Prenez un artiste, acculez-le, mettez-le dos au mur, et il y a de grandes chances que vous le poussiez à se dépasser, éreinté par les reproches et les attentes parfois un peu trop grandes. Il sortira alors de sa zone de confort, bien déterminé à prouver sa vraie valeur, et réalisera alors le magnum opus de sa carrière. C’est un peu l’histoire de Ken Sorceron que je résume ici, et qui depuis 2004 essaie de persuader le monde du bien-fondé de sa démarche. Il faut dire que l’homme n’a pas tous les torts, mais n’a pas forcément raison non plus. Depuis ses débuts, il a eu droit à a peu près tous les reproches formulables à l’encontre d’un artiste évoluant dans le Black atmosphérique. Ou presque. Des accusations de repompe pure et simple des idées de DIMMU BORGIR jusqu’à son instabilité collective, le poussant à renouveler son cheptel de musiciens à chaque sortie, les pointages de doigt furent fréquents en sa direction, et pas toujours à mauvais escient. Jusque-là, on le sentait capable, capable d’accoucher d’une grande œuvre, susceptible de faire oublier ses approximations et ses facilités, mais il aura fallu plus d’une quinzaine d’années pour que le musicien se décide enfin à mettre tout le monde d’accord à l’occasion de son cinquième LP. L’évolution étant patente, mais les preuves manquaient. De ce simple one-man-band avec claviériste féminine, ABIGAIL WILLIAMS est devenu une entité viable, et The Accuser montrait des signes de désir de perfection. On sentait bien que Ken en avait assez d’être relégué au second plan et sans cesse comparé à d’autres groupes, sans raison vraiment valable, mais avec une certaine condescendance. Alors avec Walk Beyond the Dark, il a pris les devants, remodelé sa technique, reformulé ses idées, et concrétisé une vision : son BM se devait d’être plus mélodique, sans tomber dans les travers pénible du Black larmoyant et funèbre qu’on ne connaît que trop bien. La mission n’était pas simple, mais le résultat sidérant. Et de loin, ce cinquième chapitre de la saga domine de la guitare et la rythmique tous les efforts précédents, sans surjouer, sans en rajouter, mais en tombant pile là où il faut à chaque fois.
Trio, ABIGAIL WILLIAMS est toujours en 2019 le bébé de Sorceron (chant/guitare/composition), entouré d’une section rythmique à l’abattage incroyable. C’est ainsi que Bryan O'Sullivan (basse) et Mike Heller (batterie, FEAR FACTORY) ont permis à leur leader de mettre en relief certains plans plus percutants, d’autres moins brutaux, pour faire de Walk Beyond the Dark une ballade dans les ténèbres aussi violente que romantique. Sans véritablement changer de style, le concept a évolué vers des panoramas plus nuancés, et surtout, atteint un niveau de qualité en termes de composition qui laisse rêveur. Eliminées les scories encombrantes, les astuces faciles, et bonjour l’optique progressive et évolutive qui fait de chaque morceau un trésor d’ingéniosité et de pertinence. Outre les riffs plus actifs et mémorisables, ce cinquième LP peut s’appuyer sur une créativité rythmique diabolique. Mike Heller au kit frappe comme un beau diable, enchaîne les fills, les figures acrobatiques pour remplir l’espace, et catapulter la guitare dans un au-delà aussi inquiétant que magnifique. L’exemple le plus probant en étant le monstrueux « Black Waves », croisement improbable et grandiloquent entre BATHORY et EMPEROR, avec ses strates mélodiques constamment déséquilibrées par une batterie qui n’a de cesse de frapper, de pilonner, de laisser ses fûts se faire martyriser, au point de représenter une dualité intéressante entre une linéarité mélodique constante et une avancée rythmique mouvementée. Avec des chœurs à la OPETH, un hermétisme à la WOLVES IN THE THRONE ROOM, ce titre est certainement l’acmé d’une nouvelle démarche, qui embrasse tous les excès, et qui accepte tous les débordements, pourvu qu’ils servent le propos. On se demande alors si ce Black mélodique ne paie pas son tribut au héros DISSECTION sans oublier la contemporalité des KRALLICE. Produit par Ken lui-même, enregistré par Sorceron, Mike Heller et Shauny Cads, mixé et masterisé par Lasse Lammert, Walk Beyond the Dark a donc bénéficié d’un soin particulier, et d’une attention de tous les instants. Et c’était la seule façon de l’expurger de tout détail inutile pour en faire un monolithe de créativité laissant la concurrence à des années lumières.
Si « I Will Depart », en intro classique, permet d’aborder la montagne par son versant le plus connu, « Sun and Moon », pose les bases d’une ascension moins simple, et lâche les harmonies sur les pics à vifs. On reconnaît évidemment là la patte d’un créateur qui a construit son monde comme il l’entendait, mais la douceur permet aussi de comprendre que l’heure était au glissement. Un glissement vers une musique plus mélodieuse mais pas moins violente ou complexe pour autant, comme s’échine à le prouver le dantesque « Into the Sleep ». Si chez certain cette abondance de cassures et de descentes de toms aurait pu représenter un handicap, chez ABIGAIL WILLIAMS c’est une force qui transforme la musique en tourbillon. On se laisse happer par cette bestialité qui rappelle le meilleur de la scène Black épique des nineties, mais qui accepte son époque et ses contraintes. Avec ce son si ample et digne d’une superproduction, ce cinquième LP ne fait pas profil bas, mais assume sa superbe avec force cordes, riffs circulaires, chant éructé, et breaks bien placés. Modèle d’intelligence, cette œuvre révèle toute la richesse du travail de son auteur qui pour une fois, a vraiment visé le sans-faute pour éviter toute critique. Ken savait qu’il lui fallait se dépasser pour faire taire les esprits chagrins, et malgré la longueur inhabituelle des titres, il n’a pas mis le genou à terre. Osant l’acoustique la plus pure et orchestrale pour introduire une débauche de brutalité (« Born of Nothing »), Ken s’est permis – certainement sans le vouloir – d’illustrer tous les aspects d’un BM moderne, entre primitivisme absolu et évolutionnisme obligatoire. On se retrouve face à la synthèse d’un style (avec peut-être simplement aux abonnés absents le côté avant-gardiste, mais c’est volontaire cette fois-ci) qui loin de se contenter des poncifs et autres figures de style, a accentué les qualités sans gommer les défauts.
Archétype de BM d’aujourd’hui qui ne rechigne pas à se retourner vers hier ? C’est ainsi qu’on peut voir les choses, mais en tant que simple album, Walk Beyond the Dark va marquer l’histoire américaine du cru. Et peu importe que le long final « The Final Failure » ne propose rien de neuf, puisqu’il est la conclusion logique de quarante minutes de progression. Mais entre ces inserts Heavy diablement mémorisables et emphatiques, ces blasts qui déchaînent les éléments, et cette voix qui continue de s’écorcher la gorge jusqu’à l’agonie, le constat est inéluctable, et crève les oreilles. ABIGAIL WILLIAMS est devenu le meilleur dans sa catégorie unique, et ce, même en prenant en compte le chant clair qui ne dénature en rien le propos. C’est parfois ce qui se passe lorsqu’un artiste est acculé, dos au mur. Il faut de la souffrance pour accepter la fierté, et ce cinquième LP en est la meilleure preuve.
Titres de l'album :
01. I Will Depart
02. Sun and Moon
03. Ever So Bold
04. Black Waves
05. Into the Sleep
06. Born of Nothing
07. The Final Failure
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