Unyielding/Unseeing

Silver Knife

19/08/2020

Amor Fati Productions

Premier LP d’un projet cosmopolite, qui trouve ses racines en France, en Belgique, et aux Pays-Bas, Unyielding/Unseeing est une solide affaire de Black Metal pluriel, et aussi sauvage que mélodique. Formé par des habitués de la scène extrême, et déjà parties-prenantes dans des ensembles tels que CULT OF ERINYES, HYPOTHERMIA, LASTER et NUSQUAMA, SILVER KNIFE est en quelque sorte le nouveau supergroupe de l’extrême, mais qui sait ne pas uniquement se reposer sur des acquis. Promu par le label allemand Amor Fati, ce premier album est donc un petit évènement à lui seul, qui annonce un gros remous dans l’underground bestial européen. Factuellement bruyant et véloce, mais implicitement harmonique et délicieusement mélancolique, Unyielding/Unseeing n’est donc pas qu’une simple affaire de méchanceté gratuite et de violence de complaisance, et se pose comme œuvre complexe, de celles qu’on retrouve chez les Acteurs de l’Ombre en France, et qui mélangent avec flair BM traditionnel, Post Metal opportuniste, et sauvagerie maîtrisée, pour un résultat qui comble les attentes les plus folles quant à cette réunion. Pas ou très peu d’informations à se mettre sous la dent, la bio proposée par le label étant aussi fournie que celle du groupe sur sa page Facebook, de simples initiales pour baptiser les musiciens, et une aura de mystère qui nimbe ce projet dans les limbes de l’inconnu, ne faisant qu’accentuer la curiosité des auditeurs éventuels avides de projets obscurs refusant la facilité de la dénomination ou d’un concept putassier et commercial à outrance. Et la seule chose pouvant vous en dire plus et vous mettre sur une voie quelconque est cette musique terrifiante, froide comme la nuit, et pourtant d’une richesse mélodique incroyable renvoyant quelque part au meilleur du BM norvégien, et aux grandes heures simplifiées d’EMPEROR.

Six morceaux seulement pour quarante minutes de musique, les musiciens n’ont pas lésiné sur l’ambition, et l’œuvre revêt alors un caractère progressif qui envoutera les plus exigeants. Doté d’une production gigantesque transformant les instruments en interventions diaboliques dans une cathédrale abandonnée, Unyielding/Unseeing est un manifeste de brutalité précise et tout sauf clinique. Il y a beaucoup de feeling là-dedans, de l’humanité au travers de ces mélodies héritées d’un Heavy Metal classique et d’un Classique joué avec bestialité, et un morceau aussi véhément que « This Numinous Loom » valide la démarche en un peu moins de huit minutes. Avec un chant écorché au maximum et légèrement enterré dans le mix, des cassures harmoniques soudaines qui apportent un peu d’air dans la claustrophobie ambiante, et des progressions redoutablement bien construites, ce premier LP fait montre d’une maîtrise incroyable, et ressemble à un haut-fait d’un groupe déjà longuement rodé à l’exercice. Bien évidemment, rien de vraiment neuf dans ce déferlement de violence instrumentale, qui valse entre BM et Post BM, sans vraiment choisir son camp ni s’embarrasser de principes de catégorisation. On reste cependant admiratif face à cette débauche de moyens instrumentaux, et cette guitare aux motifs versatiles se pose en conteuse de l’extrême, refusant le jeu du riff unique et trop facile que les accros au Black le plus formel louent encore trente ans après son intronisation en règle suprême. Si l’ensemble à des airs de cohésion totale, les titres possèdent quand même une griffe très personnelle, qui s’incarne dans des breaks tout sauf convenus, des accélérations étouffantes, et surtout, une atmosphère mortifère parfaitement délicieuse au parfum d’apocalypse musicale programmée de longue date. Ainsi, « Silver/Red » instaure une tension évolutive débouchant sur une transition presque dissonante rappelant les grandes heures du BM symphonique, sans tomber dans les travers de grandiloquence. Pourtant, cet album EST grandiloquent, mais avec une certaine humilité, qui s’incarne dans des harmonies simples distillées comme des pauses salvatrices au milieu de ce magma sonore.

L’album s’apparente d’ailleurs à une coulée de lave qui avance impitoyablement. Sorte de blockbuster extrême qui échappe aux poncifs les plus éculés, Unyielding/Unseeing propose d’autres pistes que celles suivies sans relâche par les musiciens les plus rompus à l’exercice de la noblesse, et ose même des inserts totalement Rock comme ce surprenant « Unseeing » qui sonne comme une évasion Post-Rock dans un monde de véhémence bestiale ingérable. Et en bons bâtisseurs d’églises en tours de Babel, les membres de SILVER KNIFE attendent la fin du métrage pour lâcher leurs deux compositions les plus amples et cruelles, offrant une conclusion de plus de seize minutes proportionnelle aux arguments déjà avancés. Les moins habitués à l’écoute d’albums de ce genre déploreront sans doute une linéarité de surface, mais les esthètes de l’ouverture reconnaitront le talent d’instrumentistes et de compositeurs de cette association internationale, en tombant sur ces fameux glissements plus apaisées qui permettent aux morceaux de respirer au-dessus de la surface et ainsi éviter la noyade d’informations. « Sundown » en clôture est d’ailleurs un modèle du genre, et le moule parfait pour comprendre la fabrication de ces hymnes de transition entre le BM norvégien le plus implacable et le Post BM européen le moins facile. Je reconnais que toute l’affaire intrigue, et j’espère que le projet ne sera pas qu’un one-shot en forme d’accident heureux, et que l’aventure connaîtra d’autres lendemains. Il serait dommage de s’arrêter-là, même si ce premier LP n’est pas exempt d’automatismes encore un peu flagrants. Car on sent que SILVER KNIFE a de quoi bousculer les certitudes BM les plus contemporaines et ancrées dans le formalisme, et peut se poser en lien entre le passé et l’avenir d’une musique qui n’a certainement pas dit son dernier mot, loin de là.          

                             

Titres de l’album:

                      01. Unyielding

                      02. This Numinous Loom

                      03. Silver/Red

                      04. Unseeing

                      05. Conjuring Traces

                      06. Sundown

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 24/05/2022 à 15:41
70 %    589
Derniers articles

Great Falls + Kollapse

RBD 04/05/2025

Live Report

Chaulnes MÉTAL-FEST 2025

Simony 27/04/2025

Live Report

Star Rider/Blaze Bayley

mortne2001 24/04/2025

Live Report

LOUDBLAST : 40 ans de carrière !

Jus de cadavre 20/04/2025

Vidéos

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Gargan

Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir

16/05/2025, 06:52

Humungus

Cela me coûte de le dire, mais je plussoie.

13/05/2025, 07:56

Gargan

Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)

13/05/2025, 07:48

Jus de cadavre

Ce son de bâtard à la guitare (comme toujours avec Lik) !

12/05/2025, 21:30

Arioch91

@Orphan, pas grave   

12/05/2025, 19:03

Orphan

Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.

12/05/2025, 14:33

Orphan

Nouvel album fin du mois

12/05/2025, 14:31

Arioch91

*et à avoir du mal à les en déloger!(petite correction)

12/05/2025, 13:45

Arioch91

S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !

12/05/2025, 13:44

Arioch91

J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.

12/05/2025, 13:42

Arioch91

Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.

12/05/2025, 13:40

Arioch91

Sentiment mitigé pour ma part   Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)

12/05/2025, 13:38

Humungus

Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.

08/05/2025, 09:17

SALMIGONDIS

@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" !  :-/     En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi...  De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)

07/05/2025, 11:52

Orphan

Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque

07/05/2025, 11:04

RBD

@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)

06/05/2025, 20:29

MobidOM

"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)

06/05/2025, 20:28

RBD

Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.

06/05/2025, 19:29

Caca

line-up de clodos

06/05/2025, 18:18

SALMIGONDIS

Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...  

06/05/2025, 17:11