L’espace et son infinité offrent toujours aux groupes une thématique suffisamment vaste, en cas d’assèchement d’inspiration terrestre. Après tout, la galaxie reste un sujet aussi fascinant que les sempiternelles histoires de guerre de Dieux antiques, de traumas sociaux concrets et autres obsessions sataniques bon marché. C’est en tout cas ce qu’ont dû se dire les allemands de VYRE, qui ont refusé les problématiques trop terre à terre pour se focaliser sur un univers beaucoup plus grand que ce que l’œil humain ne peut percevoir. Fondé en 2011 du côté de Bielefeld, VYRE est un collectif aux imbrications multiples, qui peut se reposer sur un line-up complet pour proposer une musique tenant tout autant du Heavy Metal que du BM, du Post BM, du Progressif, le tout joué avec une pointe d’accointance avant-gardiste qui n’en fait jamais trop niveau abstraction. Articulé autour d’un gros noyau de participants (KG Cypher - chant, Hedrykk & Zyan - guitares six-cordes, Priebot - guitare sept-cordes, Android - batterie, Doc - synthé, Nostarion - violoncelle, Akku Volta - violon et Nik Romancer - basse), lui conférant des airs d’orchestre symphonique de l’extrême, VYRE est le type même de collectif qui refuse toute labellisation et toute barrière, et qui s’évertue à expérimenter, à triturer les sons tout en gardant une solide assise musicale et rythmique, histoire de ne pas se perdre aux confins d’un monde de tergiversations stériles. Déjà responsables de deux longue-durée réunis en un seul en forme de compilation (The Initial Frontier Pt. 1 en 2013 et The Initial Frontier Pt. 2 en 2014, fondus en un seul The Initial Frontier la même année), ces instrumentistes assez culottés se sont petit à petit éloignés de leurs racines, pour développer de jolis arguments mélodiques et contemplatifs, rentrant en pleine corrélation avec leur brutalité initiale.
Peut-on encore parler de BM à leur sujet ? La question n’est pas vraiment d’importance, pas plus d’ailleurs que dans le cas de la majorité des groupes s’en servant de base et non comme une fin en soi. Car la musique des VYRE, très construite et très mélodique s’apparente plus à un Metal extrême progressif, usant de vocaux emprunts d’une certaine rudesse Black, sans pour autant faire preuve de complaisance dans la brutalité. D’ailleurs, la plupart des titres présents sur ce troisième LP se montrent plus volontiers évolutifs que définitifs, et sonnent parfois comme une rencontre improbable entre SHINING, ARCTURUS, OPETH, SAMAEL et d’autres influences pas forcément avouées. Mais nul n’est besoin de recenser des parrainages éventuels pour en apprécier les sinuosités, puisque les allemands ont formidablement bien structuré leur pensée pour nous faire dériver au gré d’un Space Metal fort peu complaisant, mais souvent convaincant. Sans savoir si ce LP est à proprement parler un concept-album ou un simple voyage interstellaire, n’ayant aucune information précise à ce sujet, il peut se concevoir comme un trip intégral dans l’espace cérébral de ses concepteurs, qui n’ont pas hésité à enrichir leur vocabulaire musical pour faire évoluer leur style. Et entre des attaques fondamentalement violentes et des passages plus ciselés évoquant avec merveille les débuts du Heavy ambitieux des 90’s, Weltformel est aussi perfectible qu’il n’est humain, et parvient dans ses instants de grâce et d’ambition à nous entraîner dans un monde multicolore. Ce qui n’est guère surprenant de la part d’un groupe capable de laisser une intro de cinq minutes planter le décor (« Alles Auf Ende »), avant de s’impliquer directement via une entrée en matière aussi percutante qu’intrigante (« Shadow Biosphere », un intitulé à la MESHUGGAH pour un Metal lourd et emphatique).
Alors, qu’attendre formellement d’un album qui prend un malin plaisir à jouer l’art du contrepied tout autant que de la logique de composition ? Tout justement, et pas forcément le plus complexe ou le plus abstrait. Car ici, tout semble couler de source, même si l’évidence la plus flagrante est toujours évitée avec soin. Mais une simple oreille tendue sur l’hypnotique « A Life Decoded » suffit à comprendre que les allemands n’ont cure d’un ancrage particulier, et qu’ils affectionnent tout autant le Metal extrême que les harmonies les plus paisibles. Sorte de point de jonction entre un EMPEROR beaucoup plus mélodique que symphonique et un RUSH apaisé et épuré de sa technique la plus affûtée, ce titre est un tour de force à lui seul, et ne représente pourtant qu’une des parties d’une somme de travail assez gigantesque. Car chaque chapitre cache en ses sillons suffisamment d’idées pour justifier de sa durée, tâtant parfois d’une approche synthétique moderne pour mieux dériver le long d’un Metal presque psychédélique et sacré à la fois. Ainsi, « Tardigrade » se laisse porter par un riff majestueux et ample pour mieux le faire plier d’arrangements évanescents, et sans dévier de sa route, cherche des possibilités de digression pour ne pas sombrer dans le monolithisme le plus écrasant. Cassures soudaines mais pas forcément impromptues, moule qui fond pour épouser une forme en prolongement, breaks au clavier qui choquent, pour une symphonie de liberté artistique emprunte de cohérence et de rébellion. On pourrait d’ailleurs établir le même constat à propos de l’épilogue « Away Team Alpha », et ses presque dix minutes de Metal en fusion, qui pioche un peu partout de quoi traverser l’atmosphère pour rejoindre son véritable espace vital. Et entre une grandiloquence de ton générique, une emphase permanente et noble, et un amour du détail poussé à l’extrême, Weltformel se montre aussi pluriforme qu’une vie extraterrestre, et nous oblige à abandonner nos repères pour envisager un ailleurs.
Certes, et pour rester honnête puisque le groupe le mérite, tout n’est pas parfait. Certaines idées auraient gagné à se voir plus concentrées, certains morceaux un peu raccourcis, et les arrangements de cordes et de synthé ne sonnent pas toujours très bien. Mais malgré ces petits défauts qui sont plus anecdotiques que majeurs, ce troisième album des allemands est une vraie réussite, et un sacré pari remporté haut la main. D’autant plus qu’on sent leur marge de progression encore énorme, et leur direction future plus qu’hypothétique (le sublime et synthétique instrumental « The Hitch (We Are Not Small) » peut nous aiguiller sur n’importe quelle piste à l’avenir). Laissons donc aux VYRE le temps d’apprécier le fruit de leur travail, mais gardons-les à l’œil. Ils pourraient bien devenir très bientôt des références de la trempe d’OXYPLEGATZ ou de l’envergure de leurs propres influences (ULVER, ARCTURUS, DODHEIMSGARD et MANES).
Titres de l'album:
1.Alles Auf Ende
2.Shadow Biosphere
3.A Life Decoded
4.Tardigrade Empire
5.The Hitch (We Are Not Small)
6.We are the Endless Black
7.Away Team Alpha
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11