Le Hard-Rock est rempli de clichés, c’est de notoriété publique. Entre les grimaces, les clous, les vestes à patches, l’amour de la bière, les grandes manifestations en forme de messe de masse, la provocation gratuite, l’inclinaison pour les thèmes les plus bas du front (sexe, drogue, alcool, violence), il y a de quoi accepter la moquerie de l’extérieur, et personne n’est dupe. Comme un superhéros décomplexé, le Metal porte un costume qui ne cache en rien sa véritable identité d’exutoire, et de plaisir même plus coupable depuis le temps. Alors, les clichés, je les accepte, à une unique condition. Que la musique suive, et qu’on ne se foute pas de nous en nous refourguant des riffs faisandés sur fond d’apocalypse en plastique. Dans les années 80, le travers le plus commun était de s’occuper d’abord de son look et de son image avant d’apprendre à composer. Je ne recenserai pas ici les albums d’un ridicule achevé qui finissaient sur le marché par le truchement d’une astuce de connivence ou d’un attirail de quincaillerie lourd comme une vanne de MANOWAR. Et l’avantage de toute cette vague nostalgique qui s’obstine à faire revivre la magie d’origine est d’avoir compris les travers de ses aînés. De fait, les albums se revendiquant d’une filiation eighties sont aujourd’hui de solides travaux, et pas simplement des excuses pour parader avec un t-shirt de RAVEN. Qu’on aime ou qu’on déteste cette appropriation, elle a souvent le mérite de remettre sous la lumière des groupes sous-estimés, et de nous faire ressentir à nouveau des sensations virginales, celles-là mêmes qu’on avait ressenties en posant les vinyles de SAXON, de MAIDEN, de METALLICA ou de DIO sur nos platines. Alors, les espagnols de STREET LETHAL sont des héros quelque part, des héros faisant partie d’un dessein plus grand que leurs propres objectifs, celui de réhabiliter l’essence par l’épuration des scories. Et leur premier longue-durée s’inscrit dans ce sens.
Formé en 2014 à Barcelone, STREET LETHAL est plus qu’un groupe, c’est une accumulation de clins d’œil. Outre leur patronyme se référant directement à un LP mythique de RACER X, leurs pseudos rigolos qui se souviennent de la fausse fratrie RAMONES (Hell Rose Lethal - chant, Criss Lethal & Dann Lethal - guitares, Guilty Lethal - basse et Killer Lethal - batterie), la pochette de leur LP qui sent bon le dessin animé Metal des années 80, les ibères disposent d’un autre atout qui leur permet de se démarquer de la masse : leur passion. On sent à l’écoute de leurs morceaux qu’ils ne font pas semblant d’aimer le passé, et qu’ils le respectent au point de peaufiner des compositions qui auraient fait la nique aux cadors il y a plus de trente ans. Fleurant bon la NWOBHM, mais aussi le Hard Rock californien et le Metal germain, Welcome to the Row est un sacré hommage qui devrait brosser dans le sens du poil les fans d’ENFORCER ou STRIKER. On y retrouve en effet tout ce qui a rendu la vague old-school si attachante, ces riffs d’acier joués comme à la parade JUDAS PRIEST, ce mélange des genres qui accepte de marier le Hard Rock le plus formel et radiophonique au Speed le plus dru, et cet investissement qui transpire de chaque partie rythmique et solo. Déjà auteurs d’une poignée de EP’s (Chainbreaker en 2015 et Look Out! & Stay In The Streets l’année suivante), mais aussi d’un live, truffé de reprises (Live From the Street avec des covers de RUNNING WILD, HOLOCAUST, MOTORHEAD, BLACK SABBATH), les STREET LETHAL osent enfin jouer la durée tout en ayant l’intelligence de ne pas dépasser la demi-heure. Le format est donc parfait, tout comme les six compositions qui trônent entre Heavy vraiment abordable et Speed adorable. Et oui, c’est un compliment.
De prime abord, il n’y a pas grand-chose à dire sur un album dont tous les thèmes existent et sont traités depuis 1983/1984. On y trouve de tout, de l’hymne Hard-Rock léger et mid tempo (« Roll Racing ») payant son tribut à la nouvelle vague anglaise de l’orée des années 80, à la démonstration Heavy bien saignante que RUNNING WILD et autres ACCEPT n’auraient pas reniée (« Welcome to the Row », et MAIDEN non plus d’ailleurs), en passant par le cassage de reins en bonne et due forme sur fond de tempo épileptique à la RACER X justement (« Tyrants »), soit un survol quasi exhaustif d’une décennie qui a presque tout découvert et réinventé. Le challenge aurait pu s’arrêter là, mais les barcelonais ont voulu pousser les choses plus loin. Nous offrir une interprétation personnelle quasi parfaite, carrée mais libre, affranchie mais pas consciente, un éventail de possibilités, une carte de visite qu’on garde précieusement dans sa poche. Une preuve que la Suède n’est pas seule au sommet de la montagne sacrée du revival, et surtout, un putain de bon LP qui n’évite ni l’émotion, ni la violence béton. Ainsi, « Rulers of the Underworld » fait montre de qualités évolutives, sinon progressives, et laisse les arpèges le disputer à la puissance, rappelant les SAVATAGE, mais aussi DIO et tous les pourfendeurs de Metal tiède passionnés de lyrisme. Certes, on pourra avoir du mal avec le timbre de voix de Hell Rose Lethal, assez nasillard et pas toujours très juste, un peu emphatique sur les moments les plus nuancés, mais au vibrato investi et à la rage patente. La rythmique, stable, supporte des riffs convenus, mais toujours tranchants, et dans tous les secteurs de jeu, le quintet est crédible. Mention spéciale aux passages les plus velus, sur lesquels les musiciens se lâchent avec bonheur, en témoigne ce final échevelé « Into Your Mind » qui rappelle le meilleur SATAN, mais aussi les RUNNING WILD et toute cette vague de combos qui hésitaient encore à choisir leur camp. Celui des STREET LETHAL est le bon, et leurs morceaux exhalent d’un parfum complètement nostalgique, mais pas forcément trop passéiste.
Le tout sonne donc frais et dispo, vintage à fond, mais avec cette conscience des impératifs actuels qui ne supportent déjà plus les usurpateurs et autres voleurs d’identité. Un bon flashback à moindre frais, le tout distribué par Fighter Records, filiale d’Xtreem Music. Une caution nationale donc pour un album dont on savoure la moindre seconde, et une manière de transcender les clichés pour en faire des poses héroïques.
Titres de l’album :
01. Welcome to the Row
02. Roll Racing
03. Searching the Wild
04. Rulers of the Underworld
05. Tyrants
06. Into Your Mind
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49