Au début, on ne se faisait guère d’illusions. On se disait qu’avec un parti-pris aussi extrême, le Grind n’évoluerait pas. Impossible. Trop de violence, pas assez de compromis, une vision trop rudimentaire du Hardcore, enfin, peu d’arguments en faveur d’une progression quelconque.
Mais ça, c’était avant, au début. Lorsqu’on a connu les NAPALM, SORE THROAT, DOOM, CARCASS, et toutes les brutes anglaises rapidement imitées par les barbares américains.
Il aura fallu à TERRORIZER bien du courage et du talent pour pousser les fans à commencer à les croire un peu moins bas du front que la moyenne. Sauf que depuis, le Goregrind est venu tout gâcher. SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION, GORE BEYOND NECROPSY, et d’autres tâcherons du Noise à la barbaque, qui nous ont emmenés sur une fausse piste de massacre ambiant en forme d’impasse.
Mais quelques irréductibles de la foi se sont accrochés. Dont moi. A force de tomber sur des combos un peu moins faciles que la moyenne, et paradoxalement plus bruyants que tous ces bâtards du blast contaminé et répétitif, j’ai fini par me dire que j’avais bien fait de craquer pour ce sous-genre dont peu ou personne ne voulait.
Et l’un des groupes qui a récompensé mon acharnement est toujours en activité, ce qui tombe drôlement bien. Il vient même de sortir à trois ans d’intervalle deux albums majeurs. Oui, trois ans. C’est long trois ans. Bande d’enfoirés.
FULL OF HELL, c’est un nom qui fait peur et qui donne le sourire. Les originaires d’Ocean City, Maryland empilent pourtant les sorties depuis leur création, et avancent, avancent, en se posant pas mal de questions.
Beaucoup se rappellent avec émotion et dévotion de leurs premiers pas chez A389 Recordings, qui les ont accompagnés le plus loin possible, jusqu’à ce que ces extraterrestres de l’attaque sonique ne virent de bord pour amarrer chez Profound Lore, autre bastion hautement recommandable.
Un nouvel LP donc, trois ans après le choc sismique de la collaboration avec l’autre flingué de MERZBOW, et un seul après le duo improvisé sur canapé défraîchi avec les barrés de THE BODY, pour un One Day You Will Ache Like I Ache de folie.
J’avais digressé sur ces deux exemples en leur temps, les couvrant de louanges absolument mérités. Tout comme j’avais abordé le cas de Roots of Earth Are Consuming My Home (2011) et Rudiments of Mutilation (2013) en en disant tout le Grind de folie qu’ils suggéraient.
Aujourd’hui, je me retrouve attablé, attendant les agapes Noisy de 2017 avec un insatiable appétit que rien d’autre ne saurait calmer. Trumpeting Ecstasy, Profound Lore, mai 2017, c’est parti.
Et personne ne va le regretter…
En préambule, affirmons d’abord que tout le monde fera la comparaison avec la pierre angulaire Full of Hell & Merzbow, c’est inévitable. Celui-là, c’est un peu leur Reign In Blood, leur From Enslavement To Obliteration à eux, un truc qui sert de modèle, de mètre-étalon, le genre insurpassable.
Alors niveau son cette fois-ci, une production confiée aux bons soins du stakhanoviste Kurt Ballou aux légendaires God City Studios, non histoire de faire comme tout le monde, mais plutôt pour cimenter une réputation qui n’est pas prête à se lézarder. Pas vraiment de différence entre les efforts de 2014 et 2017, même si Ballou a su s’empêcher de trop arrondir les angles et de soigner trop propre. La prod’ est donc clean, mais garde cette patine un peu crade dont les américains ont besoin. Les graves le restent, mais vibrent toujours autant de dissonances, et les guitares n’ont pas été nettoyées pour autant. Les riffs sont toujours aussi rouillés et contaminant, et le chant en dualité n’a pas été gommé de ses aspérités diaboliques.
Tout va donc bien dans le meilleur des mondes.
Si changement il y a, c’est du côté de la « musique » qu’il est le plus notable. En effet, il semblerait que les FULL OF HELL aient décidé de scinder leur approche Noisy/Grind en deux factions bien séparées, traitées individuellement. Cette fois-ci, les intermèdes et autres arrangements bruitistes sont isolés des compositions principales, et servent principalement d’interludes cauchemardesques de transition. C’est une option que l’on peut regretter, mais qui finalement, ne dessert pas les desseins noirs d’un album qui reste aussi efficace…qu’étrange.
Le groupe a mis le paquet, et a multiplié les featuring. On retrouve donc sur Trumpeting Ecstasy quelques guests de luxe, dont les principaux impliquent Aaron Turner (SUMAC/OLD MAN GLOOM/MAMIFFER/ISIS), Nate Newton (CONVERGE/OLD MAN GLOOM), et Andrew Nolan (COLUMN OF HEAVEN/THE ENDLESS BLOCKADE), qui viennent apporter leur contribution au monolithe, d’une façon ou d’une autre, et avec plus ou moins de pertinence.
Et en dehors de ces mentions honorables tout à fait décentes, c’est bien le partenariat signé avec l’étrange compositrice/interprète Nicole Dollanganger qui fascine le plus…On retrouve la voix désincarnée de cette artiste au visage de poupée sur le title-track du LP, et ses intonations enfantines confèrent à ce morceau déjà salement envoutant des allures de BO d’un giallo des années 70.
Un titre qui voit se superposer un instrumental hypnotique rude et sombre et des volutes vocales à la SUSPIRIA/THIS MORTAL COIL, pour une union contre nature entre le vice d’un Noise abrasif et d’un Folkgaze éthéré et étiré vers les nuages assombris d’une banlieue industrielle anglaise délocalisée dans le Maryland. Fabuleux…
Mais le reste ne l’est pas, tout du moins, est aussi intense qu’il n’est plus prévisible. Exit les crossover à l’arrache entre samples déchirés et Grind acharné, et la cavalcade, aussi rapide et folle que par le passé, semble plus domestiquée et docile. Non que la folie ait disparu au profit d’une assurance professionnelle - ce que « Deluminate » contredit dès l’entame et que « At The Cauldron’s Bottom » infirme en clôture de ses six minutes méchamment vitriolées – mais on sent que le groupe a quelque peu discipliné sa rage pour la rendre plus…accessible et efficace.
Et si le Noisecore se sent seul en jouant le lien entre les pistes officielles, celles-ci s’amusent quand même bien d’un Crust/D-Beat/Grind au niveau si élevé et à l’exubérance si affirmée (« Branches Of Yew »/« Bound Sphinx », enchaînement divin), qu’une fois de plus personne ne sera à même d’en contester la puissance (« Crawling Back To God », petite leçon à l’usage des Death metalleux qui confondent gravité sous vide et gratuité avide, merci Kurt).
Comme d’habitude, les FULL OF HELL alternent, jouent les secondes pour mieux provoquer les minutes, s’affolent ou en donnent l’impression mais gardent le contrôle d’un Grind que le monde entier peut leur envier (« Gnawed Flesh », à la décélération douloureuse, « Digital Prison », et sa basse si torturée que même Shane aurait pitié).
Donc, alors, et, comment ?
Que je vous laisse quelques instants pour recouvrer votre audition en intégralité ?
Surement pas.
Beaucoup ont glosé sur la toile de la prétendue « accalmie » suscitée par Trumpeting Ecstasy. Je l’ai personnellement légèrement constatée, mais plutôt considérée comme un nouvel agencement, histoire de ne pas trop se répéter.
Je ne sais pas encore si le choc frontal sera plus rude chez les fans que celui causé par Full Of Hell & Merzbow, il conviendra d’attendre encore un peu que le temps fasse son affaire et que l’on digère ce nouveau pavé dans l’estomac.
Ce que je peux dire par contre, c’est qu’un disque qui se permet sur le même timing d’oser des morceaux aussi contraires dans l’éthique et le concept que « Trumpeting Ecstasy » et « Digital Prison » mérite toute votre attention.
Alors, la réponse est oui, toujours, plus que jamais.
Quelle question ?
Vous êtes étourdis. Le Grind peut-il toujours évoluer ?
Merci de suivre un petit peu quand même.
Titres de l'album:
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