On attend aujourd’hui d’un groupe de rétro-Thrash un peu plus qu’un simple hommage au BIG4 ou à la scène allemande. Un peu plus qu’une simple relecture des canons anciens, qui si elle s’avère toujours plaisante à l’oreille, ne stimule plus vraiment les sens autrement qu’en flattant leur mémoire via des références évidentes et incontournables. Non, pour vraiment séduire, il faut aller un peu plus loin se construire un univers personnel, et se monter un décor plus élaboré qu’un cirque de merchandising pour l’esprit.
Les américains de DEGRAVE semblent l’avoir compris. Du moins en partie, puisque leur troisième album s’éloigne des diktats de la scène old-school, qui ne supporte que le réchauffé et le recyclé.
Fondé dans un bus scolaire aux alentours de 2016 par le guitariste Clyde Daniels, et le guitariste/chanteur Dylan Volmert, DEGRAVE est désormais une entité bien établie de Jefferson City, Missouri. Après deux albums d’une trempe remarquable, le quatuor revient sous les feux de l’actualité, alors même qu’on le pensait disparu en mer corps et âme. Depuis cet éponyme en 2018, l’équipage a quelque peu changé, avec l’arrivée à la batterie de Caleb Bethel et d’Isaiah Curtis à la basse, mais le style est resté le même, entre formalisme de violence et agression des sens. Une petite originalité à laquelle le quatuor tient, et qu’on retrouve ici exposée sans ambages, sur des titres dont la durée varie pas mal.
Volume le pousse donc à fond, pour retrouver les sensations de la scène Thrash US des années 90, mais aussi de la mouvance Groove européenne de la même époque. Et l’un dans l’autre, DEGRAVE pourrait se concevoir comme le fruit des amours sincères entre BELIEVER et CHANNEL ZERO.
Tout ceci est évidemment subjectif, mais la voix de Dylan Volmert combinée à cette technique subtile et discrète n’est pas sans évoquer la scène Techno-Thrash chrétienne des DELIVERANCE, tout en restant proche des tentatives les plus fluides du DEATH ANGEL simple et funky.
Difficile à cerner, ce troisième album est la révélation d’un talent qui ne se contente pas de reproduire face à un miroir les gestuelles des institutions 80’s. Tergiversant entre longues évolutions et colères immédiates, le quatuor nous bouscule sans cesse, joue la surprise de plans inattendus, et se repose sur une unité retrouvée qui profite à une basse créative et fluide.
Beaucoup de bon sens, un poil de personnalité, pour un disque qui tourne le dos à la méthode rétrograde. On peut ainsi difficilement résister à une attaque comme celle de « The Banshee », petit précis de Thrash évolutif intelligent et subtil, tout comme on ne peut que s’incliner face à l’imagination débridée de « Volume », title-track d’ouverture qui tire la couverture à lui, pour mieux se réchauffer d’une nuit de créativité.
Les riffs sont sombres, le rythme plutôt stable, mais les titres s’enchaînent comme dans un rêve de bermuda recyclé comme chiffon pour guitare en béton. Si la patte SLAYER laisse parfois des coups de griffe, l’absence de tutelle de METALLICA, TESTAMENT et autre EXODUS libère l’inspiration, et permet à ces musiciens de se promener librement dans les allées du temps.
On prend immédiatement note de cette arrogance tout à fait justifiée, et on encaisse des coups rudes mais bien placés, via un direct dans l’estomac sur « Raised on Hate and Hooch ». Capable de faire simple mais pas simpliste, DEGRAVE passe en revue toutes les possibilités, empruntant parfois à DISCHARGE sa ruade Punk pour mieux décorer un Heavy Metal tranchant, défiant, et assez confiant.
Avec une première partie sous l’égide d’ambitions manifestes, Volume pose ses jalons, pour mieux exploser de hargne sur sa deuxième partie. Trois titres lapidaires et groovy comme une puce sur le manche de Frank Bello, striés de chœurs guerriers et de saccades aiguisées, pour un triptyque magique entre « Overlord », « Transmission Overdrive » et « Badge and Gun ».
Loin de la linéarité prévisible des acteurs les plus conventionnels de la scène old-school, les américains se permettent pas mal de fantaisie, allant même jusqu’à clôturer leur exercice sur des mélodies prononcées et un instinct progressif débridé. En posant un épilogue qui se réconcilie enfin avec les têtes d’affiche traditionnelles, DEGRAVE assume une partie de son héritage direct, sans pour autant renoncer à sa singularité sur le marché.
L’impression laissée est durable, et le plaisir modulable. Des musiciens habiles, des compositeurs solides, DEGRAVE assure donc la vente directe mais aussi le service, la garantie d’un moment plaisant entre deux nouveautés si évidentes qu’on les fredonne avant même de les avoir écoutées.
Et si la longue absence du quatuor avait ouvert la porte aux rumeurs les plus folles, Volume prouve que les doutes éteint injustifiés, et que la bande travaillait dans l’ombre pour opérer son grand retour.
Sophistication et efficacité ont toujours fait bon ménage. Merci de nous prouver qu’un groupe de Thrash contemporain peut aussi travailler son style et ne pas se contenter de sa substance.
Titres de l’album:
01. 13
02. Volume
03. Raised on Hate and Hooch
04. Sanguinated Sacrifice
05. Billy's Way
06. The Banshee
07. Overlord
08. Transmission Overdrive
09. Badge and Gun
10. L'appel du Vide
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