Alors là…On ne me l’avait que rarement faite celle-là. Sans aller jusqu’au défi boursouflé de certitudes du Use Your Illusion de GUNS N’ROSES, les parisiens de SLEAZY TOWN font fort. Très fort. Jugez du peu. Un premier album, double, de vingt-quatre titres et d’une durée d’une heure et quarante-deux minutes. Oui, vous avez bien lu. Incroyable non ? C’est pourtant ce que viennent d’accomplir ces musiciens qui évidemment, ne s’y sont pas pris au dernier moment. Voilà très longtemps qu’ils préparent ce coup d’éclat, qui vu de l’extérieur, a tout du coup fourré. Fourré au groove, aux mélodies, aux riffs et à l’énergie.
SLEAZY TOWN c’est quoi finalement ? Un quatuor, avant toute chose, constitué de musiciens qui connaissent bien leur passion, et qui en parlent à foison. Une fascination certaine pour le Glam, le Hard-Rock, le Southern-Rock, le tout mélangé dans un shaker rutilant qui accouche et coule de cocktails revigorants. Une dose d’énergie pour tenir toute la nuit, et surtout, une passion pour les USA qui ne se dément pas.
Andy Dean (chant), JJ Jaxx (guitare), Macabre (basse) et Julian (batterie) avaient déjà tenté le coup avec un premier EP, dont beaucoup se souviennent de la fougue, et de l’appropriation du tube de POISON, « Talk Dirty to Me », restitué avec la même joie de vivre et le sourire en avant. Mais l’heure n’est plus aux appropriations, et bien à la création. Et avec un tel bagage devant la maison, le voyage s’annonce évidemment long, mais riche de rencontres et de chansons au coin du feu, ou au petit matin (pas trop tôt quand même) lorsque le moteur des Harley commence à ronronner.
Il me serait presque inutile de rédiger une chronique tant le groupe en a préparé une béton sur son propre site. J’en reproduirai des passages ici, mais j’avoue avoir craqué sur l’image:
Imaginez un bar, genre le Titty Twister, en plein désert, où se croiseraient durant la nuit les membres de THIN LIZZY, MÖTLEY CRÜE et LYNYRD SKYNYRD, avec Lemmy derrière le comptoir, et en fond à tue-tête du Southern Rock, Du Sleaze Rock Et Du Glam Metal
Le décor me plaît assez. Je passe donc les portes du saloon pour aller y déguster le tord-boyaux maison, avant de sympathiser avec les clients cuirés et graissés. S’il est toujours facile de dessiner un décor en se basant sur sa propre perception d’une musique qui se veut roots, les SLEAZY TOWN n’ont rien exagéré et leur Far-West transposé dans la Californie des années 80 est très séduisant. On y sent la poudre Heavy, la gnole Hard, le maquillage Sleaze et l’attitude Glam, pour une soirée mi-virile mi-androgyne de premier choix.
Alors mettez vos plus belles étoffes, et entrez. Ici, le coût des boissons est élevé, mais totalement justifié. Justifié par des influences revendiquées mais aussi par l’explication du menu en détail. Alors, let’s go, and have some fun dudes.
« Machine Gun Rodeo » balance immédiatement la sauce de son riff rustre et légèrement gouailleur sur les bords. Le son est chaud, l’interprétation aux tripes, et la production au biseau. Les mecs ont réussi à capturer l’essence même de ce Rock joué Hard, mais qui remercie ses aînés en citant HANOÏ ROCKS, les NEW YORK DOLLS, FASTER PUSSYCAT, BLACKRAIN, et quelques autres aussi déchaînés et portés sur l’harmonica. Du vrai Rock, ça vous tente n’est-il point ? Dans une époque régie par la normalisation et l’uniformisation, ce décalage des thèmes chers aux GN’R est une vraie bouffée d’air frais. Les premiers morceaux font donc vrombir le moteur, mais qu’en est-il de la course de dragsters sur plusieurs kilomètres ? Parce qu’après tout, partir avec des flammes qui sortent du pot d’échappement est une chose, mais négocier tous les virages à fond en est une autre. Et avec près de deux heures de route, on peut s’inquiéter du rythme du périple qui risque d’accuser une baisse de régime inévitable.
All killer no filler ?
Pas loin, du gras sur les mains et la guitare usée par les moulinets. Accrochés à leurs souvenirs de jeunesse, les SLEAZY TOWN jouent sans complexe la carte de la nostalgie, si chère à notre siècle. Mais grâce à une science exacte des refrains, à un flair incomparable dans les chœurs qui rappellent évidemment la scène la plus déguisée du Strip, et une solidité dans la rythmique qui pilonne binaire avant de valser dans les airs, Unfinished Business est un dossier en cours qui nécessite des visites régulières chez les débiteurs.
Comme un compte-rendu de ces dernières années, ce premier album double les voitures qui patinent, et klaxonne punky lorsque la vitesse en pâtit (« All The Things You Care »). Vous comprendrez aisément qu’une analyse fouillée en track-by-track est impossible, à moins de tabler sur quatre ou cinq pages de laïus. Alors, admettons simplement que les frenchies ont tout compris au Rock US, dont ils recyclent les astuces avec brio.
Avec ce petit plus d’émotion qui dégouline de « Set My Heart On You », ballade amère, cet entrain qui tape des santiags sur le sol d’un bouge quelconque (« Downtown Queen »), et ce sens du gimmick qui tue alors que le tempo ne semble jamais repu (« Living Like A Hobo »), SLEAZY TOWN navigue entre toutes les dimensions, et se construit un monde entièrement dédié au Dieu Rock le plus sincère et équitable. On part donc avec les lascars pour une virée sans doute sans retour, mais après tout, qu’importent les habitudes et les racines quand le paysage défile sous nos yeux ébahis.
Les BACKYARD BABIES, les WIG WAM, D.A.D, et quelques autres pour garder la bonne mesure (« Intelligible Sensation »), la sueur qui coule des fronts au moment de se présenter en ouverture de saison (« Dancing With Your Poison In Me »), et ce satané binaire qui colle sous les semelles (« Endless Pain »), soit une aventure passionnante qui laisse couler le temps plus rapidement dans le sablier. Difficile de se dire qu’une heure et quarante-deux minutes se sont écoulées tant la fraîcheur du produit en question reste intacte. Il vous est tout à fait possible de vous créer une playlist personnelle avec vos morceaux préférés, mais même dans son intégralité, Unfinished Business reste digeste et facile à avaler.
Un petit miracle, une profession de foi, une confiance sans failles en ses moyens, pour un signal du départ aussi ambitieux que généreux. Attendez-moi les gars, j’emballe vite fait deux ou trois trucs et on peut se casser. Où vous voulez d’ailleurs. Votre compagnie est bien plus importante que la destination.
Titres de l’album :
01. Machine Gun Rodeo
02. Mystic Religion
03. All The Things You Care
04. Set My Heart On You
05. Five Grams Of Red Head
06. No Chains Around Me
07. Riding On The Hell Track
08. Endless Pain
09. Desire Of An Illusion
10. One Night Of Anger
11. Dancing With Your Poison In Me
12. Intelligible Sensation
13. Six Minutes Before I Go
14. Sweet Old Memory
15. Bad Brains
16. Too Late To Remake
17. Rock And Roll Atom
18. Dirty Wild Attraction
19. Living Like A Hobo
20. Downtown Queen
21. Lockdown Experience
22. Insane Call For Love
23. Young And Reckless
24. Silent Whispering
Merci et que le whisky coule a flot
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