BENIGHTED, SCOLOPENDRA, et maintenant, AD PATRES. Le Death a le vent en poupe ces derniers temps et souffle sur notre beau pays une haleine fétide et une respiration chaude. Qui irait s’en plaindre au regard du pedigree de ces trois destins animés, et alors que le choc des deux premiers n’a toujours pas été encaissé, Unbreathable vient nous étouffer en nous privant de cet oxygène dont nous avons tant besoin. Il faut dire que les bordelais se sont faits désirer. Cinq ans d’attente en longue-durée depuis A Brief Introduction to Human Experiments dont j’avais loué les qualités en ces colonnes, mais une attente qui en valait largement la peine, puisque le quintet nous offre une fois encore une sacrée démonstration de force qui pourrait laisser ses adversaires au tapis.
Olivier Bousquet, guitariste et tête pensante du groupe a donc rassemblé ses esprits et collecté ses propres idées pour catapulter son groupe dans une autre dimension. Entouré de Sylvestre Alexandre (guitare), Mathieu Larroudé (basse), Axel Doussaud (chant) et Alsvid (batterie), le leader a donc décidé de passer le turbo, certain que sa carrosserie allait tenir le coup. Et non seulement elle a résisté, mais elle en est ressortie polie, brillante, et encore plus solide. Remarquez, avec le paquet de chevaux qui ronflent sous le capot de ce troisième album, il vaut mieux être en carbone qu’en papier crépon.
Unbreathable est donc cette fameuse étape dite de la maturité. Sauf que la maturité ne s’exprime que par une professionnalisation indéniable, et une science exacte des structures et des déviances. Pour le reste, la colère adolescente a encore de beaux jours devant elle, puisque les bordelais n’ont pas l’intention de se calmer. Et c’est toujours ce Death Metal agressif et précis qui nous attend, avec une sacrée dose de technique et des ambitions progressives qui peuvent susciter l’admiration. Dans mon cas en tout cas.
Aussi grognon que BENIGHTED, mais plus porté sur les astuces mélodiques, AD PATRES renvoie l’amateurisme et la condescendance aux calendes grecques, et nous fait encore le coup de la perfection du premier coup. On commence à être habitué au travail impeccable d’Olivier Bousquet, et pourtant, à chaque retour, on est bluffé par ses capacités à transcender sa propre inspiration pour s’éloigner des références qui crèvent les tympans. Celles du Brutal Death à l’américaine, qui ne crache pas sur quelques harmonies bien placées.
Avec en exergue une fois de plus cette collection de riffs à faire rougir de honte l’ordinateur central de la CIA, et une rythmique si biseautée que le millimètre n’est même plus l’unité de mesure la plus adéquate et précise, AD PATRES concasse, mais ramasse. Il explose, mais nous fait voir la vie en rose. Il annihile, et pourtant, ne se découvre pas d’un fil. Il charcute, mais sans jouer les fils de butte. En gros, il rase le paysage mais replante quelques hectares de béton pour laisser place nette.
Sans déroger à sa philosophie de férocité, AD PATRES affine de plus en plus ses lacérations, pour atteindre la précision d’un scalpel musical flambant neuf. Avec une bordée de soli qui honorent Chuck Schuldiner et Trey Azagthoth, et une atmosphère générale très confinée, Unbreathable est un monument de véhémence et de paranoïa, tant les plans s’enchaînent à une vitesse hallucinante et mutent sans prévenir. Cette claustrophobie est justement le sentiment recherché par le quintet, qui n’aime rien tant que mettre mal à l’aise son auditoire par des sautes d’humeur imprévisibles.
Mais nous connaissons maintenant les petits trucs d’Olivier, et savons donc très bien à quoi ne pas nous attendre. A un Death prévisible, marqué au fer rouge de la Floride, et incapable de s’extirper de sa condition. Si les déroulés restent classiques, avec cet entrechoquement d’idées et de pièges rythmiques, le résultat n’en est pas moins brillant, et surtout, diversifié mais sans trop s’aérer. Pas question de nous laisser reprendre notre souffle, car même lorsque la tension baisse d’un cran, l’intensité n’en est pas moins difficilement supportable pour le système nerveux. Testez votre patience sur l’immense « The Medium », qui reste un chef d’œuvre de crossover, quelque part entre SUFFOCATION, MORBID ANGEL et GORGUTS.
Les références sont connues depuis longtemps, mais plus le temps passe justement, et plus les justes regardent trépasser les traîtres rétrogrades sans imagination. Si la référence old-school est frappante, elle n’en est pas pour autant le seul objectif d’un album qui justement, propose autre chose qu’une simple relecture des œuvres les plus classées. On se laisse alors emporter par un tourbillon de licks et de reprises abruptes, puisque le voyage se veut chaotique. Chaotique mais sans réel danger, puisque la production reste clean, pointue et claire.
Et la richesse des thèmes de guitare créent un décalage avec le systématisme du chant, qui tout au long de la narration reste bien graveleux, grognon et houleux. Mais le talent d’Axel Doussaud dans la modulation de son phrasé est aussi un atout à prendre en compte, qui permet aux compositions de rebondir sans se vautrer hors du trampoline.
Machine de guerre bien huilée, AD PATRES se présente sous la forme d’un gigantesque tank high-tech, avec précision du canon, souplesse des chenilles, et vue dégagée de la meurtrière. Le genre d’arme très lourde qu’on envoie au combat en sachant très bien qu’elle va pulvériser ses ennemis sans détruire tout ce qui se trouve autour. Clinique mais viscéral, Unbreathable est un sourire carnassier dégageant un fumet putride. Mais ne craignez rien pour vos naseaux. Compatissez plutôt pour votre ouïe.
Et votre sociabilité.
Titres de l’album :
01. Intro
02. The Dream Chaser
03. Versus
04. Deserter
05. Exodus
06. Interlude
07. Chapter X
08. The Medium
09. Rebellion Grief
10. Deus Deceptor
Excellente chro !!!!!!
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49