Finlande, parfum rétro, regards en arrière, technique old-school, du connu, reconnu, mais toujours apprécié, voilà donc comment résumer le premier long des teigneux MORTAR. Avec un pseudo qui ne laisse planer aucun doute, des intentions claires et une musique qui ne l’est pas moins, ce quatuor joue donc la franchise, et nous propose un méchant retour en arrière, lorsque le Death Metal avait encore tout à prouver, mais s’en foutait royalement et préférait foncer droit devant. Fondé en 2017 du côté de Lahti, MORTAR ne cherche donc pas midi à quatorze heures, mais souhaite remettre au goût du jour d’anciennes notions en combinant les inspirations, et n’hésite pas à citer des œuvres comme To Mega Therion, Reign In Blood, Leprosy ou Symphonies of Sickness pour situer sa démarche. Si bien évidemment, ce Walking Corpse Syndrome est encore loin d’atteindre la qualité des pionniers susnommés, on sent l’authenticité, la violence, et la crédibilité est donc le vecteur majeur de ce premier longue-durée à la production qui pue la mort et la cruauté. Animés des meilleures intentions, les finlandais tentent donc de résumer un créneau de cinq ans de brutalité musicale, s’ancrant entre les balises 86/91 du genre, histoire de couvrir la grande histoire de leurs petites histoires. Petites par la taille et la durée, puisque les morceaux ne dépassent que très rarement les quatre minutes (deux fois d’ailleurs), mais conséquentes par la puissance, qui ne se dément pas pendant plus de trente minutes. Death dans le fond, Death/Grind dans la forme, assez proche d’ailleurs de la mouvance nineties, mais avec de sérieuses réminiscences de l’école 80’s via quelques ambiances délétères empruntées à DEATH, notamment lorsque le tempo ralentit.
Et comme tout le monde le sait, l’extrême d’une époque a été influencé par celui d’une autre époque, et c’est donc vers SLAYER, CELTIC FROST que tout le monde se tourne au moment de prôner des valeurs nostalgiques. Mais avec un abattage sérieux, un investissement de tous les instants, et une folie tangible qui émane de leurs morceaux, les MORTAR nous offrent donc une entrée en matière (après un EP éponyme en 2017) très crédible, qui s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la tendance actuelle. Ce qu’on apprécie le plus, outre cette production un peu sèche qui embrasse le passé, ce sont ces soudaines accélérations qu’on adorait déjà sur les deux premiers albums de DEATH, et qui agissent comme de soudains coups de rein qui brisent les cervicales auditives. Les riffs, propres, tronçonnés mais sans abus de HM-2 pour ne pas sonner trop bateau et scandinave, agissent comme les propulseurs qu’ils doivent toujours être, et le chant, classique mais sans exagération fait bien le lien entre la frappe matte et nette (son de batterie estampillé DARKTHRONE sur Soulside Journey ou du DEATH de Leprosy) et les attaques saccadées mais mélodiques de la guitare. Quatre musiciens (Olli Ripatti - chant, Juha Koivistoinen - basse, Taito Soramäki - batterie, et Juha Merilaakso - guitare), qui parfois appuient un peu trop sur la corde sensible de notre amour (« Frozen Casket », titre et atmosphère, riff plaqué d’enfer, caisse claire, tout est frappé du sceau de ce bon vieux Chuck), mais qui le font avec tellement d’honnêteté et de fermeté qu’on se laisse finalement tenter, d’autant plus que leurs titres sont truffés d’idées et de breaks bien amenés.
Et lorsque la machine s’arrête au bout de trente-trois minutes, le fan de Death se trouve fort marri que les finlandais n’aient pas surenchéri. D’autant plus qu’avec une entrée en matière aussi féroce que « Easy Target » (une sorte de démarquage de « Infernal Death », avec quelques inserts Grind du plus bel effet), immédiatement suivi d’un bel hommage à la redondance et au lyrisme morbide de Tom Warrior (« No Glory (The Vilest Group Under the Sun) », dont le riff rappelle de loin « The Heart Beneath » de Vanity/Nemesis), et automatiquement enchaîné au putride et nauséabond « Another Year, Another Scar », plus symptomatique de l’école des Sunlight Studios (avec encore des fulgurances Grind du plus bel effet), il y a en effet de quoi apprécier cette tranche de violence compacte, et regretter le peu de rab’ qu’on était en droit d’attendre. Et sans fausse prétention, mais avec une réelle humilité effective, les quatre musiciens parviennent à faire le lien entre les époques, à combiner la force du Thrash, la bestialité du Death et la folie du Grind, pour nous offrir un joli trip intégral dans les abysses de l’enfer musical, avec un lexique qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts. Inutile donc d’attendre une révolution qui ne viendra pas, puisque tel n’est pas le but, mais avec des plans qui claquent, un chant qui varie et hurle bien, une section rythmique à la cadence analogique délicieuse, Walking Corpse Syndrome a tout du zombi mort plusieurs fois entre la fin des eighties et le début des nineties, mais qui marche à la vitesse d’un ninja fondant sur sa proie.
Pas de remplissage, des clins d’œil poussés aux instigateurs de CELTIC FROST (« Disrupt Lives / Killing Time by Killing People », lent, lourd, avec quelques cuillères à café de Chuck S. pour relever), des mid tempi qui frappent et se retiennent (« Concrete Domain »), et un final orgiaque (« With the Truth to the Grave »), c’est du tout bon et du bien faisandé pour continuer l’été. Qui promet de sentir un peu des jointures au niveau de la Finlande.
Titres de l’album :
1.Easy Target
2.No Glory (The Vilest Group Under the Sun)
3.Another Year, Another Scar
4.Payback
5.Disrupt Lives / Killing Time by Killing People
6.Waste Disposal
7.Circling Down the Drain
8.Concrete Domain
9.Frozen Casket
10.With the Truth to the Grave
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