Il y a quarante ans ou presque, AMERICA nous narrait les mésaventures et la légende d’un cheval sans tête. Des histoires de voyage dans le désert, loin de la pluie, d’endroits perdus où l’on peut se souvenir de son nom, et où on n’éprouve plus la douleur.
Depuis, le désert a gagné du terrain et menace les villes, et le visage de l’Amérique a bien changé. Nous n’en sommes pas encore au point de regarder les cimes des casinos de Las Vegas pointer sous le sable sec et impitoyable, mais un vent chaud souffle sur les cités au point de ne plus reconnaître une nation. Une nation blessée, qui vit dans un chaos par intermittence, sous l’égide d’un meneur de troupes aussi belliqueux qu’irrationnel. Quelle est donc cette Amérique que Kerouac n’arpenterait certainement plus, ou alors contraint et forcé, et d’un regard distancié qui lui permettrait de se désolidariser de ce fatalisme ambiant ?
Peut-être celle décrite par un duo venu du fin fond de la Virginie, qui depuis trois ans s’ingénie à nous saturer de bruits blancs et assourdissants, et qui dénature le Black Metal le plus fondamental pour lui faire épouser les contours urbain d’une déchéance annoncée…
AMERICAN, un nom simple et pourtant si plein de conséquences, et si lourd à porter. Composé de Mike et Jim, deux prénoms tellement anonymes qu’ils pourraient en devenir des John Doe de la torture musicale, ce projet aux allures d’homothétie Anglaise à la GODFLESH est devenu en très peu de temps le nouvel emblème d’un BM sombre et diffus, qui change d’apparence à chaque retour programmé, pour mieux nous surprendre et nous empêcher de dormir.
Traumatisés par les abus de boîte à rythmes et de pédales d’effet, Mike et Jim, après nous avoir assoiffés de leur Coping With Loss à l’ombre étouffée par un soleil noir, reviennent hanter nos jours de lunes occultes et d’histoires de foi, de paradis, d’étranglements, et autres raffinements nous congelant les chairs et mettant à mal notre libre arbitre.
Groupe tellement difficile à définir que les étiquettes semblent obsolètes avant même d’avoir été accolées, AMERICAN se veut la bande son traumatique et cathartique d’une déshumanité qui prend le contrôle et admire les espoirs partir à la dérive, un peu dans la même optique qu’un THE BODY, ou qu’un LEVIATHAN concentré sur des expérimentations figées et robotiques.
Savant et sadique mélange de sonorités guindées et Kraftwerkiennes, d’exactions stridentes à la SUICIDE, et d’extrémisme bruitiste à la GNAW THEIR TONGUES/BILE, Violate and Control se veut l’incarnation musicale de son intitulé, et viole nos pensées en s’insinuant dans notre âme via nos oreilles, pour ébaubir le BM le plus cru d’une sourde violence Industrielle et EBM. Inutile dès lors de vous allonger dans le sofa de velours d’un quelconque thérapeute, le mal est déjà fait, et le virus en vous. En d’autres termes, et pour se vouloir plus pragmatique, admettons que leur deuxième album est une parfaite moyenne entre la brutalité d’un BM sale et la lourdeur suffocante d’un Sludge tirant sur l’Indus.
Si la trame logique suit son cours depuis les débuts discographiques du groupe et leur split avec les CRONE, Mike et Jim ont poussé le paroxysme au-delà de ses dernières limites, sans pour autant renier les éléments identitaires les plus probants de leur démarche. Un morceau comme « Bedsheet Ossuary », le prouve d’ailleurs en moins de cinq minutes, de sa rythmique poussée en blasts, et de ses cris typiquement Black qui déchirent le silence de nuits d’inquiétude.
Mais les intermèdes électroniques sont aussi là pour mieux vous déstabiliser, et « Forever A Wicked Form » aurait de quoi rendre malade de jalousie un MERZBOW perdu dans un cauchemar sans fin à base de distorsion excessive…Juxtaposition, comparaison, opposition et complémentarité, tels sont les procédés utilisés par le duo pour parvenir à ses fins, qui sont autant de témoins d’une apocalypse sonore annoncée…
Cette apocalypse trouve une sorte d’apogée dans la longue suite cathartique « Amorous and Subdued », qui après une longue intro martiale et synthétique lardée d’éclairs blancs, se concentre sur un BM électronique singeant les pires tics de BLUT AUS NORD en les transformant en cris hybrides encore plus terrifiants que les plaintes originelles.
Dans un crescendo stupéfiant de statisme, AMERICAN ose la non progression qui accumule les couches et strates de sons, pour un final orgiaque qui nous rappelle les pires moments d’un MINISTRY obnubilé par une rythmique immobile et une débauche de samples d’outre-tombe.
Mais loin d’être de simples manipulateurs d’horreur, Mike et Jim savent aussi trousser de véritables morceaux de Metal en fusion, certes très froids d’aspect et assez difficiles d’approche, mais vraiment accrocheurs pour qui aura les oreilles assez rompues à l’exercice de l’extrême.
Ainsi, l’ouverture de « Visions of Great Faith » combine les expériences des THROBBING GRISTLE et les claquages de portes de GODFLESH, dans une union Indus pas si contre nature que ça, avant de nous renfermer dans un piège de BM en dissonances, déformant le reflet d’un APHEX TWIN dans le miroir insondable des ASH BORER.
Il arrive aussi parfois qu’un autre genre émerge, se sevrant à la source du BM, du Sludge et de l’Industriel, pour créer une nouvelle forme d’expression lancinante, que l’on trouve sur le surprenant « Defecting Ways », qui se traîne sur quelques BPM fatigués tandis que la guitare lamine un thème unique qu’elle lime jusqu’au cœur déjà mort.
Quelques échantillons rythmiques analogiques pour tenter de garder prise avec l’humanité (« I Am Thine Enemy »), qui annoncent une lourdeur et une moiteur suffocantes, et l’un des meilleurs morceaux de l’ensemble, avant que cette même rythmique ne se veuille martiale, tel un soldat percutant son tambour avec une régularité métronomique pour annoncer l’assaut final, celui qui détruira toute résistance et mettra l’ennemi à feu et à sang.
Immense conglomérat de bruits grondants et de fulgurances d’Armageddon, « Paradise Again », nous offre donc le triste spectacle d’un Eden rongé par les flammes et le manque d’empathie, et sombre dans le Noise le plus absolu et inextricable. Conclusion logique d’un album qui aura patiemment égrené ses arguments pour en arriver à un épilogue nihiliste, cet ultime morceau révèle toute la méchanceté d’un groupe que finalement, personne n’a vu arriver avant qu’il ne soit trop tard…
Il est certain que beaucoup balaieront d’un geste méprisant cette tentative d’emprisonner l’essence même du Black Metal dans un cœur de béton Noise et Indus. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’y voir un certain regard vers l’avenir et le passé d’un style en perpétuelle mutation, et qui est probablement l’un des seuls à pouvoir capter l’air putride de son époque.
Violate and Control est un désert d’émotions qui vous prive d’eau, et qui renvoie l’écho meurtri d’un silence assourdissant. Ou plus simplement, un portrait fidèle de l’Amérique d’aujourd’hui et de demain. Une Amérique qui regarde mourir son histoire tout en l’arrosant de ses larmes sèches.
Titres de l'album:
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