Attention à la méprise évidente à la lecture de l’en-tête de cette chronique. Nous ne parlerons pas ici d’un éventuel nouvel album ou EP des brésiliennes thrasheuses de NERVOSA, mais bien d’un homonyme anglais ne gravitant pas du tout dans la même sphère musicale. Il n’est question avec ce NERVOSA ci que de Rock mélodique et progressif, bien loin des turpitudes agitées des damnées brésiliennes. Mais le cas de ce groupe n’en est pas moins intéressant pour autant, bien au contraire, d’autant plus qu’il n’a pas suivi une trajectoire rectiligne, loin s’en faut. Fondé en 2006 du côté de Cornwall, NERVOSA a entamé sa carrière en tant que projet électronique, avant de dévier vers un Rock progressif prenant en compte une multitude d’influences, au point de représenter aujourd’hui une véritable force vive de la scène européenne et même internationale. Après deux EP’s au rayonnement intimiste, un petit live et des sessions captées, le groupe se lance donc enfin dans le grand bain et nous propose un premier LP au timing modeste et qui s’avère pourtant d’une richesse incroyable. Admettant des références sérieuses et variées dans le domaine ou à l’extérieur (PORCUPINE TREE, THE PINEAPPLE THIEF, PINK FLOYD, RADIOHEAD, MASSIVE ATTACK, MUSE, JEFF BUCKLEY, THE WHO, THE DOORS, MR BUNGLE), le quintet de Cornwall souhaite donc garder un lien avec ses racines premières, tout en évitant les parallèles trop encombrants avec les idoles les plus révérées de leur créneau. Et en un seul morceau d’une diversité incroyable, les anglais parviennent à nous convaincre de leur ouverture d’esprit, de leur talent et de leurs qualités individuelles, le tout en à peine sept minutes. Et ce tour de force ne semble même pas en être un pour eux, puisque les harmonies semblent émaner de leurs instruments avec un naturel désarmant.
Laissez-moi donc vous présenter Jon Winter (guitare/chant), Andy Cunningham (guitare), Ant Barrett (batterie), Matthew Duggan (basse) et Bethany Wade (claviers/saxo et chœurs), qui avec Wasteland nous offrent tout le contraire d’un paysage désolé. Les chansons du groupe sont d’une luminosité incroyable, évoquent évidemment le FLOYD de la période Gilmour (et même celui de Waters via des citations à Wish you Were Here), le YES le plus apaisé, mais sont aussi capables d’intégrer des éléments totalement externes, comme ces pointes rythmiques Pop héritées des SMITH sur « Chevron ». Beau crossover donc pour un ensemble qui refuse de se cloisonner dans un genre particulier, et qui n’a retenu du Progressif que ses possibilités évolutives, et non ses contraintes les plus classiques. On pense aussi bien sûr à notre cher Steven Wilson, à RUSH, mais les NERVOSA sont trop intelligents pour sombrer dans la paraphrase trop fidèle, et laissent parler leurs propres sources pour construire des morceaux qui laissent les harmonies respirer, à l’image du sublime diptyque « The Wastelands ». Clavier percussif et nuancé, basse ronde en circonvolutions, chant tout sauf démonstratif rappelant Morrissey et Neal Morse, guitare qui sait se mettre en retrait pour mieux avancer lors de soli bien placés, et ensemble d’une homogénéité incroyable et d’une beauté formelle assez remarquable. Le travail de Bethany Wade aux claviers est donc à souligner, elle qui lâche ses volutes avec une incroyable grâce, laissant quand il le faut la place à la puissance des guitares pour que le Rock se fasse une bonne place dans le tableau.
Six titres seulement, mais largement de quoi se faire une opinion plus que positive sur ce Wasteland qui est une véritable bouffée d’air frais dans la production actuelle. En dosant avec méticulosité les ingrédients Pop, Rock, Classique et Progressif, les anglais parviennent à un équilibre qu’on trouve chez les meilleurs épisodes de la saga PORCUPINE TREE (« Prelude »), et autant dire que le quintet a bien fait de glisser de l’électronique au Rock plus avoué. La voix de Jon Winter, loin de tomber dans la démonstration stérile et les arias insupportables fait preuve d’humilité et d’humanisme, même si le vocaliste est capable de monter la note en falsetto pour s’offrir quelques instants d’émotion. Si chacun est parfaitement à sa place dans son propre rôle, je dois concéder avoir été conquis par cette section rythmique polyvalente et élastique, créative quand il le faut et solide en permanence, qui n’hésite pas à jouer avec la polyrythmie sur ce fameux « Prelude », pour le transformer en fausse valse Post-Rock. Capable d’évoquer MUSE, TENGIL, les DEFTONES, SPOCK’S BEARD, mais aussi IQ, GENESIS, ou le FLOYD, NERVOSA a l’audace d’imprimer à chaque chanson une empreinte différente, et c’est ainsi que malgré le peu de morceaux proposés, l’album à des allures de long voyage dans les couloirs du temps et des styles. On adore évidemment ces plages cristallines et pures comme celle qui introduit « Countrycore », chanté par Bethany Wade qui se pose décidément en pivot du groupe. Mais c’est évidemment la grosse pièce « Circle Of Friends » qui est au centre de toutes les attentions avec ses huit minutes de clôture, et autant dire que le groupe n’a pas manqué sa sortie.
Je tiens toutefois à préciser si c’est encore utile que nous parlons là de Rock progressif, et non de Metal. Il est donc inutile que les fans de DREAM THEATER, PERIPHERY ou autres démonstrateurs se jettent sur cette sortie, à moins d’être ouverts d’esprit. Ici, ce sont les mélodies et les structures mouvantes qui priment, et non les flatteries d’ego bon marché, et entre des parties de guitare d’une précision incroyable en son clair, et des nappes vocales éthérées et d’un calme olympien, l’ambiance n’est pas à la puissance, mais bien à la quiétude. Mais en tout cas, et pour un premier LP après quinze ans de carrière ou presque, NERVOSA nous offre un petit chef d’œuvre de délicatesse qui n’a en effet aucun lien avec le Thrash, mais qui est bien plus gratifiant qu’une énième démonstration de brio.
Titres de l’album:
01. Chevron
02. The Wastelands Part 1
03. The Wastelands Part 2
04. Prelude
05. Countrycore
06. Circle Of Friends
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