Fut un temps où les projets musicaux philanthropiques étaient légion. Même en France, qui a osé à une époque contester la suprématie anglaise et américaine. On se souvient des Restos du Cœur évidemment, opération menée par Coluche et Jean-Jacques Goldman, de Chanteurs sans Frontières pour soutenir l’Ethiopie, la liste étant longue et pas forcément intéressante d’un point de vue musical. On pensait ce genre d’action éteinte depuis longtemps, et si le Hard-Rock s’était lui aussi fendu d’une petite ritournelle composée par Ronnie James Dio et Jimmy Bain via HEAR N’AID, le style n’était pas forcément réputé pour s’engager. Mais en fait, si.
Nous avons tous depuis 2020 vécu sur le traumatisme d’un confinement obligatoire, laissant certaines personnes seules dans leur petit appartement, sans contact avec l’extérieur. Les victimes de dépression se comptaient alors par milliers, mais certains n’ont pas eu le luxe de travailler de chez eux, bien au chaud dans leur canapé. Non, le personnel hospitalier se devait d’être sur le front, et de soigner les patient atteint de la COVID-19 coûte que coûte, au mépris de leur propre santé physique et mentale, sans bénéficier d’aménagements, et se voyant obligé de trancher l’urgence des arrivants en ne s’occupant que des cas les plus graves ou des personnes les plus faibles. Souvenez-vous, nous les applaudissions tous les soirs à 20h avant que le gouvernement ne leur enlève une fois de plus quelques milliers de lits et quelques centaines de postes. La reconnaissance à ses limites, dictées par la rentabilité et les économies.
De fait, quelques musiciens de notre univers se souviennent encore de ce personnel débordé, épuisé et pourtant toujours prêt. Il y a quelques années, un collectif s’est créé pour proposer un single en NYP dont tous les bénéficies ont été versés à la Fondation de France, en soutien à ces aides-soignants, infirmières, urgentistes, et médecins qui ont turbiné comme Stakhanov dans sa mine.
Ainsi est donc né le projet DROPDEAD CHAOS. Conçu comme un supergroupe au grand cœur, et regroupant en son sein la crème de la crème des musiciens Metal/Rock de la scène française, DROPDEAD CHAOS a décidé de prolonger l’opération et le souvenir en format longue-durée, des années après la publication de « Black Thoughts », le premier morceau lancé en éclaireur de la quête. Nous voici donc face à un album solide, produit par la référence HK au Vamacara studio (LOUDBLAST, BUKOWSKI, BLACK BOMB A, SIRENIA, LES TAMBOURS DU BRONX, DAGOBA, etc…), et qui compile une dizaine de chansons fortement connotées nineties.
Sylvain (UPON US ALL, SIDILARSEN) et Baptiste (SMASH HIT COMBO) aux guitares, le bassiste Jacou (BLACK BOMB A), le batteur Boris Le Gal (BETRAYING THE MARTYRS), Déhá (SLOW, CULT OF ERINYES, WE ALL DIE (LAUGHING)) s'est chargé des samples et de certaines pistes de chant, Nils Courbaron (THINK OF A NEW KIND, SIRENIA) a quant à lui assuré les soli tandis que le chanteur Renato (FLAYED, LES TAMBOURS DU BRONX, TREPALIUM) assure le chant principal. Un sacré who’s Who de la scène française, pour un disque pétri de bonnes intentions et d’une sacrée inspiration. De quoi se sentir en manque de la génération des années 90, lorsque les groupes fleurissaient et que la Fusion régnait.
N’oublions pas que le côté caritatif excuse parfois le manque de consistance artistique. Mais Underneath The Sound n’excuse en aucun cas une quelconque médiocrité derrière son propos concerné, et ces dix morceaux pourraient être le fait d’un groupe pérenne, en pleine possession de ses moyens, et allusif à une décennie durant laquelle les artistes nationaux se succédaient avec une régularité impeccable.
Je l’affirme ici, Underneath The Sound est un excellent disque. Brillamment composé, superbement interprété, il pourrait être né de l’imagination de jeunes musiciens désireux de rendre hommage à la génération précédente, et rien ne vient enrayer la machine, très bien huilée, et d’une puissance à éclairer une grand ville pendant des nuits. L’électricité est donc reine, tout comme l’ouverture d’esprit et le métissage, et les artistes impliqués ont donné tout ce qu’ils avaient dans le ventre et le cœur pour vous fédérer à leur cause, importante en ces temps de dictature gouvernementale et de chaos social.
La colère est donc toujours là, l’inspiration aussi, et le résultat est aussi punchy que précis. Loin de se contenter de deux ou trois hymnes enrobés de fillers dispensables, DROPDEAD CHAOS joue le Metal avec une énergie presque Punk, multiplie les allusions à la scène Crossover des SILMARILS, BLACK BOMB A, MASS HYSTERIA, NO ONE IS INNOCENT, j’en passe et des moins évidents, et nous pulvérise les tympans de ses riffs gras et de son agressivité rythmique permanente.
Je ne vous gâcherai pas la surprise en analysant trop en profondeur cet album, mais attendez-vous à y trouver un peu de tout, du Néo-Metal à des accolades à la scène Alternative US, en passant par des ingrédients Rap, Fusion, mais surtout, beaucoup de talent au moment de ficeler le tout pour lui apporter la cohérence indispensable.
Parti d’une intention louable mais très limitée dans le temps, le projet DROPDEAD CHAOS a finalement prolongé le plaisir pour nous faire un bien joli cadeau, loin de ces albums généreux mais souvent pauvres artistiquement. Le personnel soignant vous remercie messieurs, et peut-être que l’idée d’une suite bienvenue germera dans votre esprit ouvert à la douleur des autres.
Titres de l’album:
01. Underneath the Sound
02. Escape
03. Save Yourself
04. Humans
05. One Last Encore
06. What I’ve Learnt
07. Black Thoughts
08. Sun
09. Dropdead
10. Rainman
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