Faire comme si, c’est bien. Mais le faire vraiment, c’est mieux. Oui, introduction cryptique, j’en conviens, mais face à la déferlante de groupes se revendiquant d’une éthique « old-school », on se retrouve vite à court de bouée sémantique pour garder la tête hors de l’eau.
D’où, quelques formules à l’emporte-pièce pour essayer d’esquiver le débat. Vaste s’il en est, mais légèrement redondant au bout de quelques mois.
Donc, faire vraiment comme si, c’est vraiment bien. Et dans ce registre, un duo sorti de presque nulle part se permet de donner une leçon à quelques grands noms disposant certainement de beaucoup plus de moyens qu’eux.
Nous devons cette découverte aux stakhanovistes de l’underground Morbid Skull Records, qui sortent à peu près tout ce qui passe à leur portée en faisant suffisamment de boucan, mais qui pour le coup ont eu le nez creux. Ils nous ont déniché une petite perle cosmopolite, reliant la Colombie à l’Equateur, et unissant les cultures barbares dans un même élan sauvage de nostalgie des primes années du Speed Black, avant que le genre ne devienne sinon respectable, du moins rentable.
Deux musiciens, ça suffit pour faire un bout de chemin, ce que pensent certainement Melissa Perdomo (vociferation & warhammers, autrement dit, batterie et chant, membre de DESTROYER ATTACK et BESTIAL RAPE, tout un programme) et Muerto (666 strings & fucking bass, c’est suffisamment clair, ex LUCIFERA), qui ont uni leur destin il y a deux ans pour explorer leur passion commune d’un Metal sans concessions, à cheval entre le Thrash bestial, le Speed fatal, et le Black létal.
Après une première démo éponyme, le duo fraichement formé fonce tête baissée dans la composition d’un LP, qu’ils nous proposent donc en ce mois de juin torride, ce qui convient parfaitement à leur musique intrépide.
On y trouve une petite demie heure d’hommage intégral à bon nombre de groupes sud-américains, mais aussi un survol global des prémices de la libération des mœurs Thrash Black, parmi autres références à la culture brutale européenne, et quelques influences avouées ou non.
Lesquelles ?
Au choix, et un simple coup d’œil aux quelques photos promo du duo disséminées sur la toile suffit pour les deviner.
Melissa joue franc jeu avec son sémillant t-shirt HELLHAMMER, tandis que les sites traitant du cas de ce premier longue durée parlent avec pertinence d’INFERNO, DESTRUCTION, AURA NOIR, CELTIC FROST, ROOT, SARCOPHAGUS, SODOM, SLAYER, ou MORBID, soir la crème du dégueulis du Metal extrême vomi par tous les pores. De sérieuses capacités, une fois sans bornes en une musique non édulcorée, et une sauvagerie sans limite qui séduit de son caractère impétueux et de son implication totale.
Bien sûr, le caractère hautement naïf de l’instrumental fera parfois sourire les plus exigeants d’entre vous. Le jeu de batterie de Melissa, très impulsif et épidermique ne cache pas son manque de précision dans les passages les plus violents, mais loin de représenter un handicap, il valide la facette la plus primaire de la musique d’un duo qui va se ressourcer aux origines, à une époque où le niveau instrumental était le cadet des soucis des satanistes en herbe.
Et l’atmosphère très travaillée de ce premier LP est une franche réussite, qu’une intro/outro digne d’une BO de film d’horreur Colombien ou Italien vient rehausser de ses notes discordantes et inquiétantes.
Entre les deux, le délire est complet, et la brutalité de mise. Cette même brutalité qui sauçait épicé les premiers méfaits de SARCOFAGO, SEPULTURA, HELLHAMMER, BULLDOZER, et toute la cohorte de groupes d’Amérique du Sud qui eux aussi voulaient en découdre musicalement. C’est donc un Speed/Thrash à forts relents Black qui vous attend, de ceux qui blasphèment sans discontinuer, et qui conjuguent hédonisme de thème et cacophonie morbide qu’on aime, pour un fracas assourdissant de haine que la voix bien râpeuse de Melissa met en exergue.
Au menu de ce Visiones Coaticas ? Des visions artistiques éminemment chaotiques en effet, et surtout, une grosse pièce bien saignante et tartare de Speed/Black gratiné et bien juteux. Un maximum de riffs basiques et tronçonnés larges, une rythmique qui court et cavale d’un tempo D-beat implacable, pas mal de hurlements, des couplets graves et des refrains qui ne le sont pas moins, pour une symphonie de poche d’un massacre annoncé. En gros, vingt minutes de bourrin qui fonce dans le tas, et qui ne se retourne jamais.
Certes, les morceaux se ressemblent tous, à tel point qu’on a du mal à reconnaître la reprise des TYPHON (« The Age »), que le groupe s’approprie de son ton et de son son.
Un son d’ailleurs très daté et vintage, parfaitement équilibré, qui ne met pas trop la voix en avant, et qui lacère la guitare comme à la bonne époque des premiers méfaits de Cogumelo Records.
Breaks qui tombent pile ou presque, accélérations fatales, défonce radicale, le duo ne s’épargne aucun cliché, mais le fait avec une telle candeur qu’on en ressort enthousiaste et lessivé. On a déjà entendu ça des centaines de fois, mais avouons que les SIERPES font clairement partie du haut du cercueil, même si Max Cavalera et Tom Warrior pourraient revendiquer la paternité d’un bon paquet de leurs riffs.
Des blasts qui tombent plus ou moins pile, et une énergie de tous les diables, tel est le programme de ce premier LP qui fédère dès ses premières secondes.
Muerto et Melissa ont abattu un sacré boulot pour nous replonger dans l’ambiance hérétique de la première moitié des 80’s, et dites-vous qu’en plus ils ont soigné leur produit, disponible dans une version limitée évidemment à 666 exemplaires, et distribuée par Morbid Skull Records.
Mais si vous êtes un die-hard de la cause, rien ne vous empêche d’opter pour la version ultra méga limitée à cinquante exemplaires, signée de leur sang.
On est un vrai, ou on ne l’est pas.
Titres de l'album:
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