Posons une équation simple. Un label, fouineur, esthète, une scène, underground, créative. L’inconnue ? La limite de qualité que se sont fixés les deux. Une fois admise la variable (cette qualité dont personne ne saurait fixer la limite), on comprend assez vite que l’étonnement, la délectation seront exponentiels. Et c’est exactement ce qui se passe à chaque sortie des Acteurs de l’Ombre. En termes de nouveauté, la surprise n’est pas inévitable. Mais là où les choses deviennent plus surprenantes, c’est lorsque le constat se pose à propos de groupes que l’on connaît déjà, et dont les albums nous avaient enivré à l’époque de leur sortie. On se dit alors que non seulement le label, mais aussi son écurie, ont encore une marge de progression gigantesque qui laisse rêveur. Je ne me fatiguerai pas à retranscrire ici l’intégralité de la production du label, dont tout le monde connaît les fers de lance et les outsiders fameux, mais j’aborderai le cas d’un de ses poulains les plus sauvages. MAÏEUTISTE qui il y a quatre ans nous avait fauchés d’un premier album confirmant tout le potentiel, revient donc sur le devant de la scène avec une suite longue-durée, ne faisant que confirmer tout le bien hallucinant que nous pensions de lui. Cet adepte de Socrate, du dialogue qui ouvre l’esprit, de la vérité mise en art ose donc aller encore plus loin que les espoirs déjà énormes placés en lui pour accoucher d’une œuvre dont les jours ne suffisent pas à disséquer avec le recul nécessaire, en reprenant les méthodes déjà utilisées, pour les appliquer à d’autres principes. Entendons-nous bien, le groupe à la base, n’est que vaguement accroché à la locomotive Black Metal si chère à son label. Ils en reprennent des codes, ils en utilisent des ficelles, ils en adoptent la brutalité nihiliste, mais ce sont des croyants, qui appliquent les dogmes à des théories moins figées, plus ouvertes. Et de fait, les affilier à un autre mouvement que celui global du Metal extrême ne serait que pure folie. Et Veritas, de la sienne, confirme cette assertion.
Car il est à la fois plus grand, plus effrayant, plus mature, plus expérimental et pourtant plus cohérent et abordable que son prédécesseur, qui faisait pourtant partie du plus haut du panier de la musique déconstruite moderne.
Les Lyonnais n’ont pourtant rien fait pour vous rendre l’écoute plus facile. D’abord, en s’autorisant un format de morceaux assez abrupt, avec deux très longues compositions dont une pleine de silence. Ensuite, en diversifiant leurs conceptions, au point de conférer à chaque titre une aura particulière. Une façon très risquée de jouer l’hétérogénéité, qui aurait pu transformer ce second LP en essai un peu trop disparate, comme des pensées couchées sur papier sans véritable lien. Mais une fois encore, et malgré les doutes sur la cohésion qui traînent dans la tête lors des plus de cinquante minutes de l’album, la surprise est de taille. Malgré ces caractères différents, l’humeur est constante, et le résultat est bluffant de logique. Ce, grâce à une production gigantesque de James Leonard (enregistrement, mixage et mastering, respect) au Plastic Lobster Studios de Grenoble, mais surtout, par un sens de la composition aiguisé par les années de silence, qui atteint aujourd’hui un degré de maturation extraordinaire. C’est ainsi qu’après la bourrasque « Veritas » en intro, et la seule incartade vraiment BM de l’aventure, l’imagination déroule son fil avec une ingénieuse malice, pour rendre l’expérimentation prosaïque, et l’instinct d’avant-garde totalement concret. Car malgré des assouplissements dans la retranscription, MAÏEUTISTE n’a rien perdu de son sens de l’ouverture, ni de ses envies de démesure. On s’en rend rapidement compte sur ce fameux premier morceau, aux atours classiques, et au rendu si particulier. Vélocité qui subit sans broncher les cassures de l’inspiration, ambiance qui en appelle aux tentatives les plus grandiloquentes et symphoniques d’EMPEROR, allusions à la scène nordique sans en singer les tics les plus symptomatiques, sous sa forme la plus directe, Veritas est déjà un monument d’efficacité, qui transcende le généraliste pour en faire un cas particulier unique. On est sous le charme de cette violence qu’on sent parfaitement domestiquée, courbée mais pas pliée, et par cette façon d’évacuer les influences trop évidentes avec classe et facilité. Mais c’est véritablement « Infinitus » qui nous prend à revers, jouant la lenteur processionnelle sans verser dans le dépit d’un Doom trop prévisible, et qui utilise l’acoustique avec efficience. Le chant, toujours aussi habité et incarné, les chœurs placés au moment idoine, les ruptures dans la progression pour aérer les espaces positifs d’un silence bienvenu, tout est en place, et confirme cette fameuse maturité exceptionnelle qu’on sentait sur le premier LP éponyme. Extrême comme n’importe quel groupe peut l’être lorsqu’il épouse la violence la plus crue, MAÏEUTISTE apparaît une fois de plus comme l’esthète de précision qu’il a toujours été, et sonne compact mais aéré, solide mais fragile, omnidirectionnel, mais entêté dans ses choix. Et ces contradictions assumées sont la force et la reconnaissance d’une grande œuvre.
Mais c’est véritablement après l’interlude acoustique sublime « Suspiramus » que les choses sérieuses commencent. Les deux premiers morceaux, au quart d’heure atteint une fois assemblés n’étaient que des mises en garde, pour ne pas que l’auditeur se plaigne d’être perdu sur le chemin de l’analyse. Pas de carte, pas de plan, sinon celui vague de toujours être là où on ne vous attend pas, et « Universum » de continuer à provoquer le bruit et la fureur pour accoucher d’un des morceaux les plus maousses que l’extrême ait pu produire. En insufflant la colère mathématique du Tanz Metal allemand à l’efficience d’un Heavy Black totalement scandinave, le quatuor (Keithan - guitare/chant/orchestration, Tmdjn - basse/orchestrations, Marc-Antoine Foulon - guitare, et Alexis Comparato - batterie) nous écrase de sa puissance, comme le légendaire Golem, né de la pourriture, et avance sur fond de riff martial et de rythmique énorme. Pourtant, encore une fois, malgré cette sensation de gigantisme, tous les détails sont perceptibles. Ce chant grave qui s’évapore en volutes, ces guitares qui ne jouent pas le même thème en restant à l’unisson, ces breaks presque imperceptibles qui pourtant dynamisent l’uniformité, et ces digressions acoustiques qui emmènent le thème principal dans un ailleurs, non pour le transformer, mais pour le moduler, et le rendre intact. Lorsqu’on choisit de soi-même l’énormité comme vecteur d’expression, il est toujours difficile de rester en phase avec l’efficacité, et c’est pourtant ce que le quatuor (aidé en sa tâche par quelques musiciens tout sauf simplement additionnels, dont Celui du Dehors - saxophone, Pierre Pacalet - violon, Diavolus in Viola - violon et Benoît Grellier - violoncelle) parvient à faire avant de tout lâcher, ou presque, sur le pavé « Vocat », au quart d’heure bien tassé. Conservant la même approche, le groupe alourdit le pas, mais paradoxalement allège la bande instrumentale, en s’offrant une césure à l’hémistiche digne des plus grands du Doom riche et luxurieux, et construire un crescendo final en ultraviolence assourdissante…
Déjà vacillant, l’auditeur se demande très justement comment reprendre ses esprits, avant d’attaquer le final « Veritas II ». Et c’est un intro digne d’OPETH qui ne lui prodigue aucune réponse, avant que MAÏEUTISTE ne boucle la boucle amorcée par « Veritas », et ne revienne vers les rivages BM initiés il y a quelques quarante minutes. Un dernier gimmick en silence de plus de huit minutes, pour un final Dark Ambient, en forme de sensation étrange après un réveil. Car Veritas a tout du rêve éveillé, qui nous emmène aux confins de la perception, avant de nous laisser face à face avec une réalité crue sous un petit jour blafard. Car aussi belle soit la violence, elle n’est que violence finalement. A moins que des artistes ne la détournent pour en faire une puissance créatrice.
Titres de l’album :
01. Veritas
02. Infinitus
03. Suspiramus
04. Universum
05. Vocat
06. Veritas II
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