Aujourd’hui, solstice d’été, c’est la fête de la musique en France, merci Jack Lang. Mais vu mon coin paumé et mon aversion pour la guinguette et les majorettes, j’ai préféré rester à la maison tranquille, histoire de voir si un groupe sur la toile n’aurait pas un truc pour me faire ma fête. Et celle de mes oreilles, encrassées par tant de silence ensoleillé plombé.
Et justement, j’ai fait coup double, ou triple, ou inverse. J’ai trouvé de quoi satisfaire mes tympans, grâce à un album venu du froid. Sauf que l’album en question est tout sauf rafraichissant, et plutôt du genre torride dans son genre véhément.
Finlande donc, pour les NISTIKKO, qui résident conjointement à Tornio et Helsinki, et qui prétendent que leurs intérêts artistiques sont défendus par le célèbre agent Dale Cooper, enquêteur iconoclaste de Twin Peaks, et fan de beignets. L’allusion est plutôt plaisante et la référence appréciée, d’autant plus qu’elle correspond peu ou prou à la démarche musicale d’un combo qui ne rechigne pas à piétiner quelques plates-bandes différentes.
Crust évidemment, de conviction, D-beat, de fonction, mais le tout assimilé en version assez sombre et opaque, pour un résultat qui finalement va bien au-delà des références de genre.
Le quintette aux deux chanteurs (Eetu Viita – chant, Joonas Syväniemi – chant, Eetu Palomaa – guitare, Jussi Pohjanen – batterie et Otto Joki – basse) a déjà un passif assez chargé, puisque Väsy (Fatigué en langue de chez nous) est leur troisième longue durée, après Hävitys en 2011 et Kehä en 2013. Ajoutez à ceci un split avec les CUT TO FIT, et le compte sera bon.
Et une fois le LP encaissé, le vôtre aussi.
Les NISTIKKO ne sont en effet pas vraiment les musiciens les plus enjoués du monde, et les treize pistes de Väsy semblent en effet partiellement résignées et arque boutées sur leur destin funeste, comme en témoignent certains riffs qui ne suggèrent pas la vitalité et la fraîcheur. On savait les Finlandais assez bipolaires en termes Core, mais ces cinq-là poussent le bouchon assez loin, au point de voir leur bouteille rouler du côté d’un Depressive Crust qui en cours de route, oublie même sa vélocité sur le tire-bouchon.
Enregistré aux Lappia Studio par Joonas Syväniemi et Otto Joki, mixé par ce dernier (qui en sus s’accorde quelques interventions au Wurlitzer, aux percussions et à la basse), et masterisé par Ilpo Heikkinen, Väsy est un album très étrange, qui semble changer d’humeur en chemin, pour finalement laisser de côté la violence, tout du moins en partie.
Ce qui n’empêche nullement les finlandais de nous en cogner une ou deux bien sévères histoire de ne pas perdre la main (« Anna Anteeksi », «Väsy »), tout en noyant le poisson dans une mer de dépression instrumentale, qui remue de courants Ambient et dronique à marées régulières.
C’est donc à un disque extrêmement élaboré auquel nous avons affaire, qui sait installer une atmosphère pour mieux la faire évoluer et nous entraîner dans une sorte de rêve éveillé, à la limite du cauchemar, qui justement collerait parfaitement à l’image d’une série TV un peu coincée entre thriller et horreur.
Inutile donc de vous attendre à un LP de Crust/D-beat standard, puisque les NISTIKKO ont tout autre chose à vous proposer. L’effort en est donc plus intense, mais la satisfaction proportionnelle, puisque sous cette splendide pochette fantomatique se cache un des albums les plus surprenants de ce début d’été, aussi puissant que glauque, et aussi ouvert que renfermé.
Sur lui-même, mais aussi sur un ailleurs qui fait parfois penser au monde biscornu et intangible des TERRA TENEBROSA («Häviö », final qui vous laisse un goût amer et un peu les jetons aussi), tandis que d’autres titres flirtent avec la densité des NAILS ou tâtent même d’une forme très négative de Post-Hardcore.
En gros, un panorama très assombri, qui laisse des nuages de violence sourde électrifier l’espace, même dans les moments les plus furieux.
Le résultat, en synthèse ?
Quelque chose d’unique, qu’une chronique ne saurait retranscrire en mots. Si des interventions comme « Ainoa Suunta Alaspдin » ou « Lepään Rauhassa » sont suffisamment franches de leur Crust-Grind à deux voix pour vous laisser penser à une débauche instantanée et classique de haine, dès «Ei Milloinkaan », la boussole se brouille des interférences ovniesques d’un Darkcore vraiment pesant et aux harmoniques inquiétantes.
Et comme le groupe prend un sain plaisir à couper son élan par de fréquents intermèdes sans voix, on en reste de même, et on ne sait plus trop sur quel pied boiter.
D’où cet intérêt que les finlandais parviennent à garder tout au long de leur effort, qui ne ressemble en rien à la production nationale traditionnelle.
Si comparaison il faut chercher, elle se situe plus peut-être du côté de combos comme CARA NEIR, KULTA, EARTHMOTHER ou même des TRAP THEM, qui possèdent tous ces branches d’ADN mutantes et qui n’hésitent pas à mélanger l’oppression à l’agression.
Mais le cocktail fort épicé est épais en bouche, et coule le long de la gorge auditive comme un nectar interdit. De plus, les interludes mentionnés ont un réel intérêt musical et conceptuel et ne sont pas uniquement là pour boucher des trous dans la toiture de l’inspiration, et permettent des transitions vraiment fluides entre les diverses fluctuations.
Et en définitive, Väsy se dévore d’une traite, un peu comme une dernière lettre de suicide qui expliquerait le comment sans éclaircir le pourquoi.
Je pourrais vous donner treize raisons d’aimer ce troisième album des NISTIKKO, mais la meilleure étant la plus simple, je me bornerai à une seule. C’est un disque pluriel, salement bien foutu, et qui donne autant la pêche Crust qu’il ne plombe le moral Darkcore.
Débrouillez-vous avec ça, il fait trop chaud pour être plus créatif.
Pas évident que tout ça soit la bande son idéale pour une fête de la musique, mais il n’a jamais été dit qu’il fallait être heureux pour lui faire sa fête. Et de toute façon, je n’ai jamais pu encadrer Jack Lang. Alors bon…
Titres de l'album:
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30