et nous retrouvons le Devin que nous avons tant chéri.
Outre la latitude laissée à son équipe, le lutin retrouve aussi des collaborations extérieures, avec les participations d’Anneke évidemment, mais aussi de Che Aimee Dorval et Katrina Natale. Leurs contributions sont plus éparses qu’à l’habitude, mais permettent à des morceaux comme le sublime « Higher » de passer dans une dimension supérieure, hautement zen mais aux luttes intestines qu’on sent clairement en filigrane, pour peu que l’on connaisse les névroses du bonhomme.
Avec ses neuf minutes et quarante secondes, il serait facile de faire passer ce moment épique pour l’acmé qu’il est sans doute, mais il reste le point de jonction le plus évident entre les diverses personnalités de l’auteur, avec ses assombrissement de guitare à la SYL, ses nappes vocales incrustées dans l’ADN de Dtp, et ses envolées lyriques libres qui n’appartiennent qu’à l’artiste sous son propre nom.
Mais dans ce cas, comment aborder le cas du faux diptyque final « From The Heart »/ »Transdermal Celebration » ?
Avec plus de seize minutes qui coulent le long de notre rivière auditive, cet enchaînement est pourtant une des plus belles portes de sortie que Devin a pu s’aménager depuis très longtemps. Harmonies célestes, guitare qui ondule et se tord selon l’inspiration, nappes de voix qui se nouent et se dénouent dans un ballet étourdissant…Porte de sortie, certes, mais vers quoi ?
Cet avenir symphonique auquel Devin semble tellement tenir ? « From The Heart » semble le confirmer, même s’il synthétise plus de dix ans de musique aussi unique que son psyché. Et même s’il s’achève sur des volutes de guitare apaisantes laissant une mélodie sublime rejoindre les nuages…
On pourrait évidemment multiplier les exemples, recenser tous les indices qui laissent à croire que ce stand-by n’en est pas vraiment un…Il suffirait de parler même à demis mots de « Transcendance » qui reprend peu ou prou les recettes d’Epicloud en les agrémentant de backing vocals grandioses et subtilement effrayants. De ce break de percussions sur tapis de voix féminines, et de cette mutation d’anciennes idées qui finalement en donnent de nouvelles…
Ou alors évoquer subrepticement la violence retenue de « Stars » qui percute les thérapies harmoniques imposées presque par la force de la paix…Mais pourquoi faire, sinon accumuler des mots qui ne remplaceront jamais des notes, que l’on a sans aucun doute déjà entendues avant, et que l’on entendra encore après.
Je me posais cette question intérieure. Comment parler d’un disque fabuleux, qui n’est ni une réussite totale ni un échec patent, sans trahir l’objectivité, et sans manifester de condescendance envers un artiste qui mérite l’honnêteté la plus absolue ?
Car après tout, Devin l’a dit lui-même, et rien que le fait de commencer Transcendance par une reprise de son œuvre et de le terminer par celle d’un autre groupe (WEEN) est un aveu en soi. Se pencher sur son histoire, et s’ouvrir sur celle des autres.
Assumer ce qui a été accompli, s’asseoir dessus, et finir par regarder le soleil se lever sur un autre jour.
Je serai bien incapable de dire si cet ultime chapitre de la saga Townsend saura vous transcender et vous forcer à chercher en vous la lumière qui vous rendra meilleurs.
« We can be heroes, just for one day, we can be us, just for one day»
C’est aussi David Bowie qui chantait ça. Et c’est la meilleure conclusion possible. Jusqu’à présent Devin avait choisi d’être le héros d’une histoire d’amour entre lui et son public. Aujourd’hui, il veut juste être lui-même.
Titres de l'album :
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
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