Evacuons immédiatement ce jeu de mot facile et inexcusable : ces brésiliens ne font pas SEMBLANT. Voilà, une fois ce calembour tragique posé, concentrons-nous sur cette musique incroyable que les lusophones jouent depuis quelques années, et qui a déjà été développée sur trois longue-durée aux destins similaires. Fondé en 2006, ce groupe d’enragés fans de blockbusters a attendu 2010 pour nous assommer d’un énorme Last Night of Mortality, avant de planter ses crocs dans notre cou à l’occasion de la pleine lune de Lunar Manifesto, considéré par beaucoup comme leur haut-fait d’armes. Depuis ces deux albums, le sextet a glissé sur la pente de la raison, polissant sa production pour se montrer sous un jour moins indomptable, sans remettre en cause l’intégrité de sa musique. Et Frontiers se frotte aujourd’hui les mains de la confiance renouvelée du groupe alors que le quatrième chapitre de cette saga s’apprête à envahir le monde.
Obscura montrait quelques signes d’accalmie, et même quelques prétentions dites « commerciales ». Non que SEMBLANT se soit rangé des voitures, mais ce troisième album tempérait quelque peu les instincts les plus sauvages sans vraiment rentrer dans le rang. Il était donc tout à fait logique de penser que Vermilion Eclipse continuerait sur cette lancée en affirmant les positions, ce qui est évidemment le cas.
Néanmoins, il est toujours aussi difficile d’apprivoiser les brésiliens en les rangeant dans une petite case/cage qu’ils briseront de leur force surhumaine. Entre Metal moderne agressif mais puissant, Melodeath contemporain mais pas totalement assumé, et Metal extrême et technique, SEMBLANT louvoie, navigue au sextant, tout en laissant sa nature profonde parler. Ainsi, J. Augusto (claviers), Sérgio Mazul (chant masculin), Mizuho Lin (chant féminin), Juliano Ribeiro (guitare), Thor (batterie) et Johann Piper (basse) continuent de s’exprimer selon les principes de cet espéranto musical, sorte de crossover géant de toutes les tendances 2K, entre Djent modeste, Modern Death accessible et gorgé d’harmonies, et Metal gothique pour vampire en rupture de ban.
Il est tout à fait possible de trouver le mélange méchamment roboratif et la recette opportuniste, mais il est impossible de nier au groupe une domination totale de son sujet. Aussi tape-à-l’œil qu’elle n’est violente, cette musique fait encore une fois fi de toute limite et de toute humilité, compressant la grosse caisse au-delà du raisonnable, tombant dans les travers de la grandiloquence gothique légèrement plastifiée, mélangeant avec panache chant masculin grave et chant féminin lyrique, avec une place moins grande laissée à Mizuho Lin, un peu poussée au fond de la photo de famille.
De là, les options se resserrent pour vous, et une seule reste viable : aimer ou détester. Dans la mouvance d’un CHTHONIC plus abordable ayant percuté LACUNA COIL et ARCH ENEMY dans les couloirs du temps, SEMBLANT élargit encore ses horizons avec Vermilion Eclipse, passant tout naturellement d’un hit médium aux harmonies prononcées à une soudaine déferlante de brutalité dopée par des riffs classiques et l’énergie d’une rythmique infatigable.
De fait, « Enrage » et son clavier ludique introductif présente le visage le plus grimaçant du groupe, et surtout, pose les bases d’un décorum à la romaine, avec chars rutilant et gladiateurs assoiffés de sang. L’énergie déborde des enceintes, et si le propos reste formel dans sa traduction contemporaine de canons des années 2000, l’ambiance prend aux tripes, et évoque un opéra maudit composé par une bande de suceurs de sang en quête d’immortalité s’amusant de leur propre légende. Dès lors, les plus puristes passeront leur chemin, laissant les fans se délecter de cette suite baroque sans interdit ni limite. Quoi que plus raisonnable que les premiers efforts du groupe, Vermilion Eclipse n’en reste pas moins un spectacle intégral pour les oreilles, 3D musicale utilisant les codes du Metal symphonique et du Death mélodique.
Evidemment, on peut arguer du caractère excessif de cette approche qui refuse toute nuance, malgré quelques concessions plus sensibles et délicates (« The Neverending Fall »), on peut aussi reprocher la sous-utilisation d’une chanteuse à la formation lyrique qui semble plus tenir de la figurante que de la réelle diva indispensable à toute représentation en costume, mais il n’en reste pas moins que ce quatrième album respecte les promesses faites par son aîné, en creusant encore plus dans le sillon d’un Metal décomplexé à haut potentiel de séduction des masses.
Avec des morceaux qui se veulent différents les uns des autres, mais un systématisme indéniable dans les riffs interchangeables, SEMBLANT montre parfois ses limites créatives, en signant de simples copies plus ou moins habiles (« Through The Denial »). Heureusement pour nous, les deux nouveaux chapitres de « Legacy Of Blood » redressent la barre, tout comme le final gargantuesque de « Day One Oblivion », longue évolution de près de dix minutes qui condense toutes les qualités de ces musiciens hors-normes.
Hors-normes, voilà un terme qui sied admirablement bien à SEMBLANT, qui avec Vermilion Eclipse trouve un équilibre stable entre adolescence fougueuse et âge adulte plus mature et raisonnable.
Titres de l’album :
01. Enrage
02. Destiny In Curse
03. Purified
04. The Human Eclipse
05. Somber Concern
06. The Neverending Fall
07. Through The Denial
08. Black Sun Genesis (Legacy Of Blood Pt.Vi)
09. Heretic
10. Bloodred Monarch (Legacy Of Blood Pt.Vii)
11. Gaslighting
12. Day One Oblivion
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