Pièce en quatre actes du jour. Ils sont deux, s’appellent Destroyer (chant, guitare, basse et électronique) et A. (batterie), proviennent ou jouent encore dans des groupes comme AZARATH, KRIEGSMASCHINE, HATE, ou LOST SOUL, habitent en Pologne, à Cracovie, et nous proposent donc leur premier spectacle en commun, produit par les bons soins d’Osmose Productions. Le célèbre label a dû flairer anguille sous roche pour s’intéresser de près à ces deux musiciens au pedigree underground fameux, puisqu’on les sait assez exigeants sur leurs signatures…Alors, à quoi s’attendre de la part de ce projet, visiblement prévu de longue haleine selon la bio accompagnant l’album ? Du Black Metal évidemment, mais pas n’importe lequel, puisque cet éponyme entame d’UNTERVOID se veut plurielle, et nuancée comme le BM sait l’être lorsqu’il raisonne et résonne. Il faut dire que le concept est né dès 2015, l’année de la collaboration entre ces deux instrumentistes/compositeurs, qui désiraient ardemment travailler ensemble depuis longtemps, et qui ont donc fini par coucher sur bande un certain nombre de pistes, dont quatre sont présentées sur cet Untervoid à l’allure assez funeste. Pour autant, inutile de vous attendre à une longue complainte de DSBM, puisque le Metal de ces deux polonais est aussi véhément qu’il n’est ambiancé, et surtout, diversifié. Pas de course contre la montre de Satan, toujours en avance d’un temps, mais pas non plus de litanie funèbre propice à faire pleurer tous les misanthropes de la terre. Ici, on crie, mais à dessein, on accélère, mais selon son destin, et surtout, on travaille les atmosphères, pour les dépeindre comme un sale petit matin passé à regarder à sa fenêtre dérailler les trains. Quoi d’autre ? Beaucoup de choses, mais difficilement formalisables, et donc, hautement recommandables.
Ces quatre morceaux ont donc été enregistrés dans divers studios, dont les Sound Division et les No Solace, avec un mix final offert par la maison Satanic Audio. Ce préambule est donc un gros hors d’œuvre à déguster avant la sortie du LP complet, qui selon les avis exprimés ne devrait pas tarder à voir le jour. Difficile d’en dire plus en se basant sur les arguments promo communiqués, ou via les historiques divulgués par les sites officiels. La page Facebook du groupe ne révèle pas grand-chose, et ne se répand pas en énumération d’influences, ce qui est toujours bon signe. Et il est certain que comparer les UNTERVOID à d’autres entités n’est pas chose facile, même si quelques réminiscences d’EMPEROR, de MAYHEM, de CELTIC FROST, de SHINING ou d’ULVER sont détectables à intervalles plus ou moins réguliers. Mais ce qui est le plus intéressant dans la démarche de Destroyer et A., c’est cette propension à régurgiter des riffs purement Rock, dans un contexte méchamment Black Metal. Le meilleur exemple à fournir en étant « Radiant Divinity », qui ose un motif vraiment mémorisable et une construction à tiroirs, sans le sacrifier à l’originalité d’un côté, ou à l’efficacité de l’autre. La voix de Destroyer, très théâtrale, est fascinante d’incarnation, tandis que les arrangements en arrière-plan confèrent aux morceaux une texture occulte prenante, sans prendre le pas sur un instrumental qui en dit long sur le bagage des musiciens. Mais tout ceci est palpable dès l’entrée en matière tonitruante de « Messer », qui en six minutes, joue la carte de l’agression et de l’oppression, sans nous laisser le loisir de situer le créneau d’activité des deux bonhommes. Nappes vocales scandées ou toutes en gravité, rythmique compressée et évolutive, guitare progressive mais parsemant les couplets de thématiques accrocheuses, pour une relecture du BM moderne via son prisme le plus nostalgique. Efficace et intrigant, deux substantifs/qualificatifs qui s’adaptent relativement bien à l’intégralité de cet EP.
D’ailleurs, le sombre « Twilight », loin de faire référence à Edward et Bella, s’orienterait plutôt du côté dark de la lune, et la chante d’ailleurs sous des airs d’infortune, usant de riffs qu’Euronymous aurait pu pleurer à son époque la plus inspirée. Aussi violent qu’il n’est atmosphérique, cet Untervoid est une sorte de porte s’ouvrant sur un univers pluridimensionnel, osant le chaos et la création, en naviguant dans des galaxies où la mélodie et la brutalité ont droit formel de coexister. Et comme ce court voyage se termine sur une épopée de plus de huit minutes, à l’introduction plus Heavy Metal qu’une pose de Steve Harris, on nage en plein métissage extrême, à tel point que le duo préfère se référer à un vague Extreme Metal pour définir les contours de son art. Lourdeur, oppression, lancinance, pour un long épilogue à la beauté morbide sublime, qui place des interludes harmoniques striés de soli intimes de pureté, avant de les souiller d’un BM tirant sur le Doom le plus ténébreux, histoire de manipuler la dualité à sa guise. On se perd alors en conjectures, mais on apprécie d’autant plus la performance, qui finalement, au bout de vingt-quatre minutes, nous laisse méchamment sur notre faim. On pense à un mélange d’OPETH et de DEATHSPELL OMEGA, sans pour autant citer l’un ou l’autre, mais en utilisant leurs contrastes et différences pour tenter de situer l’univers si intelligemment brossé par les deux polonais. Et lorsque la dernière note à enfin rendu l’âme dans une nuit entachée d’étoiles, on se prend à rêver à ce fameux longue-durée qu’on tarde de pouvoir écouter.
Bravo à Osmose d’avoir encore une fois fait preuve d’un grand flair pour nous dénicher cette perle d’Europe de l’Est, qui je l’espère s’aménage une carrière que l’on pressent riche et passionnante. Mais en attendant la suite des évènements, UNTERVOID signe avec ce premier EP un petit chef d’œuvre d’ambivalence, aussi menaçant qu’il n’est séduisant.
Titres de l'album:
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