Il semblerait que la scène Indienne se réveille depuis quelques années, au point de représenter un point de convergence en Asie. Difficile à croire il y a quelques années, le style Metal n’étant pas prépondérant, mais en jetant un coup d’œil aux sites référençant les divers groupes nationaux actifs, on se rend compte que le pays n’a plus à rougir de la concurrence.
Entre les DEVOID, MORTAR, CHAOS, BEHEADED CARNAGE et autres THEORIZED ou SCEPTRE, le Thrash connaît un beau succès local, et peut encore compter sur un nouveau représentant, qui a choisi de le diluer dans un Heavy assez fourni.
Les SPEEDTRIP ont donc opté pour un nom idoine et bien calé, puisque leur musique nous embarque dans une bonne secouée, qui si elle reste encore de proportions raisonnables et d’un son un peu amateur, risque fort de se perfectionner avec le temps pour atteindre un équilibre stable permanent.
SPEEDTRIP, mais ne vous attendez surtout pas à une speederie intense et peu réfléchie pour autant. Ces cinq-là sont de véritables amoureux de la vague Heavy/Speed/Thrash aux fortes réminiscences des années 80, que l’Inde avait observé d’un regard lointain.
Mais Sylvester Joe (batterie), Rakeeb et Govindan (guitares), Lohith (basse) et Kaushik (chant), ne comptent pas faire preuve du même statisme, et se sont donc investis dans la réalisation d’un premier LP en DIY, qu’ils distribuent comme ils le peuvent via les plateformes légales de téléchargement, et en version physique en passant par la case Mahatobar Distribution.
Acheter, c’est conseillé, mais cet album initial vaut-il la monnaie dont vous pourriez vous débarrasser pour l’acquérir ? Admettons tout de go que l’entreprise n’est pas dénuée de quelques défauts, mais quel premier LP n’en a pas ? Si le style est assez étrange et à cheval entre plusieurs tendances, l’investissement et la hargne des musiciens font plaisir à entendre, et donnent à ce Trapped in a Maze tout l’enthousiasme dont il a besoin pour vous séduire.
Ce qu’on retient surtout à la première écoute, c’est le chant si particulier de Kaushik qui hurle vraiment comme un damné, en restant coincé dans des intonations aigues hystériques, propres à faire passer Paul Baloff ou Robert Gonnella pour des clones de Peter Steele qui s’ignoraient encore. Sa voix est incroyablement écorchée et éructée, mais permet de transcender des passages parfois assez standards, qui soudain se transforment en hymnes de brutalité possédée.
Sans démériter, les autres musiciens se contentent de jouer carré, et de piquer des plans à droite et à gauche pour meubler des morceaux qui restent relativement conventionnels dans une gamme Heavy/Speed/Thrash traditionnelle.
Les guitares ne sont pas toujours enflammées ou vraiment inspirées, et se laissent souvent porter par des saccades médiums qui collent de près aux dogmes d’il y a trente ans, au point parfois de se mélanger les cordes entre le Doom, le Heavy, et l’épique amateur pas totalement maîtrisé (« My Evil Urge », qui pourtant, très bizarrement, parvient à convaincre sans vraiment avancer d’arguments).
Mais c’est justement ce non-choix qui me plaît tant chez ces originaires de Bangalore, qui justement ont pris le risque de se laisser flotter entre les courants, sans que l’on puisse vraiment les situer. Si quelques idées sont encore approximatives, et si certaines ambiances manquent encore de certitudes et de profondeur, ce côté DIY louchant parfois vers la qualité démo est très attachant, et doit certainement s’affirmer en live, où la réputation du groupe n’est plus à faire dans leur pays.
Difficile toutefois de situer le quintette en jouant le jeu des comparaisons, même si les noms de MORTAL SIN ou FORBIDDEN peuvent être glissés dans la discussion sans paraitre déplacés. On pense aussi à la transition entre Heavy Speed et Thrash américaine des années 83/85, lorsque les rythmiques hésitaient encore à lâcher le paquet, et les guitares à abandonner leurs tics Heavy trop prononcés.
Mais comme je le soulignais, c’est souvent le chant de Kaushik qui vient sauver des compos qui parfois pataugent dans le néant (« Six Days In Hell », on ne pige pas vraiment où tout ça veut en venir avec tous ces breaks qui s’amoncèlent, mais les hurlements repartant de plus belle, on finit par ne plus se poser de question), oui qui explose les standards Heavy/Speed les moins exigeants (« Kiss of The Black Mamba », rythmique up sur fond de riffs rabâchés, pour un démarquage à peine voilé de la troisième vague Speed/Thrash US de 90/91).
Heureusement, quelques virages un peu plus serrés permettent à l’entreprise de décoller, et c’est finalement quand le groupe durcit le ton qu’il est le plus béton, même si la production laisse geindre une paire de guitares réclamant un mix un peu plus conséquent (« House of Horrors », presque digne d’un EXODUS en vacances).
Le final éponyme vaut aussi son pesant de décibels, avec toujours cette basse qui joue les trouble-fête et qui renforce l’impact d’une batterie à l’écho un peu mat. On pourrait même parler à l’occasion d’une sorte de Techno-Thrash un peu primaire, misant plus sur la multiplicité des breaks que sur la démonstration technique pour s’y affilier.
Nous avons même droit de temps à autres à quelques inflexions vocales bien rauques, qui certes ne durent pas vraiment longtemps (« Wasteland »), mais qui permettent de détourner l’attention quelques instants.
En définitive, et aussi Metal soit cette réalisation, il n’est pas impossible de la rapprocher d’un effort un peu Core sur les bords, sans tomber dans les certitudes crossover, pourtant manifestes par endroits (« We All Gotta Bleed »). Alors, que dire d’un premier album somme toute encore un peu maladroit, mais garant d’une implication réelle ?
Que le travail de maturation pour les SPEEDTRIP n’est pas encore achevé, et que le papillon est encore dans sa chrysalide. Pas vraiment Speed contrairement à ce que son nom semble indiquer, ce quintette indien a encore quelques années devant lui pour développer son véritable style, que nous aurons peut-être la chance de découvrir à l’occasion d’un second LP.
Titres de l'album:
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