Premier LP d’un projet cosmopolite, qui trouve ses racines en France, en Belgique, et aux Pays-Bas, Unyielding/Unseeing est une solide affaire de Black Metal pluriel, et aussi sauvage que mélodique. Formé par des habitués de la scène extrême, et déjà parties-prenantes dans des ensembles tels que CULT OF ERINYES, HYPOTHERMIA, LASTER et NUSQUAMA, SILVER KNIFE est en quelque sorte le nouveau supergroupe de l’extrême, mais qui sait ne pas uniquement se reposer sur des acquis. Promu par le label allemand Amor Fati, ce premier album est donc un petit évènement à lui seul, qui annonce un gros remous dans l’underground bestial européen. Factuellement bruyant et véloce, mais implicitement harmonique et délicieusement mélancolique, Unyielding/Unseeing n’est donc pas qu’une simple affaire de méchanceté gratuite et de violence de complaisance, et se pose comme œuvre complexe, de celles qu’on retrouve chez les Acteurs de l’Ombre en France, et qui mélangent avec flair BM traditionnel, Post Metal opportuniste, et sauvagerie maîtrisée, pour un résultat qui comble les attentes les plus folles quant à cette réunion. Pas ou très peu d’informations à se mettre sous la dent, la bio proposée par le label étant aussi fournie que celle du groupe sur sa page Facebook, de simples initiales pour baptiser les musiciens, et une aura de mystère qui nimbe ce projet dans les limbes de l’inconnu, ne faisant qu’accentuer la curiosité des auditeurs éventuels avides de projets obscurs refusant la facilité de la dénomination ou d’un concept putassier et commercial à outrance. Et la seule chose pouvant vous en dire plus et vous mettre sur une voie quelconque est cette musique terrifiante, froide comme la nuit, et pourtant d’une richesse mélodique incroyable renvoyant quelque part au meilleur du BM norvégien, et aux grandes heures simplifiées d’EMPEROR.
Six morceaux seulement pour quarante minutes de musique, les musiciens n’ont pas lésiné sur l’ambition, et l’œuvre revêt alors un caractère progressif qui envoutera les plus exigeants. Doté d’une production gigantesque transformant les instruments en interventions diaboliques dans une cathédrale abandonnée, Unyielding/Unseeing est un manifeste de brutalité précise et tout sauf clinique. Il y a beaucoup de feeling là-dedans, de l’humanité au travers de ces mélodies héritées d’un Heavy Metal classique et d’un Classique joué avec bestialité, et un morceau aussi véhément que « This Numinous Loom » valide la démarche en un peu moins de huit minutes. Avec un chant écorché au maximum et légèrement enterré dans le mix, des cassures harmoniques soudaines qui apportent un peu d’air dans la claustrophobie ambiante, et des progressions redoutablement bien construites, ce premier LP fait montre d’une maîtrise incroyable, et ressemble à un haut-fait d’un groupe déjà longuement rodé à l’exercice. Bien évidemment, rien de vraiment neuf dans ce déferlement de violence instrumentale, qui valse entre BM et Post BM, sans vraiment choisir son camp ni s’embarrasser de principes de catégorisation. On reste cependant admiratif face à cette débauche de moyens instrumentaux, et cette guitare aux motifs versatiles se pose en conteuse de l’extrême, refusant le jeu du riff unique et trop facile que les accros au Black le plus formel louent encore trente ans après son intronisation en règle suprême. Si l’ensemble à des airs de cohésion totale, les titres possèdent quand même une griffe très personnelle, qui s’incarne dans des breaks tout sauf convenus, des accélérations étouffantes, et surtout, une atmosphère mortifère parfaitement délicieuse au parfum d’apocalypse musicale programmée de longue date. Ainsi, « Silver/Red » instaure une tension évolutive débouchant sur une transition presque dissonante rappelant les grandes heures du BM symphonique, sans tomber dans les travers de grandiloquence. Pourtant, cet album EST grandiloquent, mais avec une certaine humilité, qui s’incarne dans des harmonies simples distillées comme des pauses salvatrices au milieu de ce magma sonore.
L’album s’apparente d’ailleurs à une coulée de lave qui avance impitoyablement. Sorte de blockbuster extrême qui échappe aux poncifs les plus éculés, Unyielding/Unseeing propose d’autres pistes que celles suivies sans relâche par les musiciens les plus rompus à l’exercice de la noblesse, et ose même des inserts totalement Rock comme ce surprenant « Unseeing » qui sonne comme une évasion Post-Rock dans un monde de véhémence bestiale ingérable. Et en bons bâtisseurs d’églises en tours de Babel, les membres de SILVER KNIFE attendent la fin du métrage pour lâcher leurs deux compositions les plus amples et cruelles, offrant une conclusion de plus de seize minutes proportionnelle aux arguments déjà avancés. Les moins habitués à l’écoute d’albums de ce genre déploreront sans doute une linéarité de surface, mais les esthètes de l’ouverture reconnaitront le talent d’instrumentistes et de compositeurs de cette association internationale, en tombant sur ces fameux glissements plus apaisées qui permettent aux morceaux de respirer au-dessus de la surface et ainsi éviter la noyade d’informations. « Sundown » en clôture est d’ailleurs un modèle du genre, et le moule parfait pour comprendre la fabrication de ces hymnes de transition entre le BM norvégien le plus implacable et le Post BM européen le moins facile. Je reconnais que toute l’affaire intrigue, et j’espère que le projet ne sera pas qu’un one-shot en forme d’accident heureux, et que l’aventure connaîtra d’autres lendemains. Il serait dommage de s’arrêter-là, même si ce premier LP n’est pas exempt d’automatismes encore un peu flagrants. Car on sent que SILVER KNIFE a de quoi bousculer les certitudes BM les plus contemporaines et ancrées dans le formalisme, et peut se poser en lien entre le passé et l’avenir d’une musique qui n’a certainement pas dit son dernier mot, loin de là.
Titres de l’album:
01. Unyielding
02. This Numinous Loom
03. Silver/Red
04. Unseeing
05. Conjuring Traces
06. Sundown
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49