Dans une lettre reçue cette semaine, sans expéditeur, j’ai découvert deux albums dont j’ignorais l’existence, et deux groupes qui fatalement m’étaient inconnus. Je savais que la chronique de l’un des deux m’incombait, mais j’étais surpris de découvrir le second, jusqu’à ce que mon (pas si) mystérieux (que ça) expéditeur se livre à une confidence roublarde et lâche un libidineux « Je t'ai même mis un CD affriolant ». Sans connaître le contenu de cet album, je faisais mine d’être complice de cette blague, jusqu’à ce que je découvre le line-up de KILLIN’ BAUDELAIRE. C’était donc ça qui déclenchait ce sous-entendu viril, mais une fois de plus, inutile de se fier au genre des musiciens pour s’intéresser à une musique. Balayons donc cette composante d’un revers de phrase, oui, KILLIN’ BAUDELAIRE est ce qu’on appelle un all-female-band, mais l’anecdote s’arrête là. Fondé début 2015 du côté de Milan, le groupe a mis deux ans à se stabiliser, avant de se formaliser autour d’une formation solide. Aujourd’hui, en 2020, le combo s’articule autour de Martina Cleo Ungarelli au chant, Martina Nixe Riva à la guitare et aux chœurs, Alice Lane Pandini à la basse et aux chœurs et Elisa Helly Montin à la batterie. Vertical Horizon est donc leur premier album, mais succède quand même à un EP, It Tastes Like Sugar publié en octobre 2016 sur Bagana Records. C’est donc à un quatuor ayant une expérience du studio auquel nous avons affaire, et inutile de dire que ce premier LP sonne pro aux entournures. En choisissant de ne pas trop se baser sur la complexité, mais sans sombrer dans la simplicité vulgarisatrice, nos quatre musiciennes transalpines nous offrent donc une vue sans encombre sur la scène alternative italienne, qui a méchamment compris les enseignements américains sur le sujet.
Soyons clair et net, Vertical Horizon ne révolutionnera pas le Metal, et encore moins le Rock. Cet album est d’un formalisme assez confondant, utilisant toutes les armes de séduction musicale à sa portée. En mélangeant le Nu-metal des nineties, le Metalcore light du siècle suivant, et quelques astuces de Rock alternatif, KILLIN’ BAUDELAIRE propose un mélange classique, mais efficace. Les riffs ne cherchent pas Petrucci à quatorze heures, et les structures sont toutes d’une logique imparable, avec une succession classique de couplets hargneux et de refrains joyeux. Là où le groupe se montre le plus intelligent, c’est lorsqu’il varie les humeurs et ambiances, conférant à ce premier album un parfum très personnel lui permettant de se distinguer de la masse. En effet, chaque titre à sa propre atmosphère, bien qu’on puisse tous les classer par catégorie (hymne teen, balade romantique, crise de colère Core…), et que l’influence de nombreux groupes se fait ressentir. On pense à LINKIN’ PARK évidemment, mais aussi à PAPA ROACH parfois dans les moments les plus Metal, mais lorsque le groupe s’oriente vers des choix plus Rock, il se montre plus convaincant et catchy. Ainsi, « Still Burning » et son phrasé Rap sur fond de burner Rock est un pur délice, et on regrette d’ailleurs que le groupe n’opte pas plus souvent pour le radicalisme puriste d’un Rock plus simple, et moins connoté. Ceci étant dit, les musiciennes se montrent efficaces sur tous les terrains, et entre une ouverture d’une franchise totale (« Lullaby », et son riff redondant et épuré), un aveu Classic Rock traditionnel, mais toujours appréciable (« Don’t Give a F**k » au refrain qui ne laisse planer aucun doute), et un moment de relâchement en sensibilité cristalline (« Building Ends »), l’éventail des possibilités est grand ouvert, et révélateur d’un potentiel remarquable.
Niveau individualités, on accordera pas mal de crédit à Martina Cleo Ungarelli, qui possède un timbre intéressant et séduisant, et qui est capable de moduler, de la caresse au grognement. Elle se permet de transcender une base instrumentale tout à fait classique, bien que la rythmique constituée d’Elisa Helly Montin et Alice Lane Pandini soit tout à fait capable. Aucune démonstration donc, mais une belle cohésion, et une guitariste qui tire de son instrument des riffs qu’on retient, le tout agrémenté de quelques fantaisies électroniques au niveau des arrangements. Le point de focalisation de ce genre d’album a toujours été son efficacité dans la diversité, ce qui nous permet de passer d’un hit rap/Core de la trempe de « Tearing All Your Words Down » et ses cris assez convaincants à un tube alternatif syncopé et entrainant comme « The Mongrel ». En optant pour des morceaux la plupart du temps concis et brefs, les KILLIN’ BAUDELAIRE ont fait le bon choix, leurs idées étant pour la plupart assez choc et succinctes. Certains auditeurs seront certainement un peu déstabilisés par ce parti-pris éclectique, qui laisse les morceaux dériver du Metal au Pop Rock légèrement punky (« Later / Hater »), mais c’est justement cette variété (totalement assumée d’ailleurs) qui confère à Vertical Horizon ce charme frais et légèrement naïf. Mais n’allez pas vous méprendre sur le potentiel des musiciennes, carrées, pros, et surtout capables de pondre un hit jumpy de la qualité de « Stay ». je vous accorde qu’on a déjà entendu tout ça, en mieux, en moins bien, en Europe et aux Etats-Unis, mais je persiste à dire qu’il n’est pas donné à tout le monde de couvrir autant de terrain tout en y lâchant des mines teen explosives comme « Still Burning ».
Et malgré le tracklisting qui s’étire jusqu’à treize morceaux, l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez, grâce à des modulations intelligentes (« Leader = Deceiver », l’un des meilleurs avec ses allusions R’n’B étonnantes), et des moments d’efficacité purs et durs comme du Rock sûr (« Shoot »). Un premier album en tout point remarquable, qui présente le visage d’un groupe homogène mais hétéroclite, et qui mérite plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur.
Titres de l’album :
01. Lullaby
02. (Ex)ecute
03. Don’t Give a F**k
04. Tearing All Your Words Down
05. Building Ends
06. The Mongrel
07. Later / Hater
08. Stay
09. Still Burning
10. Leader = Deceiver
11. Blind Fate
12. Shoot
13. Vertical Horizon
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