Se lever le matin, avaler une tartine de saindoux arrosée de jus de viande et trempée dans du café froid de la veille, en regardant les dernières catastrophes aux infos. Enfiler sa tenue de travail, et arpenter les tunnels d’un vieux système d’égouts fluviaux à la recherche de saloperies obstruant les canalisations. Sentir les excréments, la pourriture, traîner ses bottes dans une eau croupie, parler avec les collègues du dernier gel des salaires. Penser à l’hypothèque sur la maison et à sa femme qui n’en peut plus de cette vie morne et qui commence à loucher sur son collègue de boulot. Sortir de ce trou à rat à une heure avancée, prendre une douche vite fait, manger un repas surgelé préparé sans amour. Dire bonne nuit à des gosses qui ne rêvent plus depuis longtemps. Regarder les dernières catastrophes aux infos du soir. Aller se coucher, et embrasser sa femme qui pense à un autre. Recommencer le tout le lendemain matin en attendant un weekend qui n’apportera rien de meilleur qu’un barbecue avec des amis que vous n’en pouvez plus de fréquenter, parce qu’ils vous ressemblent. Sentir le moisi partout, voir la décrépitude d’un monde qui part à vau-l’eau. Regarder les murs décatis au papier peint qui se décolle et qui révèle une peinture maculée de salpêtre. Mener une vie qui a déjà des allures de mort annoncée, affronter les virus, les compressions de personnel, les émotions stériles, les réflexes de politesse, l’indifférence des siens et de la plèbe. Faire semblant de croire qu’on se lève pour une raison, qui n’est autre que celle de survivre à une journée insipide de plus. Le bilan vous semble-t-il assez juste en fin de compte, lorsque vous y réfléchissez bien ? Je ne sais pas s’il vous correspond, mais ce sont les images qui sont venues titiller mon esprit malade en écoutant le nouvel album des californiens de WORSHIP.
Nous étions sans nouvelles des originaires de Salinas depuis 2015 et la sortie de All Too Human. Nous les pensions peut-être trop fatigués et résignés pour continuer à avancer, mais il semblerait que leur désespoir développe une énergie leur permettant d’enregistrer à nouveau. Mais pas d’illusions, leur musique est toujours aussi éprouvante, et la lourdeur de leur approche déprimante. Se réclamant d’un Sludge à touches Post Hardcore, les WORSHIP visent juste sur la cible de leur inspiration, et nous évoquent une version encore plus maladive de NEUROSIS, plus condensée aussi, mais pas moins poétique dans le cauchemar. Josh (guitare), Andrew (chant), Kyle (batterie) et Richard (basse) aiment mélanger les genres pour créer leur magma poisseux qui ressemble à s’y méprendre à toute la saloperie qui flotte sous nos pieds, dans les grandes agglomérations. Leurs riffs sont tels des paquets de cheveux, de carton, de déchets qui se mélange dans les eaux croupies de la désillusion, et le chant d’Andrew ressemble à s’y méprendre au soliloque d’un désespéré qui crie sa rage, mais dont la colère s’étouffe sur l’écueil de la réalité. A quoi bon après tout ? A quoi bon évoquer l’influence de CONVERGE, BOTCH, CAVE IN, ISIS, NEUROSIS, BORIS, SUNN O))), groupes qui ont déjà été impliqués dans tant de créations qu’ils en deviennent des icônes usées par le temps ? Et lorsqu’on découvre la lancinance du diptyque immédiat « Paralyze » et « Tunnels », on pense immanquablement à la bande de Scott Kelly, et cette façon de traiter un riff Doom pour le transformer en souffrance permanente. Heureusement parfois, la rage semble éclore aux lèvres de la haine, et « Without » d’accélérer encore un peu les choses pour qu’on le ressente dans notre envie de revanche. Le son est sec comme un coup de trique UNSANE, le propos aussi plombé qu’un lundi matin sous la pluie, on sent encore un peu de vie là-dessous, des réminiscences de CANDIRIA, mais surtout, une échine courbée sous le poids d’un destin peu enclin à ranimer vos rêves de jeunesse.
Dans la musique proposée par Tunnels, il n’y a aucun rêve, même pas une petite illusion de fin de journée, quand on est trop fatigué pour accepter la lucidité. Il n’y a que l’horreur du quotidien, l’enclume de la fatigue du matin qui vous frappe le crane jusqu’à en faire exploser le moindre neurone, les soudaines crises de panique quand on se rend compte que l’avenir est en noir et blanc, et que le passé n’a jamais été en couleur. Il y a plus prosaïquement du Post-hardcore confronté à la rudesse du Sludge et du Doom, des parties de batterie qui jouent parfois la déconstruction et les fills pour relancer la machine, des répétitions héritées de l’Indus grave et gras des années 90 (« Searching For Light »), du SWANS confronté à du ISIS et NEUROSIS, et puis surtout, un court cheminement vers une apocalypse finale, développée en plus de huit minutes, comme si le reste n’avait pas déjà été assez dur à supporter. De fait, « The Cave », est une pièce sombre de l’âme dans laquelle l’homme vient se réfugier pour laisser libre court à ses instincts les moins avouables. Une pièce qui s’ouvre sur fond de feedback gangréné, de basse distordue qui fait grincer les gonds, et d’une soudaine poussée d’Ambient sombre et suintant qui ne change rien pendant de longues minutes, avant qu’un crescendo final n’emmène l’homme aux confins de la folie. C’est à ce moment-là je crois qu’il a pris la décision d’ôter la vie à sa famille, avant de se pendre sur une poutre rongée par les termites. Mais la poutre a tenu, et le souffle en a été coupé suffisamment longtemps pour agoniser.
Tout ceci est évidemment une histoire inventée, mais elle pourrait arriver, un jour ou l’autre, à n’importe qui. A moi, à vous, à quelqu’un que personne ne connaît plus depuis qu’il ne parle plus. Et les californiens de WORSHIP tournent le dos au soleil de leur état pour contempler l’ombre globale. Et le tableau n’est pas des plus réjouissants. C’est donc ça, la tristesse palpable qui flotte entre les murs de l’indifférence ? Un tunnel sans fin sous couvert d’une nuit qui ne se termine jamais vraiment, à tel point qu’on se demande si on a vraiment existé autrement qu’à travers la mémoire faussée de ceux qui ne vous ont jamais entouré.
Titres de l’album:
01. Serpents
02. Paralyze
03. Tunnels
04. Without
05. Searching For Light
06. The Cave
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