Marrant ça. Tous les jours, devisant avec ma génitrice d’un avenir plus que sombre pour l’humanité, je ponctue mes interventions d’un « de toutes façons on va tous crever un jour ». Et voilà que mon cher ami Jon Asher, agent de son état m’envoie un lien pour écouter le dernier EP des canadiens de BONE TOWER… We All Will Die One Day. Je ne sais pas si ce cher Jon est au courant des conversations mère/fils que je peux avoir dans la semaine, s’il travaille pour une agence de renseignements et non de promotion, ou si la coïncidence est simplement cocasse, mais je le remercie de ce mail, qui m’a permis de m’éclater les oreilles et de vérifier ma théorie en moins de dix minutes : en effet, nous allons tous crever, mais que ce soit aussi rapide et puissant que cette bombe Grind.
Jonas DeViller (chant/électronique/textes), Sean Carroll (guitare/basse), et Michael Bowers (guitare/basse/chant) ont donc uni leurs forces en 2021 pour proposer un exutoire à la rage accumulée depuis plus d’une année et cette épidémie de COVID qui nous a confinés chez nous et voir le monde et son avenir autrement. Composé et enregistré très rapidement, en moins de deux semaines, cet EP fait la part belle à une nouvelle vision du Grind, moins viscérale et analogique et plus électronique et puissante, et à l’instar de la collaboration entre FULL OF HELL et MERZBOW, BONE TOWER combine les horreurs du Harsh et du Power Electronics au Grind le plus épais et sombre pour accoucher d’une litanie de violence assez difficilement soutenable pour les néophytes.
Moins de dix minutes donc, mais aussi puissant qu’une décharge électrique en triphasé directement dans les parties. Le propos thématique est simple, et calé sur une musique frondeuse et éminemment violente. Dénoncer la dérive mondiale, le comportement des gouvernements qui prétendent être de notre côté mais cachent la vérité, des complotistes et autres extrémistes aux abois, un chômage galopant, pour des perspectives se réduisant comme peau de chagrin. La saine colère est donc justifiée, et formalisée autour d’un Grind moderne tirant parfois sur la densité et la complexité du Mathcore, sans en avoir l’élitisme rythmique Jazz.
Un son gigantesque, un chant décomplexé mais compréhensible, des effets électroniques insistants, tel est le marasme dans lequel nous plongent les trois musiciens. Et en subissant « Mangled Wounds » en pleine face, on comprend immédiatement que ce ressentiment n’est pas qu’un gimmick et loin de là. La colère du trio est papable, et sa musique si solide qu’on en regrette le caractère trop bref. On imagine sans peine le carnage que le groupe produira en longue-durée, et on a hâte d’en découvrir les dégâts, nous rappelant des débuts de FULL OF HELL et toutes les promesses tenues depuis.
Et si « Under A Veil » ridiculise toute la concurrence en floutant la frontière entre Grind, Mathcore et Hardcore, si « Empty Cave » transforme n’importe quel cri des NAILS en réunion Tupperware organisée chez Chantal F., secrétaire de mairie, et si « We All Will Die One Day » accélère la décadence au point de provoquer une fin du monde anticipée, l’ensemble de l’œuvre des canadiens est aussi intense qu’elle n’est courte, et cette concision produit un effet bœuf sur l’organisme.
Je n’envisage toutefois pas d’envoyer un mp3 à ma mère pour qu’elle constate que j’ai raison de mon pessimisme aigu, mais elle pourrait, fut-un temps, avoir adopté le point de vue développé par BONE TOWER. Dommage qu’elle préfère faire des crêpes que ruiner un kit de ses blasts enragés.
Titres de l’album:
01. Dislodging Splinters
02. Am I Conscious
03. Mangled Wounds
04. Cower Away
05. Under A Veil
06. Empty Cave
07. The Sun
08. We All Will Die One Day
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