Je pense que beaucoup de gens s’attendent à de la musique country.
On a beau l’avoir souvent vu en noir, fardé de maquillage et de platform boots new-rock, on imagine assez mal le Thin White Dude se prendre pour Johnny Cash et aller buter quelqu’un du côté de Reno. Pourtant, quand Brian a évoqué cette collaboration avec Shooter Jennings, beaucoup de fans se sont posé la question. Leur idole de toujours allait-elle les trahir et se ranger du côté des outlaws à guitare acoustique et refrains concentrés sur la vie dans le sud des Etats-Unis ? J’avais beau essayer de formaliser toutes mes idées pour concrétiser une vision éventuelle, je ne parvenais pas à matérialiser cette possibilité. Et même si des guitares acoustiques sont bien présentes sur ce onzième LP de la créature, il n’est nullement question ici d’exploration du patrimoine classique américain, mis bien une plongée dans l’univers du MANSON de tradition, celui que nous connaissons depuis son premier véritable album concept, considéré aujourd’hui comme l’un de ses grands achèvements, Antichrist Superstar. Et le parallèle n’est pas anodin puisque justement, We Are Chaos a lui aussi été construit comme une histoire en trois chapitres, à suivre comme un conte horrifique ou une bio légèrement trafiquée pour mettre en avant son héros principal, MARILYN. Brian n’est d’ailleurs pas avare de confessions sur la toile ou dans les magazines, et aime parler de sa nouvelle œuvre, comme s’il s’agissait d’une des plus personnelles. Nous qui en étions resté il y a trois ans sur le plutôt bon mais assez facile Heaven Upside Down, qui multipliait les provocations des jours banals (« We Know Where You Fuckin’ Live », « Say10 »), en sommes pour nos frais en imaginant une suite logique, tout en sachant que MANSON va justement à l’encontre de toutes les prédictions. Dont acte avec ce We Are Chaos qui n’a rien d’un chaos musical, mais bien d’un album pensé et écrit jusqu’à la moindre note et au moindre mot, et qui pourrait finalement, d’une façon assez roublarde tutoyer le meilleur du chanteur blafard.
« Quand j’écoute We Are Chaos désormais, j’ai l’impression d’être resté vrai, ou comme si mon histoire était une boucle répétitive sans fin, comme cela l‘a toujours été. L’enregistrement des morceaux et de ces histoires me donne l’impression d’avoir tout écrit aujourd’hui »
Même si l’artiste connaît son monde depuis longtemps, et mieux que quiconque, il ne fallait pas attendre d’une collaboration avec Shooter Jennings qu’un simple gimmick pour alimenter les fantasmes et autres colonnes de magazine. Shooter a laissé son empreinte sur ce disque comme une griffe sur un contrat, et domine certaines chansons de son esprit libre et plus ouvert qu’il n’y paraît. Dans le fond, rien ne distingue vraiment We Are Chaos d’un autre album plus ou moins inhabituel de MARILYN MANSON. Les guitares sont là, évidemment grasses et épaisses, mais plus en arrière-plan qu’il y a trois ans. Les mélodies reviennent à ce que le prêtre d’infortune prêchait sur des disques comme Mechanical Animals, sans le côté glitter à la Ziggy Stardust. Pourtant, Bowie fait toujours partie des influences, mais celui de Diamond Dogs cette fois-ci. Et cette référence permet à l’américain de nous livrer des titres vraiment exceptionnels, à la lisière d’une comédie musicale de Broadway, ou d’un album de Bowie composé en compagnie de Neil Young. On aime « Paint You With My Love », parce qu’elle est fragile et sensible, et si MANSON a produit lui-même l’album main dans la main avec Shooter, il a trouvé le son parfait pour mettre en valeur ce nouveau répertoire, moins immédiat en live, mais depuis la tournée avortée avec Ozzy, rien n’est plus sûr en termes de prestation en public. Alors pensons studio, et jugeons l’album sur bandes, et non sur pièce. En lâchant « We Are Chaos » comme premier single, le chanteur a vu juste, et n’a pas caressé les fans dans le sens du poil. Avec son intro amère et son acoustique relevée de ce chant si particulier, l’artiste a voulu se construire un décor, comme une porte de sortie pour éviter toutes les critiques infondées. Et finalement, de fil en aiguille sur le vinyle, on comprend que ce chaos annoncé n’en est pas vraiment un, mais qu’il montre le visage d’un homme qui n’a de cesse de se renouveler, ce qui n’est pas à prendre à la légère après tant d’années de carrière.
« Je pense que c’est à l’auditeur de faire son choix en déconstruisant l’album et en allant chercher le sens de la signification des morceaux. Des échardes fantomatiques ont hanté mes mains pendant la majorité du temps d’écriture des paroles de cet album »
L’album est court, spécialement selon des critères modernes qui imposent souvent l’heure de jeu, mais il est redoutablement bien équilibré. Les chansons en sont vraiment, et plus de simples prétextes à des slogans faciles, et le chanteur pale parvient même parfois à retrouver l’essence même de sa noirceur interne en allant combiner les SISTERS OF MERCY et sa propre œuvre. Ainsi, le très mélancolique « Half-Way & One Step Forward » propose un piano lourd de sens et un phrasé vocal se retournant vers un passé glorieux quelques secondes, avant de regarder loin vers le futur. Il est évident que si Heaven Upside Down avait rassuré les die-hard en proposant la musique la plus logique qui soit, We Are Chaos risque de surprendre même les détracteurs les plus acharnés qui y verront une somme de travail conséquente, et un partenariat valide. Les arrangements sont sobres, les effets chocs presque totalement absents, et les titres les plus agressifs sont souvent cachés sous une épaisse couche de silence en chaux vive sur la tombe de la facilité. On retrouve évidemment les grosses guitares qui saignent sur « Infinite Darkness », mais elles n’ont plus ce côté gratuit du riff qui tue mais sans savoir pourquoi. Sur ce LP, elles glissent, elles blessent, elles caressent dans le mauvais sens du poil, elles temporisent, mais ne s’agacent plus dans le vide. Toujours aussi fasciné par le Glam des années 70, Bolan, SWEET et Bowie évidemment, MANSON ne peut pas s’empêcher de nous refiler un groove plein de stupre macabre sur « Perfume », mais le parfum qui s’en dégage est enivrant et pas écœurant de fragrances trop poussées et copiées. L’animateur de nos cauchemars s’amuse même à replonger dans son histoire la plus ancienne en nous refourguant un proto leftover de Portrait of an American Family via « Keep My Head Together », créature de son propre Frankenstein qui est devenu depuis longtemps esclave de sa création.
« Le processus créatif était très détendu. Je jouais de la guitare sur certains trucs, et puis je lui faisais jouer les mêmes choses en mieux si nécessaire. Parfois, il aimait ce que je faisais. Nous avons constaté que les incohérences, les défauts et mon approche enfantine pour certaines choses fonctionnaient bien pour quelques passages. Pour faire court, cet album a été très agréable à faire. »
Et cette assertion se sent à l’écoute de cet album, qui est évidemment très puéril parfois, dans le sens le plus littéral du terme. MANSON a pris beaucoup de plaisir à le faire, et pas un seul chapitre n’est dispensable ou uniquement là par remplissage. On y trouve même des allusions à Gainsbourg et Vannier sur la mélodie de « Solve Coagula » qui fantasme sur Melody Nelson, mais surtout, et presque paradoxalement, un MANSON plus adulte, conscient de ses moyens et de son talent. Et même si le final « Broken Needle » ressemble comme deux gouttes d’eau au classique insurpassable « Coma White », il faut y voir un point de jonction, comme une boucle enfin bouclée. Un écho qui renvoie au passé comme il projette vers l’avenir. Mais plus prosaïquement, une réussite totale, que les années confieront au statut d’œuvre majeure du parcours de l’artiste, et en tout cas son disque le plus personnel et intéressant depuis…trop longtemps.
Titres de l’album:
01. Red Black And Blue
02. We Are Chaos
03. Don’t Chase The Dead
04. Paint You With My Love
05. Half-Way & One Step Forward
06. Infinite Darkness
07. Perfume
08. Keep My Head Together
09. Solve Coagula
10. Broken Needle
Jean Jacques Goldman devrait l'attaquer. "We are chaos" est une pâle copie de "puisque tu pars".
Ouais c'est vrai !
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