En 1945, Hitler, enfermé dans son bunker, savait pertinemment que tout était terminé, et que le millénaire promis à son Reich n’était plus qu’une chimère enterrée sous les décombres d’une ville massacrée par les armées russes. Coincé douze mètres sous terre, condamné à une promiscuité dégoulinante de folie, de peur, de luxure et de bruit, il connaissait déjà l’inéluctabilité de son destin et s’y était résigné. Ses troupes étaient en débâcle, mais il continuait d’organiser des mouvements fantaisistes sur les cartes tendues par ses généraux, donnant le change d’une main tremblante pour ne pas avoir à plier genou face aux déserteurs de plus en plus nombreux. Ces scènes, cette longue descente en Enfer fut très bien retranscrite dans le film La Chute, qui dépeignait un quotidien de plus en plus lugubre, en forme de tragédie grecque morbide que nous regardions fascinés, toujours plus voyeur face aux situations en impasse de l’histoire…C’est à ce moment-là, et dépourvu de force de frappe patente que le führer décida de former une ultime milice constitué d’enfants, d’adolescents et de pauvres soldats de fortune tenant encore debout, pour défendre ce qu’il restait du cœur de Berlin, avant la prise inévitable quelques semaines plus tard. La seule consigne était de défendre coûte que coûte les derniers vestiges, jusqu’à la mort, qui montrait son visage revanchard en venant chercher son dû. L’histoire étant ce qu’elle est, personne n’a oublié la conclusion macabre d’un destin d’exception, et lorsque les trahisons s’accumulèrent, celle de Göring d’abord, puis celle d’Himmler, tentant de négocier la reddition de l’Allemagne, il ne restait plus qu’un point final à apporter à l’un des chapitres les plus sombres du vingtième siècle. Goebbels et sa femme Magda réglèrent le problème avec des capsules de cyanure pour leurs enfants, tandis qu’Hitler et sa jeune femme Eva terminèrent leur sombre parcours le pistolet à la main, avant d’être incinérés dans un trou d’obus, puis ensevelis sous des couches de terre et de sang.
Et cette ambiance, cette terreur palpable mêlée de résignation et de dégout d’une civilisation qui allait bientôt se partager entre capitalisme américain et totalitarisme soviétique se retrouve aujourd’hui incarnée en un disque unique, qui ne pouvait être l’œuvre que d’un seul groupe. Qui d’autre que MARDUK pouvait incarner inconsciemment un tel climat de déliquescence, lui qui depuis ses débuts a parfaitement assumé une passion dévorante pour ce conflit meurtrier, au point de se voir stigmatisé pour des accointances philosophiques un peu trop envahissantes au goût de certain. Mais si les théories les plus ignobles du régime nazi n’ont jamais trouvé écho dans les paroles et la musique de Morgan, les faits et l’iconographie y ont toujours eu une place plus qu’importante, primordiale dirais-je, et Viktoria ne fait aucunement exception à la règle. Sur la lancé du chaotique Frontschwein publié il y a déjà trois ans, Morgan et Mortuus relancent la machine, toujours aussi bien huilée, et dont les rouages semblent s’ingénier à reproduire le bruit d’apocalypse accompagnant les derniers jours de Berlin en tant que ville allemande. Plus qu’un album, ce quatorzième LP est un chapitre de plus à apporter à l’une des plus grandes légendes scandinaves du genre, une légende née à l’orée des années 90, et qui depuis l’arrivée de Mortuus peut revendiquer le statut iconique des références les plus incontournables, de par son aura évidemment, mais aussi par la qualité de ses réalisations, souvent similaires, parfois en mimétisme, mais toujours d’une puissance assourdissante laissant la concurrence à des années lumières dans son sillage. MARDUK n’a jamais joué le petit jeu de l’audace, lui préférant depuis longtemps l’efficacité redoutable d’une faction pleinement consciente de ses possibilités et de sa force de frappe. Car MARDUK est plus qu’un simple quatuor, il est un panzer qui écrase tout sur son passage, et si quelques baisses de régime ont été constatées durant son impitoyable avancée, elles n’étaient que des anecdotes sur un plan de route clairement dessiné. En l’état, Viktoria ne change aucunement la donne, et semble même se recentrer sur le glorieux passé du combo. Les plus enclins aux parallèles faciles y décèleront une analogie plus que patente avec Panzer Division Marduk, au regard de sa brièveté et de sa focalisation sur un BM cru et sans pitié, mais les initiés n’y verront qu’un intermède destiné à resserrer les rangs, et une percée se basant sur les anciennes tactiques de l’armée des ténèbres. Et c’est exactement ce que ce nouvel LP est. Une digression sur un passé glorieux, aux drapeaux encore flottant dans l’inconscient collectif, mais aussi un regard tourné vers un avenir de puriste, qui nous réservera encore sans doute des surprises.
Loin d’incarner l’épiphanie créative des suédois, cet album rassure. Il rassure par sa pugnacité, par son aridité, mais aussi par la maturité du chant de Mortuus, qui a enfin débarrassé ses incarnations de ses envolées théâtrales les moins pardonnables. Même si l’homme n’a pas encore renoncé à ses régurgitations les plus écœurantes, il se montre d’une solidité incroyable, haranguant les fans, et soutenant à merveille les rares motifs mélodiques tissés par son mentor guitariste. De son côté, Morgan a une fois de plus épuré son jeu, et se contente de recycler des riffs qu’il a déjà usés jusqu’à la corde, se permettant même de replacer quasiment in extenso des thèmes classiques (« Tiger I », qui ressemble comme deux gouttes de sang au traumatique « To Redirect Perdition » sur Wormwood), pilotant en roue libre pour mieux distiller ses fameuses litanies acides dont il est le dépositaire le plus légitime. Rythmiquement, la donne n’a pas changé, et le pivot basse/batterie se contente de revisiter des figures imposées, calquant les blasts les plus rapides sur les invectives vocales les plus franches, sans chercher à casser le moule ou à prendre quelques libertés. Vu de l’extérieur, on pourrait croire que ce nouveau tome n’a rien qui puisse fasciner les adhérents ayant rendu leur carte depuis longtemps, et pourtant, après quelques écoutes attentives, Viktoria pourrait bien incarner la réussite de brutalité viscérale après laquelle Panzer Division Marduk courrait il y a quelques années. Si en termes de violence soutenue, Viktoria sait admettre quelques moments de faux calme et de ralentissement, il n’en demeure pas moins l’incarnation la plus probante des années de conquête du régime, et suggère une dualité plus que troublante entre des époques bien distinctes. Celle de l’écrasement de l’Europe, celle de l’expansion initiale à l’est, mais aussi la conclusion traumatique des derniers mois passés à Berlin, terré à attendre la fin.
Ce mélange d’ultraviolence et de trouble se retrouve dans cette juxtaposition de titres comme l’introductif « Werwolf », évoquant justement ces fameuses légions du sacrifice de 1945 à grands coups de Punk Black décrivant avec acuité la totale méconnaissance des soldats de la dernière chance, et « June 44 », qui à grand renfort de riffs circulaires et de hurlements capte avec véracité la dernière chance qui s’envole sous les bombardements du débarquement. Et si « Narva », « Viktoria », ou « The Devil’s Song » ne font rien de plus que de piocher dans les souvenirs du BM scandinave le plus pérenne, le résultat n’en est pas moins impressionnant, un peu comme une bête à terre qui feint d’attendre le coup de grâce, et qui se relève de toute sa superbe pour donner l’ultime estocade. Nous aurions beau jeu de ne voir en MARDUK qu’une trademark qu’on traite avec un mélange de respect et de condescendance. Mais s’ils sont toujours là près de trente ans après leurs débuts, et si leurs obsessions pour la guerre n’ont pas dévié d’un iota sans se montrer redondantes, c’est qu’ils ont réussi d’un côté à incarner le visage le plus fidèle et hideux d’un style extrême, et que d’un autre, ils ont illustré avec la plus grande des fidélités l’épisode le plus apocalyptique d’une histoire meurtrière. Viktoria ne sera sans doute pas leur plus grande victoire, mais son synthétisme et sa rigueur en font une étape de plus sur le chemin de la glorification.
Titres de l'album:
01. Werwolf
02. June 44
03. Equestrian Bloodlust
04. Tiger I
05. Narva
06. The Last Fallen
07. Viktoria
08. The Devil's Song
09. Silent Night
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