Pour une fois, laissons-nous dériver sur les chemins escarpés du Metal Progressif, genre Ô combien surpeuplé, qui trop souvent, privilégie le fond sur la forme. Le nombre de groupes encombrant le style étant gigantesque, il devient difficile de séparer le bon grain de l’ivraie, et souvent, l’arbitraire se veut seul juge au moment de choisir une œuvre plutôt qu’une autre. C’est ainsi que la pochette du second LP des italiens de LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE a accroché mon regard, évoquant les comics médiévaux, et dessinant de son trait un univers susceptible d’être suffisamment passionnant pour être disséqué. S’il est certain que la pochette de Viaggi InVersi, au trait fin créé par l’artiste Fernandino Silvestri suscite l’envie, la musique de ce quintet/sextet de Benevento en attise la flamme, sans esbroufe, mais avec beaucoup de sincérité. Fondé en 2015, ce collectif dont la passion ne saurait être remise en cause nous a déjà offert un premier longue-durée, Il Guerriero Errante, qui nous contait les aventures perturbées d’un guerrier royal et de son histoire d’amour avec la princesse du royaume, thèmes qui se voient repris ici dans ce second volet qui en profite pour tâter de l’exploration temporelle et des sentiments humains à travers les époques. Lien donc entre les deux tomes, thématique, mais aussi musical puisque ce second effort reprend peu ou prou les mêmes recettes de composition, se situant en confluence de plusieurs maestros facilement identifiables. Articulé autour des instrumentistes Angelo Santo (chant), Alessandro Zeoli (guitare), Luca Iorio (basse), Giuseppe Sarno (claviers) et Gabriele Beatrice (batterie), ainsi que du parolier/scénographe Alfredo Martinelli, LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE se pose en parfaite synthèse de la scène Progressive italienne, et convoque l’esprit des DREAM THEATER, de PORCUPINE TREE, mais aussi de YES aux agapes d’une musique riche et honnête, qui refuse le démonstratif sans privilégier l’allusif.
Pas d’embardées en solitaire à craindre d’un groupe qui se concentre sur la sensibilité de sa création plus que sur l’épate de ses partitions. Si en termes d’originalité, la musique qui recouvre les sillons de ce Viaggi InVersi n’est pas des plus audacieuses, elle est suffisamment ciselée pour faire craquer les amateurs d’un Rock/Metal évolutif aux harmonies pures et développées. On sent clairement que certains travaux de Petrucci & co. ont grandement influencé les italiens, qui n’en ont pourtant retenu que la facilité des mélodies, et les constructions en gigogne, l’expurgeant de ses tics les plus irritants, pour oser un crossover entre les 90’s et les 70’s, sans vraiment choisir leur camp. Outre ces références, le groupe cite volontiers ANGRA, EPICA, Steven Wilson, BANCO DEL MUTUO SOCCORSO et quelques autres pour situer sa démarche, mais leur attitude globale est suffisamment affranchie pour se reposer sur ses propres acquis et inventer des histoires musicales attendrissantes, violentes, nuancées et ambivalentes. Constitué d’une poignée de morceaux assez courts selon les canons du genre, Viaggi InVersi ne se bride pas pour autant, er délivre une composition épique de plus de vingt minutes, « Dama di Spade », qui justifie à elle seule l’achat de cet album décidément intrigant. Mais sans vouloir faire porter le poids du succès à une seule intervention, il convient d’admettre que les segments les plus brefs sont largement dignes d’intérêt, à l’image de cette suite « Tempo Inverso Pt.1 et Pt.2 », décomposée en deux mouvements, et qui rappelle méchamment les travaux les plus oniriques du sieur Wilson, dans sa période la plus ancienne.
Le DREAM THEATER d’Images And Words semble aussi se poser en jalon inévitable, spécialement sur ce morceau à l’envergure notable, puisqu’on y retrouve les mêmes attaques de synthé délicates, agrémentées de parties de guitare en son clair calmes et apaisées. La scène italienne dans toute sa spécificité et sa pluralité a aussi le droit de cité, et l’esprit s’attache parfois au souvenir des DELIRIUM, des GARYBALDI, ou même des DESTRAGE dans les instants les plus complexes et drus. Mais pas de doute à avoir, c’est bien le progressif américain nuancé d’une touche européenne (sans sombrer dans le délire théâtral de Canterburry) qui domine les débats et éclaire la chandelle des italiens, qui ne se laissent jamais déborder par leur inventivité, et qui parviennent toujours à cadrer leur inspiration pour ne pas la laisser divaguer. Ainsi, l’imposant « Dama di Spade » alterne les séquences, et se partage entre le PINK FLOYD le plus dantesque et le DREAM THEATER de Six Degrees Of Inner Turbulence pour nous perdre dans le dédale d’une histoire de temps et d’amour, multipliant les climats, les tons (entre Metal très prononcé et Rock très aéré), et tisser une toile dans laquelle le YES de Tales From Topographic Oceans aurait pu s’engluer. Entre des soli toujours pertinents et dramatiques, une section rythmique inventive et fluide, et un chanteur qui insuffle une émotion tangible sans se prendre pour un castrat, les musiciens jouent donc la carte de la sobriété dans le délié, et ne nous étouffent jamais d’une partition trop étoffée pour être appréciée. Sans vouloir vous dévoiler tous les détails de ce morceau qui fait sans doute partie des grandes réussites du genre, il est quand même important de préciser qu’il peut être pris en tant que tel et extrait de son contexte pour représenter une image fidèle d’un groupe moins prévisible que la moyenne.
Mais il est certain que Viaggi InVersi s’apprécie comme une globalité, tout autant que comme somme de ses parties, toutes remarquables. Et après une intro volontairement irritante, en forme de captation temporelle pas vraiment calée sur la bonne fréquence (et qui peut aiguiller sur la mauvaise piste), « Goccia di Tenebra » nous surprend de ses demies teintes, et introduit des percussions subtiles, qui craquent soudain sous la pression d’un riff redondant. Toujours à cheval entre puissance et nuance, et ne refusant pas l’apport d’un groove rebondissant (« Urla e Perdonami », peut-être le plus DT du lot), LA BOTTEGA DEL TEMPO A VAPORE, sans pratiquer l’art du contrepied, s’amuse beaucoup à caresser dans le sens du poil, pour mieux griffer l’instant suivant. Et en empruntant à Pachelbel son canon pour le final ciselé de « Mestieri », les italiens prouvent qu’ils connaissent leurs (bons) classiques, et nous ouvrent les portes qui mènent sur l’avenir de leurs personnages, que la langue italienne pourra rendre un peu opaques. N’en reste pas moins que ce second album tient toutes ses promesses, et sait faire preuve d’ambition tout en restant humble. Il propose un visage du Progressif assez séduisant, et les morceaux distillés sur Viaggi InVersi pourront vous faire remonter le temps et laisser émerger quelques souvenirs, tout en restant ancré dans son temps.
Titres de l'album:
1. Flashback
2. Goccia di Tenebra
3. Urla e Perdonami
4. Tempo Inverso PT1- Il Viaggio
5. Tempo Inverso PT2- La Lettera
6. Dama di Spade
7. Mestieri
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49