En allant faire un tour sur le Bandcamp des américains d’INTOXICATED, vous tomberez sur des avis dithyrambiques de musiciens et artistes plus que réputés. Et pour cause, puisque ce groupe semblant sortir de nulle part émerge en fait de la légende de l’underground brutal US. Auteur de quatre EP’s avant de sombrer corps et âme (08, Scars, Drain et Metal Neck, même si The Metal Archives ne recense que le dernier), INTOXICATED est un combo de Floride qui a fricoté avec tout le gratin Metal de son époque, se faisant produire par Chuck Schuldiner lui-même, qui en a profité pour lâcher quelques chœurs et soli sur Drain, se retrouvant sur la bande-son de l’ineffable programme MTV Jackass, sur Fox Sports, avant de tomber en rade d’inspiration et voir deux de ses musiciens partir en tournée avec un trublion adepte des fêtes. Car en effet, Erik Payne (guitare/chant) et Gregg Roberts (basse/chœurs) se sont retrouvés embarqués sur la première tournée mondiale du party-boy Andrew W.K, avec rien de moins que Donald Tardy en guest à la batterie. Voilà un parcours pour le moins étonnant et impressionnant, et il est du coup plus facile de comprendre pourquoi le trio n’a rien enregistré depuis 1997, date de parution de son dernier témoignage musical. Mais après des années passées à suivre les autres, les potes ont fini par se dire que de signer de son propre nom avait aussi des avantages, et c’est ainsi que nous retrouvons en 2020 Erik et Gregg, duo complété par Curtis Burnette à la batterie, pour un retour en fanfare sous la bannière Seeing Red Records. Et s’il y a une chose à retenir de ce comeback et de tous les commentaires élogieux qui constellent le Bandcamp de la tribu, c’est qu’il tombe à point nommé, et pile au centre.
Les INTOXICATED, comme beaucoup d’autres groupes de leur ère sont des musiciens qui n’aiment pas se cloisonner derrière une barrière bien précise. On ne les prend pas comme ça pour du bétail, et leur mélange est toujours aussi hétéroclite, un peu comme si John Tardy se retrouvait derrière le micro d’OPPROBRIUM reprenant du EXODUS, de l’OBITUARY bien sûr, mais aussi du TOXIC WASTE, le tout épicé d’une bonne touche de WEHRMACHT et DEATH. Une fois encore, le trio a opté pour un format court qui leur permet de frapper très fort. Produit de main de maître, masterisé au Smash Studios de Longwood en Floride, Walled n’est rien de moins que l’énorme surprise Death/Thrash du mois, mais une surprise qui n’en est pas vraiment une. Pour qui a eu la chance de connaître le groupe depuis ses débuts ou presque, le niveau de qualité atteint par ces six titres n’a rien de surprenant, et incarne en quelque sorte l’album magique qu’OBITUARY n’a jamais réussi à enregistrer ces dernières années. Un truc capable de rivaliser avec Beyond The Unknown, Leprosy, Cause of Death, Slaughter in the Vatican, sans forcer, mais en lâchant un maximum de riffs killer qui puisent dans le répertoire classique du Thrash et du Death de la fin des années 80. Du lourd qui appuie, du fast qui cavale, du mid qui entraîne, du costaud qui concasse, en gros, la quintessence de la violence sans obsolescence, et qui fait la nique à la vague vintage actuelle sans se reposer sur ses acquis pourtant fameux. L’envie de revenir en découdre sous leur propre nom devait titiller les américains depuis quelques années, car la puissance de feu de cet EP est au moins équivalente aux meilleurs LPs du genre publiés en 2020. Vous pensez que j’exagère, que je m’emporte, que je vais trop loin, que la maison de disques m’a soudoyé avec des goodies gratuits ? Alors envoyez-vous le phénoménal et radical « Smash the Line » et demandez-vous pourquoi POSSESSED et OBITUARY réunis en 1989 sous l’égide d’EXODUS n’ont pas pondu un truc aussi méchant et catchy en même temps.
D’ordinaire, même en cas d’EP, j’ai toujours un petit truc à reprocher, parce que je suis un sale tatillon. Mais là, honnêtement, même après plusieurs écoutes successives, je ne vois que matière à enthousiasme et à euphorie. Le trio a composé de véritables hymnes à la brutalité efficace et intelligente et trouvé le meilleur point de vue central entre Death fatal et Thrash létal. Les riffs sont velus et charnus, le chant grave et impatient, la basse conquérante et pour une fois pas négligée, les breaks sont si énormes que Slowly We Rot pourrit encore plus de ne pas les avoir inclus dans ses sillons, et on a clairement le sentiment d’écouter un classique enregistré entre 1988 et 1990, remasterisé pour l’occasion. Et celle-ci fait le larron, qui moshe en foire comme un ballon, dodelinant méchamment du chef sur l’impérial « Walled », et slammant sur sa grand-mère en essayant d’attraper la queue du mickey (« Grab the Rope », pas d’intro, direct dans les côtes, et ça fait super mal). Un seul principe, jamais plus de quatre minutes, et pourtant les morceaux fourmillent d’idées toutes plus pertinentes les unes que les autres. Gardant son intensité de malade pendant vingt minutes, INTOXICATED prouve qu’avec un peu de lucidité au moment du tri, on peut soigner une œuvre inattaquable, qui donne complètement envie de se replonger dans les années de folie. Même en terrain lourd, le groupe progresse bon train (« Hell's Reward »), et lorsque le tempo accélère comme un bourrin, le spectre d’INCUBUS n’est jamais très loin (« Stuck in Mode »). Et comme si les cinq premiers morceaux n’avaient pas suffi à nous mettre au tapis, les trois ricains terminent par un hymne absolu, nous vociférant un maniaque « Yuck », avec autant de détachement que McClane lâchait un malicieux « Yippee-ki-yay ».
J’ai tout dit, et je m’arrête-là. Dispo pour cinq balles en digital et vingt en vinyle, Walled est une tuerie qui aurait fait tomber les murs de St Quentin.
Titres de l’album:
01. Smash the Line
02. Walled
03. Grab the Rope
04. Hell's Reward
05. Stuck in Mode
06. Yuck
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