L’Amérique du Sud n’a jamais été réputée pour abriter les groupes les plus sains d’esprit et les musiciens les plus calmes et portés sur la tendresse instrumentale. Sans aller jusqu’à recenser toutes les exactions bruitistes commises dans ce pays, autant dire que les plus brutaux des dégénérés en furent souvent issus, et une nouvelle preuve de cet état de fait m’en est donné aujourd’hui via le troisième LP d’une des formations les plus féroces du circuit national. Car depuis le 1er novembre, l’un des groupes les plus agressifs du pays nous en est revenu avec sous le bras un troisième LP qui risque de faire grand bruit au sens propre et au sens figuré, et d’entériner la suprématie d’un style bestial dans les cœurs des instrumentistes barbares locaux. Soyez heureux fans d’une certaine bestialité musicale, puisque les PERVERSOR nous en reviennent plus méchants et sales que jamais via cet Umbravorous, qui confirme tout le mal du bien que l’on pensait d’eux depuis la parution de leurs deux premiers LPs, publiés respectivement en 2008 (Cult Of Destruction) et 2015 (Anticosmocrator), et pour jouer la franchise, affirmons que les chiliens n’ont pas changé leur machette de main, puisque ce troisième épisode tient la dragée haute aux deux premiers, tant en termes de vilénie musicale que d’intensité de production, s’avérant être la tranche de vie la plus cruelle proposée par ces maniaques du Blackened Thrash vraiment noirci, mais toujours aussi paillard. On le sait, le Blackened quoi-que-ce-soit est souvent un simple exutoire à une pseudo folie instrumentale le confinant au bordel à peine organisé, mais entre les mains de véritables sadiques du solfège, le style peut devenir ce que l’humanité peut encaisser de plus rude et efficace. Et c’est immanquablement le cas de ce nouveau pamphlet, qui en à peine trente-deux minutes en redéfinit les règles en les poussant dans leurs derniers retranchements.
Sorti à compte d’auteur en novembre dernier, mais bénéficiant des soins futurs des labels The Dwell (en CD), Pulverised Records (en vinyle et CD) et Headsplit Records (cassette), Umbravorous n’est rien de moins qu’une invitation à la débauche la plus ultime et excessive, et se rapproche des pires (donc des meilleures) exactions du genre, bénéficiant pour une fois d’une production au-dessus de tout soupçon, excusant enfin les approximations d’Anticosmocrator dont l’écho mat n’était pas vraiment à la hauteur des compositions. Ici, tout a donc été peaufiné sans perdre l’aspect brut d’une musique qui n’accepte pas plus les concessions qu’avant, et le résultat final à des allures de lupanar géré par des entités démoniaques lubriques, ne concevant l’enfer que sous son jour le plus pervers. On retrouve donc tout ce qui a toujours fait le charme de ces vétérans de l’agression, et qui depuis 2008 n’en finissent plus de progresser dans la vilénie pour devenir une référence infinie. Et il y a fort à parier que ce troisième chapitre de leur descente aux enfers risque de les placer sur un piédestal bien mérité, puisque les dix compositions de ce nouvel effort jouent la carte de l’intensité à tout va, sans admettre de baisse de régime ou de concessions quelconques. On y retrouve donc la patte sud-américaine historique de la violence absolue, et l’héritage des SARCOFAGO, des CHAKAL, d’INVOCATION SPELLS, de HADES ARCHER, FORCE OF DARKNESS, et plus généralement, de toute cette vague de Thrash noirci à la poix qui infeste les poumons et nous fait cracher des glaviots en forme de morceaux de charbon. C’est donc éminemment vilain, franchement repoussant, mais tellement jouissif dans la manière qu’on fait fi de quelques manques d’originalité, très judicieusement comblés d’une énergie de tous les diables qui éclabousse au visage dès les premières mesures du diabolique « Deadly Poison and Black Fire ».
Et comme diraient les plus indécrottables fans, « ça pue, mais ça pue bon », et Umbravorous de se vouloir équivalent « musical » d’une partie fine entre Lucifer et quelques-unes de ses plus fidèles les plus dévouées, le tout dans un cadre apocalyptique de fin du monde programmée.
En étant tout à fait franc, il est relativement difficile de faire la différence entre les morceaux, puisqu’ils sont tous bâtis sur le même moule. Chant évoquant un Tom Angelripper après un stage de possession en Amérique du Sud, riffs concentriques et épileptiques tournoyant au-dessus du cadavre de la mélodie, rythmique hystérique qui instaure un climat de violence permanent, pour une gigue qui ne supporte aucune pause et aucun silence. On fonce donc dans le tas, et on double les parties vocales pour suggérer un exorcisme de façade, histoire de conférer à l’ensemble une atmosphère vraiment blasphématoire, trademark d’une tradition nationale qui n’est pas prête de changer. Le quatuor n’a donc pas vraiment revu à la baisse sa cruauté de nature, et les quatre diablotins (Knernet - batterie, Abominable - guitare, Torrid - chant et Morbest - basse) se complaisent donc toujours autant dans un brouhaha qui autorise parfois une certaine forme de musicalité héritée de la scène allemande expatriée au Brésil (« Umbravorous », l’un des plus retenus par la laisse du lot), mais qui n’hésite jamais à pousser mémé dans les orties du cimetière et à se gausser de sa prothèse de hanche qui part en arrière (« The Dwell »). Prenant des airs de gros glaviot craché au visage de la bienséance, ce troisième LP confirme que les chiliens sont toujours prophètes de malheur dans leur pays, et semble épaissir le ton pour paraître plus crédible dans son entreprise de démolition. Entreprise qui ne laisse aucune pierre intacte, et qui souffle ses braises ardentes sur des villes prises au piège d’un Thrash aux entournures Black, mais qui ne crache pas sur un embaumement Death de luxe histoire de radicaliser encore plus le propos.
Bien sûr, Umbravorous est le genre d’album qu’on écoute pour se venger intérieurement des brimades subies par la vie, et quelques lignes ne suffiront jamais à expliquer le ressenti que procurent ces compositions sans concessions, qui accélèrent les riffs et heurtent la rythmique, pour provoquer un effet de remous qui laisse les jambes flageolantes et l’esprit sens dessus-dessous. C’est du bestial de chez bourrin, ça peut s’apprécier à jeun, mais ça n’a jamais autant d’effet qu’apprécié en groupe, avec une bande de potes initiés à la cause, qui sauront headbanguer comme des damnés à en perdre leurs cheveux en route. On atteint parfois de sommets de brutalité, taquinant le spectre d’un Techno-bestial Black/Thrash de très haute volée (« Formidable Destino »), et en s’éloignant des sempiternelles références, les PERVERSOR nous prouvent qu’ils sont capables de tout pervertir, y compris la luxure, lorsque la gravité nous enfonce dans les affres de la bestialité, à l’occasion d’un maelstrom de sons compacts qui explosent tout à des lieues à la ronde (« Military Industrial Complex »). Pas forcément original, mais tellement extrême qu’on craque de plaisir coupable, même lorsque les titres à rallonge ne font que cacher un recyclage évident, mais enthousiasmant (« The Excrements of Infinity are the Vices of Divinity »). Alors, peu importe qu’on ait déjà entendu ça avant, peu importe que le batteur se prenne pour une moissonneuse-batteuse, peu importe que Torrid recycle les mêmes litanies vocales d’un bout à l’autre, puisqu’ici le plaisir réside dans l’excès, ce qu’Umbravorous a parfaitement compris.
Titres de l’album :
1.Deadly Poison and Black Fire
2.Umbravorous
3.The Dwell
4.Formidable Destino
5.Military Industrial Complex
6.Somnambulus
7.The Excrements of Infinity are the Vices of Divinity
8.Virtual Antropophagy
9.Merchant Of Spirits
10.D.M.T
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