Il est évident que sur ce coup-là, je vais vous demander un effort particulier. En vous livrant la chronique d’un album conceptuel de presque deux heures, je ne peux en effet m’appuyer sur des arguments traditionnels pour vous convaincre de l’intérêt d’une œuvre, spécialement dans un créneau aussi complexe que celui du Black Metal atmosphérique. Deux groupes pour un seul but, et pourtant, impossible de vulgariser ce travail en lui accolant l’étiquette insultante de split LP. Certes, les deux groupes présents se partagent la place, mais le thème, le découpage, et l’union finale proposent une piste plus élaborée et moins simple, et évoquent plus volontiers un énorme travail commun qu’une simple juxtaposition de morceaux. La Grèce s’unit donc aux Etats-Unis pour offrir une histoire pas comme les autres, et c’est avec une certaine curiosité doublée d’appréhension que nous affrontons aujourd’hui le massif Wanderers: Astrology of the Nine, énorme pavé de cent-quinze minutes, qui à n’en point douter, fera date dans l’histoire du Black Metal mondial. D’un côté de la balance, SPECTRAL LORE, et sa tête pensante Ayloss, grec à la discographie pléthorique et cohérente. De l’autre côté, MARE COGNITUM, Portland et Jacob Buczarski, seul maître à bord lui aussi. Deux one-man-band uniques dans le contexte actuel, et œuvrant dans l’ombre pour repousser les limites d’un ou plusieurs styles qu’ils respectent et adorent. Mais Wanderers: Astrology of the Nine n’est pas la première collaboration des deux hommes, qui se jaugent et s’apprécient depuis Sol, première étape de leur association, publié en 2013 sur le même label, et accusant déjà plus d’une heure de musique pour seulement trois morceaux. Car les deux créateurs ont ceci en commun qu’ils ne supportent pas les contraintes de temps. Si Sol leur permettait des dérives de plus de vingt minutes chacun de leur côté, et une osmose d’un quart d’heure en final, Wanderers: Astrology of the Nine va encore plus loin, et impose des compositions de plus de dix minutes chacune, et pourtant, à aucun moment, l’ennui ne fait mine de s’imposer aux agapes de la violence.
Le thème de l’œuvre ? Un prolongement du travail entrepris sur Sol, et une visite guidée de la galaxie, avec des planètes décrites selon leurs particularités, transposées dans une mythologie de fables et une personnification assez fascinante dans les faits. C’est ainsi que chaque planète de notre système solaire se voit conférer une identité propre, comme l’indiquent les titres, et chacune de ces personnalités permet aux musiciens de développer des ambiances propres, des textures, des déviances, qui rapprochent ce Black Metal d’un travail énorme ressemblant au nettoyage des écuries d’Augias. Chacun des deux groupes/projets garde donc ses caractéristiques propres, mais met son talent au service d’un travail collectif, qui a cherché l’osmose avant tout. Inutile donc de vous attendre à une simple superposition de titres en solitaire vaguement reliés par un fil rouge, mais bien à un volume cohérent, logique, au développement étrange, mystique et enivrant de beauté. Ayloss et Jacob démontrent donc une fois de plus toute la singularité de leur talent respectif, et naviguent entre toutes les nuances d’un Black qui se veut atmosphérique, mais aussi terriblement concret dans sa brutalité. Difficile toutefois de se plonger dans un album qui tape les deux heures chrono. Et pourtant aucune coupure n’est permise pour apprécier pleinement cette histoire de galaxie peuplée de planètes/entités qui se révèlent sous un autre jour. Et si les deux groupes se rejoignent souvent dans les approches et ambiances, chacun apporte sa pierre au gigantesque édifice qui n’a aucun équivalent sur la scène BM actuelle.
Comme vous l’aurez très bien compris, l’analyse linéaire n’a pas droit de cité dans cette chronique. Aborder chaque morceau en tant que tel serait une insulte au travail des deux compositeurs qui ont fait appel à leurs qualités les plus symptomatiques pour parvenir à une fusion totale. Mais aussi unique soit ce concept, que les fans se rassurent. SPECTRAL LORE est toujours SPECTRAL LORE, et MARE COGNITUM est toujours MARE COGNITUM. La confrontation permanente entre la mélodie la plus éthérée et la brutalité la plus ouverte est bien présente, et permet de passer d’une histoire à l’autre avec une grande fluidité. Ayloss et Jacob déclarent même avoir trouvé leurs muses en ces planètes qui restent encore inconnues pour la plupart d’entre nous, et se sont inspiré de leurs caractéristiques pour proposer une alternative intéressante à la routine BM ambiante. Conscients de la portée de l’enjeu, et des risques pris avec une durée aussi longue, le grec et l’américain ont utilisé les recettes qui ont fait leur réputation, et ont combiné des instants de grâce pure, de contemplation en admiration, n’usant des astuces Ambient que lorsque la situation l’imposait, pour mieux proposer à l’auditeur de véritables chansons progressives, et non de simples accumulations d’images sonores. Le tout est donc d’une richesse incroyable, empruntant parfois les méandres d’un Post Black fertile et enivrant (« Jupiter (The Giant) », à la grandiloquence évoquant avec acuité un possible voyage dans le cosmos), ou au contraire s’enfonçant dans les ténèbres d’un BM lourd et oppressant, à la limite d’un Doom puissant (« Saturn (The Rebel) »). L’exploration est donc pleine de rebondissements, de changements de cap, de soubresauts d’ultraviolence pure, avant un final en communion pour une analyse de Pluton en profondeur par les deux groupes dans un diptyque fabuleux.
« Pluto (The Gatekeeper) » est donc le point final de convergence sur lequel SPECTRAL LORE et MARE COGNITUM se retrouvent, et constitue une masse sonore de plus de vingt minutes en forme d’euphorie conclusive. On se perd d’abord dans les méandres d’un Ambient chaotique et bourdonnant, avant que les deux artistes ne décident de revenir dans le giron d’un BM presque symphonique dans ses proportions, mais terriblement létal dans sa concrétisation. Avec des guitares acides, une rythmique en constant mouvement, des riffs porteurs, des blasts déchirant la stabilité, « Pluto (The Gatekeeper) Part II: The Astral Bridge » reste le point final parfait pour une œuvre décidément hors normes, qui refuse le confort habituel des réalisations trop calibrées. Et beaucoup plus encore une fois qu’un simple split album vulgaire de facilité, Wanderers: Astrology of the Nine est un véritable album écrit à quatre mains, et une date dans l’histoire du Black moderne. Après ça, vous ne penserez plus jamais à notre galaxie de la même façon, car il est des voyages dont on ne revient jamais vraiment.
Titres de l’album :
1.Spectral Lore - Mercury (The Virtuous)
2.Mare Cognitum - Mars (The Warrior)
3.Spectral Lore - Earth (The Mother)
4.Mare Cognitum - Venus (The Priestess)
5.Mare Cognitum - Jupiter (The Giant)
6.Spectral Lore - Saturn (The Rebel)
7.Mare Cognitum - Neptune (The Mystic)
8.Spectral Lore - Uranus (The Fallen)
9.Mare Cognitum & Spectral Lore - Pluto (The Gatekeeper) Part I: Exodus though the Frozen Wastes
10.Mare Cognitum & Spectral Lore - Pluto (The Gatekeeper) Part II: The Astral Bridge
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49