Lorsque chaque chanson d’un album est une aventure en soi, lorsque chaque arrangement semble à sa place et que chaque mouvement s’imbrique avec logique dans le précédent, lorsque le naturel le dispute à la logique, alors, vous pouvez être certain que cet album à la carrure d’un chef d’œuvre en devenir. Or, le Progressif est justement un genre qui impose une excellence, une technique sévère, et un talent de composition comparable aux grands du Classique et du Jazz. Si toutes les conditions sont respectées, si l’œuvre reste en vous comme un souvenir impérissable, alors réjouissez-vous.
Vous avez beaucoup de chance.
C’est ce que j’ai ressenti en écoutant le troisième album du duo brésilien PIAH MATER. Plutôt avare en représentations, le concept revient après six ans d’absence pour passer le cap du troisième album, écueil difficile qui vous envoie vous écraser sur les rochers ou qui vous accueille avec tous les lauriers mérités. En deux albums, Luiz Felipe Netto (chant/guitare/claviers/arrangements de cordes) et Igor Meira (guitare) se sont constitué un following de passionnés, qui ont adoré The Wandering Daughter et Memories of Inexistence. En dix ans d’existence, le projet n’a distillé ses enseignements qu’avec parcimonie, chaque étape nécessitant un développement solide, et un investissement total. Et les fruits du dur labeur se récoltent aujourd’hui, sous la forme d’une longue symphonie de six morceaux seulement.
Mais quels morceaux…
Luiz Felipe Netto l’admet lui-même. Under the Shadow of a Foreign Sun se contente de continuer une exploration débutée il y a dix ans, sans vraiment chercher à en changer la méthode. Une méthode qui se repose sur une diversité extrême, sur un hypnotisme mélodique et une imbrication au millimètre, le tout recouvert d’une épaisse couche de feeling en délicatesse. Sans vouloir tomber dans les formules faciles et les raccourcis pratiques, disons que si DREAM THEATER et OPETH se disputaient le répertoire du PORCUPINE TREE le plus agressif et soyeux, le résultat ne serait pas si éloigné que ça de ce nouveau livret.
Mais les deux hommes ne sont pas seuls dans l’affaire. En tant que section rythmique, Luan Moura (basse) et Pedro Mercier (batterie) abattent un travail de dingue, en adaptant leur jeu aux idées des deux leaders. Et ces idées étant parfois un peu atypiques, les cassures sont nombreuses, et les silences aussi. Comme celui imposé après l’énorme intro de « In Fringes », qui nous ramène aux plus grands épisodes du Progressif des années 70, celui pratiqué par YES, GENESIS, et plus tard repris à leur compte par Steven Wilson et Neal Morse.
Beau et violent.
Les deux notions ne sont pas forcément contradictoires, et cohabitent ici avec une facilité déconcertante. Et il faut de l’imagination pour meubler dix minutes de musique lorsqu’on entame un morceau, même si la liste de vos invités est conséquente. Marta Garrett, Jassy Mumin Gabriel, Daniel Albuquerque, Ayran Nicodemo, Damian Bolotin, Joe Zeitlin, Bruno Serroni, Yuri Vilar et Mafram do Maracanã se relaient donc aux chœurs, au violon, violoncelle, flûte et même aux percussions, pour enrichir un son déjà très élaboré et sophistiqué. Non qu’Under the Shadow of a Foreign Sun représente une avancée dans la recherche du Death progressif - puisque les tournures restent classiques - mais il incarne une appropriation très personnelle, et dominée par des teintes étranges, des ambiances éthérées qui passent du rêve au cauchemar sans réelle transition.
Le duo a même fait appel au talent incroyable de Jørgen Munkeby au saxophone (SHINNING, IHSAHN), pour provoquer un duel entre les anches et les cordes sur l’incroyable « Fallow Garden ». Type même du morceau fleuve en éternel mouvement, cette seconde pièce de l’album se perd même dans les méandres d’un Jazz Fusion très touffu, abordant tous les registres possibles pour suggérer les bonnes émotions.
PIAH MATER est donc l’antithèse du groupe standard qui se contente de mettre en avant sa technique. Si cette dernière est évidemment de très haute volée, l’impression de flatter son ego est totalement absente de ce disque. Les deux musiciens préfèrent la mettre à contribution de la composition, pour ne pas nous raser de longues mesures acrobatiques et/ou autres soli inextricables.
Ceci étant souligné, le niveau est quand même très relevé, mais justifié. Ainsi, « Terra Dois » nous rappelle le meilleur de CYNIC, avec ses voix enterrées dans le mix, avant de bifurquer vers une violence crue.
Le plaisir qui coule de ce troisième album est un nectar qui transforme les mètres carrés de bonheur en hectares. Souplesse mélodique, adresse rythmique, esprit ouvert à toutes les suggestions, les possibilités sont infinies, et le résultat largement à la hauteur des (grandes) attentes. L’attention reste alerte, la gestuelle imaginative, et les cinquante minutes passent comme un épisode de série d’anticipation, prenant place dans un futur aussi utopique que dystopique.
Le contraste entre la fragilité et la fureur est calibré au millimètre, et le duo se permet des citations nationales, en terminant sa narration par une longue pièce onirique et portugaise, « Canícula ». Faisant fi de la distorsion, le duo se concentre sur les cordes classiques, et nous quitte avec une classe naturelle désarmante (malgré une longue coda grondante à la « Finally Free » de DT). Alors, oui, ces six morceaux ne sont que six, mais ils sont tous merveilleux, et leur valeur ajoutée est encore plus importante que leur prix au détail.
J’ai eu de la chance de rencontrer un disque de cette importance. J’en ai conscience, et je partage ce plaisir avec vous.
Titres de l’album :
01. As Islands Sink
02. Fallow Garden
03. Macaw's Lament
04. In Fringes
05. Terra Dois
06. Canícula
C'est effectivement bien foutu, mais je m'attendais à quelque chose de tellement plus prog au regard de l'article, un peu sur ma faim par conséquent. Fallait pas que j'écoute du Wobbler juste avant !
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