Ça groove, ça pulse, ça sent bon le sud des Etats-Unis, les petites villes un peu paumées, les bars bondés le samedi soir, et les repas sur le pouce entre amis le dimanche. Un petit bout d’Amérique, pas celle des laissés pour compte, non, celle des gens humbles, qui traversent la vie comme les hérissons la route. Un peu trop tranquillement, au risque de se faire rouler dessus par le destin. Un destin qui est toujours capricieux.
Les LOST PSYCHONAUT ne le sont pas. Ils sont généreux et nous offrent presque cinquante minutes d’une musique profonde, dégoulinante de feeling southern, et truffée de riffs qui réchauffent le cœur. Un genre d’hymne à la vie sauvage, que l’on sent graisseuse comme de l’huile de friteuse, et enivrée d’un alcool un peu trop fort pour le palais.
Formé en 2018 à Connellsville, le quatuor (Justin Erb - chant/guitare, Tim Weir- guitare, Garrett Twardesky - basse et Tristain Triggs - batterie) s’est déjà fait connaître par un premier long éponyme en 2020, qui avait agité les neurones restant aux fans d’un Rock joué dur et gras. Quatre ans plus tard la donne n’a pas changé, l’autoproduction non plus, et le talent est intact. C’est ce qu’on ressent en tout cas en dégustant « True Defective », qui de son thème lourd et oppressant place immédiatement les débats sur le terrain de la sincérité et de l’honnêteté.
Groove sudiste, sueur qui perle sur le front, longues jams interrompues par un verre à boire ou un stick à fumer, l’impression est saisissante, et on pourrait presque humer l’odeur des marais. Dans un registre qui unit avec brio CORROSION OF CONFORMITY et CHANNEL ZERO, DOWN et CROWBAR, Violent Outbursts and False Accusations est une sacrée balade dans les recoins les plus louches et isolés de Pennsylvanie, où il ne fait pas bon mettre les pieds si on ne connaît pas la flore ou la faune locale.
Bien sûr, le classicisme est de mise. Les riffs doivent autant au SAB’ qu’à LYNYRD, et l’alourdissement mélodique est tel qu’on a parfois l’impression d’être suivi par une bête étrange dont les contours sont flous. L’aventure est donc assez facile à suivre, mais elle dose tous les ingrédients d’une visite guidée, avec autochtones sympathiques, mais quand même un petit peu dangereux, pour peu que vous osiez fouiller dans leur passé.
Ce passé, c’est aussi notre présent. Celui de « Commonwealth Of Doom », incroyable numéro de souplesse rythmique qui catapulte un lick salement redondant et invariable. Cette pulsation a tout d’un battement cardiaque après affolement ou ingestion d’un liquide un peu trop chargé, malgré un solo de toute beauté qui s’accorde parfaitement bien de cet équilibre entre violence et aisance. Une production claire et pointue fait le reste du job, et ce second album passe la rampe sans avoir besoin d’utiliser le turbo.
LOST PSYCHONAUT s’y connaît en Rock lourd, et en utilise toutes les ficelles. Si les accointances avec Pepper Keenan crèvent les tympans assez rapidement, et parfois sans complexe (« Who I Wanted To Be »), on les excuse avec le sourire, tant les deux groupes acceptent pour l’un l’héritage et pour l’autre l’hommage. Avec quelques petites fioritures, des arrangements réduits à l’essentiel, et le timbre chaud d’un vocaliste qui respire ses vers et ressent ses rimes, Violent Outbursts and False Accusations est un poème écrit sur le coin d’une nappe dans un restoroute quelconque.
De la constance, de l’épaisseur, un peu de vitesse pour décoller à la bonne heure, et une cohésion d’ensemble qui fait vraiment plaisir à entendre. Avec une intensité qui varie d’un morceau à l’autre pour atteindre une apogée sur le diabolique et élastique « On The Vine », pour soudainement laisser la place au calme et l’apaisant instrumental « Under The Cold », LOST PSYCHONAUT multiplie les humeurs, et laisse la sienne débridée et sans filtre. Le professionnalisme, indiscutable, reste l’arme la plus efficace de cet album qui sonne humain, proche, accessible, et plein d’empathie.
Irréprochable de bout en bout, Violent Outbursts and False Accusations se partage entre titres longs et morceaux concis, avant de nous laisser sur un dernier acte de toute beauté. L’originalité d’abord, avec le long et tortueux « Never Outshine The Master », encore plus glaireux qu’un remugle de Kirk Windstein mais à l’émotion ALICE IN CHAINS à fleur de tatouage, et qui résume toutes les options pour un au-revoir aux touristes repartis en fin de saison.
L’appropriation ensuite, via le classique « Albatross » du COC, qui trouve ici une seconde jeunesse sous les mains habiles d’un quatuor respectueux de ses grands frères. Quasiment identique à l’originale, elle n’en est pas moins délicieuse, et totalement dans le contexte. Peut-être aurait-on préféré un titre débordant de sensibilité pour accueillir la nuit, mais cette cover, très directe fait le job, et nous laisse sur une note évidente, mais qui valide les impressions émises en amont.
LOST PSYCHONAUT n’est absolument pas perdu, et continue d’explorer l’histoire de ce Metal de maréchal-ferrant, qui a l’occasion, peut faire tourner son alambic.
Titres de l’album :
01. True Defective
02. Addition By Subtraction
03. Death By Misadventure
04. Never Lost
05. Commonwealth Of Doom
06. Who I Wanted To Be
07. On The Vine
08. Under The Cold
09. Never Outshine The Master
10. Albatross (CORROSION OF CONFORMITY Cover)
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