Les fêtes approchent, le temps des cadeaux aussi (bis repetita).
Il est certain que notre cher label national Listenable ne fait pas les choses à moitié pour célébrer les derniers mois de cette année pourrie, et après avoir lâché le molosse LOUDBLAST, voici que la maison de disques envoie à nos trousses la meute de loups BLISS OF FLESH pour finir le travail. Car si les calaisiens n’ont pas encore derrière eux la carrière de monsieur Buriez, ils n’en restent pas moins l’une des valeurs les plus sûres de la brutalité made in France depuis le début des années 2000. Cela dit, en vingt ans, ces musiciens avides de méchanceté n’ont pas vraiment joué la carte de la prolixité, puisque seuls trois albums constellaient jusqu’à présent leur discographie, tous consacrés à l’œuvre de Dante Alighieri, La Divine Comédie. C’est ainsi qu’Empyrean mettait un point final à ce travail de titan il y a trois ans, et c’est avec un nouveau concept que le quintet revient en 2020, parfaitement adapté à son époque. Se concentrant cette fois-ci sur Discours De La Servitude Volontaire, écrit par Etienne De La Boétie en 1548 sur les bancs de la fac de droit d’Orléans, BLISS OF FLESH propose donc une étude de son époque par le prisme du passé, et cette fameuse définition de la « servitude volontaire », qu’on utilise beaucoup de nos jours, à bon ou mauvais escient. Qu’en est-il donc du contenu de cette œuvre fondamentale dont les enseignements servent encore aujourd’hui ? Je laisserai Wikipedia répondre à cette question de façon synthétique :
« Ce texte pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population et essaie d'analyser les raisons de la soumission de celle-ci (rapport « domination-servitude »).
L’originalité de la thèse soutenue par La Boétie est de nous démontrer que, contrairement à ce que beaucoup s’imaginent quand ils pensent que la servitude est forcée, elle est en vérité toute volontaire. Combien, sous les apparences trompeuses, croient que cette obéissance est obligatoirement imposée. Pourtant, comment concevoir autrement qu’un petit nombre contraint l’ensemble des autres citoyens à obéir aussi servilement ? En fait, tout pouvoir, même quand il s’impose d’abord par la force des armes, ne peut dominer et exploiter durablement une société sans la collaboration, active ou résignée, d’une partie notable de ses membres2. Pour La Boétie, « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres » ».
La servitude volontaire, souvent évoquée en cette époque de confinement et de décisions gouvernementales arbitraires et contradictoires, représente donc la privation de liberté qu’un homme s’inflige à lui-même, sous prétexte de bien commun. Et lorsqu’il nous est interdit de sortir de chez nous hors du cadre du travail ou de quelques impératifs choisis, cette théorie ressort, cette fois-ci non sous la forme de posts Facebook conspirationnistes, mais bien d’un album méchamment solide et solidement méchant, soit la trademark la plus absolue du groupe nordiste. Ce quatrième longue durée du quintet (J. Poizon - basse, Fleshstigma - batterie, Sikkardinal & Pandemic - guitares, et Necurat - chant) n’oppose donc pas grande résistance à la logique découlant des trois premiers, et s’épanouit toujours dans cette forme très noircie de Death Metal qui évidemment tire beaucoup d’enseignements du Black Metal, à tel point que l’on confond souvent les deux à l’écoute. Excellemment mixé et masterisé au studio Vamacara en France par HK, et superbement décoré par l’artwork de l’artiste hongrois Balázs Jacsó qui pour l’occasion s’est inspiré des œuvres picturales médiévales, Tyrant impose donc la tyrannie au centre des débats, et son acceptation par un peuple qui préfère voir ses libertés réduites à la portion congrue que de se lever et se battre pour la démocratie réelle. Pour souligner et illustrer cette théorie, le groupe a recours aux mêmes astuces que d’habitude, un abattage constant, une violence omniprésente, et son label n’hésite pas une fois de plus à avoir recours à des comparaisons flatteuses pour situer le travail de ses poulains. C’est ainsi que Listenable propose ce travail aux fans de MARDUK, BLOOD INCANTATION, IMMOLATION, BELPHEGOR, ou DARK FUNERAL, tandis que les webzines n’hésitent pas à parler de WATAIN, DISSECTION et autres IMMORTAL. Je me contenterai pour ma part d’affirmer avec une certaine facilité que BLISS OF FLESH fait une fois encore ce qu’il sait faire de mieux, soit du BLISS OF FLESH, ou la quintessence d’un Metal extrême qui se dispense fort bien d’étiquettes.
Son propre bien sûr, un peu trop même diront certains, alors justement que cette fameuse production épouse avec fidélité les contours de cette dictature que le groupe pointe du doigt, compositions évolutives et riches, parfois agrémentées de quelques transitions de cordes doucereuses (« Hexis », superbe transition), attitude compacte, muscles bandés, pour une quatrième démonstration de force. Certes, le quintet n’apporte pas grand-chose de neuf à la cause, mais fait le job avec une application incroyable, et ce quatrième tome ne prend absolument pas ombrage des trois premiers. D’ailleurs, « Serve » impose le climat sans attendre, et nous éclabousse d’une gerbe de blasts à rendre fou les plus grands percussionnistes de BM. Richesse et profondeur du son dans la complication qui n’est pas sans évoquer la période la plus symphonique d’EMPEROR, guitaristes qui alternent les riffs catchy et les motifs imbriqués plus mélodiques, voix toujours aussi grave de Necurat, le tableau brossé est noir, la danse agitée, et pourtant, le Metal des calaisiens est toujours aussi accrocheur dans la démence et la débauche de moyens. Cette nouvelle superproduction fait ombrage à des sorties plus récentes, et le mordant du groupe après trois années d’absence fait vraiment plaisir à entendre.
Avec une moyenne de cinq minutes par morceau, des intros luxuriantes et imposantes, une approche théâtrale du chant, Tyrant évoque avec acuité cet échange entre les tyrans et leurs discours emphatiques, et l’attitude servile des peuples qui pensent toujours que leurs leaders agissent pour le bien collectif. Mais on sent en filigrane les émanations d’une révolte qui couve, et lorsque le pamphlet « Mors » ose enfin le déroulé progressif, l’oreille est déjà préparée à ce déluge d’informations. Son clair, harmonies amères, nuancier de violence exhaustif, et BLISS OF FLESH de confirmer son statut de leader naturel de la scène Death/Black avec une facilité confondante. Et si nul ne sait comment le peuple va finir par réagir face à l’oppression de dirigeants trop sûrs d’eux, il est certain qu’une rébellion éventuelle s’accordera fort bien de la bande-son proposée par le groupe.
Titres de l’album:
01. Serve
02. Genesis
03. Vanitas
04. Krieg
05. Hexis
06. Panem
07. Tyrant
08. Mors
09. Naturae
Ce groupe n'en fini plus de s'enfoncer... Heureusement qu'il y a bien mieux dans le style en France.
On n'a pas du écouter le même album alors !
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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