What Will Be Lost

Throwing Bricks

15/05/2020

Tartarus Records

Formé en 2011, le collectif hollandais de THROWING BRICKS explique sa diversité en des mots choisis :

« Nous avons vieilli, nous avons commencé à nous intéresser à des genres différents, et à jouer des chansons plus lentes avec beaucoup plus de punch. Nous n’avions pas l’intention de faire évoluer notre son de cette façon, mais il a changé en adéquation avec nos goûts musicaux qui s’élargissaient »

Il s’est écoulé du temps entre la formation du groupe et la sortie de ce premier LP sur le label national Tartarus Records. Neuf années consacrées au modelage d’une approche, à la sculpture d’une philosophie qui trouve aujourd’hui son apogée dans ces huit titres versatiles, mais qui partagent un point commun : leur noirceur. Pourtant, la maison de disques nous avertit, tout n’est pas question ici de violence et de fureur, mais aussi de ressenti et d’émotion. Et aussi brutale et sans concessions soit la musique présentée sur What Will Be Lost, on ne peut le nier : le tout est terriblement humain dans sa déconstruction. Avec un tel nom et un intitulé d’album aussi clair, il était évident que nous espérions quelque chose de viscéralement violent, de désespérément nihiliste. C’est évidemment le cas, mais il reste des traces d’humanité en filigrane, un peu comme si la douleur s’était cristallisée sur un espoir infime, presque grotesque dans son optimisme déplacé. Ainsi, le quintet d’Utrecht se présente comme une convergence des voies, un croisement des chemins. Aussi BM qu’il n’est Hardcore, aussi Sludge qu’il n’est Post, THROWING BRICKS est symptomatique de cette approche moderne de la musique qui consiste à faire tomber les barrières pour ne pas se retrouver bloqué derrière elles. Ainsi, Jesse Stey (guitare), Jordi van Putten (basse), Bart van der Blom (batterie), Marius Prins (guitare/chœurs) et Niels Koster (chant), évoluent au gré de leur inspiration pour proposer des morceaux simples d’aspect, mais complexes dans leur fond de pensée. En écoutant leur chaos agencé, on pense aux PRIMITIVE MAN, à NAILS, à OATHBREAKER, CULT OF LUNA ou NEUROSIS, ISIS et les MELVINS, mais aussi à la scène BM underground américaine, qui repousse sans cesse les limites du supportable. Et ainsi, en fin de compte, le bilan est lourd, mais ardu à définir avec acuité. Tout ce qu’on sait, c’est que cette musique est cathartique, douloureuse, mais effective dans les faits, car indiscernable et indéfinissable. Et dans la normalité ambiante, cette excentricité fait du bien.

Je ne cacherai pas que ce premier album est assourdissant et terriblement bruyant. Il est aussi oppressant, fuyant, brumeux, et parfaitement assorti à cette actualité désespérante qui envahit les écrans. On pourrait d’ailleurs penser le collectif américain dans le fond, ou allemand dans le traitement, mais l’origine hollandaise renvoie aux exactions des pionniers, les PESTILENCE, DEAD HEAD, GOD DETHRONED, TEXTURES, et quelques autres qui ont incarné l’arrière-garde nationale à une époque où tous les regards étaient tournés ailleurs. Concrètement, qu’attendre d’un album qui a pris tant de temps à s’imposer, et qui se présente aujourd’hui sous un jour de maturité incroyable pour une première œuvre ? Beaucoup de diversité, mais pas de disparités, de l’unité, des variations, des mélodies insérées dans un contexte de chaos absolu, des pauses Post qui sont tout sauf ornementales, et des riffs énormes, des coups de boutoir briseur de reins, des digressions qui nous emmène vers un ailleurs pas forcément meilleur, mais différent. Un parangon de lourdeur qui nous cueille à froid sur le glacial « What Will Be Lost, Won’t Happen Again », symptomatique de l’école Post-Hardcore US, avec toujours en exergue cette voix inhumaine qui semble jaillir des tréfonds de cauchemars historiques.  Impeccablement mixé, comme un bloc indissociable, What Will Be Lost évoque la perte, celle des repères, mais aussi celle des fixations sur un style unique, ici foulé du pied par une envie de concrétiser des désirs personnels multiples. Beaucoup de lancinances, des répétitions, et un Hardcore traité comme un BM de fond, dur et âpre, sourd et agressif, mais finalement toujours légèrement harmonique pour ne pas sombrer dans les travers du bruit à peine déguisé.

En deux morceaux seulement, les hollandais définissent leur large champ d’action, nous assomment d’une pesanteur extrême, l’air si rare qu’on en suffoque, et le pas processionnel qui permet de contempler le paysage désolé. « The Day He Die », aussi Sludge que Doom, nous marche sur les pieds et les illusions de ce son énorme, ne lâche jamais prise, mais termine sa longue évolution par un final digne de SHINING reprenant les COL, avec ces cris suraigus qui percent l’armure de l’âme. Mais THROWING BRICKS est tout sauf une simplicité de surface et une facilité d’analyse toute faite. Avec des intermèdes comme « Galling », le groupe ménage sa monture et propose un détournement Ambient et Post d’une grâce infinie, pause salvatrice dans un univers sclérosé. N’hésitant jamais à utiliser le feedback à des fins assourdissantes, ne tergiversant jamais au moment d’enterrer le chant dans le mix pour le rendre encore plus effrayant, le quintet insère le radicalisme d’un Sludge extrême dans un contexte Hardcore, sans évoquer la vague NOLA et ses facilités nostalgiques et bluesy. Ici, le bruit est bien blanc, parfois méchamment effrayant de pureté (« Ceremony », sorte de TERRA TENEBROSA encore plus lugubre), la démarche rappelle les labels de l’underground mondial (Consouling Sound, I, Voidhanger, Transcending Obscurity), et l’ensemble se pose en jonction de tout ce que le brutal international peut proposer de plus malsain et lucide à la fois.

On ne ressort pas forcément de cette écoute grandi ou rassuré, tant des titres glaçants comme « Patterns Rise » nous donnent la chair de poule et l’envie de nous terrer dans un espace safe et cloîtré. Volontiers lent par essence, clairement oppressant, What Will Be Lost sème la désolation, mais nous rend nos douleurs en cachant les pilules qu’on gobe comme des bonbons. Une prise en compte de l’échec permanent de l’humanité de dégager des voies d’espoir (« Constant Failure », constat rapide et bestial de notre incapacité à nous extirper de notre léthargie), mais surtout, et plus prosaïquement, un premier album qui refuse toute facilité d’une voie trop bien tracée. C’est assez difficile à encaisser, mais le constat est sans appel : THROWING BRICKS est le fruit d’une époque troublée, qui cherche de tous les côtés de quoi expliquer le malaise sans offrir de solution.

        

Titres de l’album :

                       01. What Will Be Lost, Won’t Happen Again

                       02. The Day He Die

                       03. Constant Failure

                       04. Ceremony

                       05. Patterns Rise

                       06. Glass Queen

                       07. Galling

                       08. Ready To Fall

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 29/11/2020 à 17:48
85 %    649
Derniers articles

Big Brave + MJ Guider

RBD 12/04/2025

Live Report

Becoming Led Zeppelin

mortne2001 09/04/2025

Live Report

Klone

RBD 08/04/2025

Live Report

Dr. Feelgood

mortne2001 29/03/2025

Live Report

1000Mods + Frenzee

RBD 24/03/2025

Live Report

Datcha Mandala

mortne2001 22/03/2025

Live Report

Wishbone Ash

mortne2001 18/03/2025

Live Report

Peter Hook and the Light

RBD 14/03/2025

Live Report

Fanzinat - Projection du Documentaire

mortne2001 23/02/2025

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Styx

Il est vrai que depuis leur retour en 2020 (eh oui, ils se sont absentés 18 piges) avec un nouveau line-up (& aussi des membres fondateurs) dont le chanteur Mathias Lillmans, les pochettes sont bien foutues ainsi que les albums. Le nouvel album sera disponible en stock chez nos disquai(...)

16/04/2025, 22:21

LeMoustre

J'irai peut-être un jour mais comme toi... Pas encore. 

16/04/2025, 18:38

Humungus

J'ai réussi à dégoter le numéro 2 (improbablement sur Vinted...).Si une bonne âme veut se désister ou a un bon plan pour le #1... ... ...

16/04/2025, 10:47

zoom zoom zoom

@lemoustre : retourne à l'ehpad, papy

16/04/2025, 05:21

LeMoustre

Soit dit en passant ceux qui étaient a Anthrax au Zénith il y a quelques mois ont dû prendre un sacrée branlée ! Un groupe doté d'une pêche d'enfer et qui a mis la salle a genoux direct sans temps mort. Tuerie que bien des jeunes peuvent re(...)

15/04/2025, 18:28

LeMoustre

Moi j'aime bien les masques ^^. Ils tombent lorsque la personne se révèle ne pas être en connaissance d'éléments de contexte et se permet d'émettre des généralités sans savoir ni approfondir le genre décrié(...)

15/04/2025, 17:29

mortne2001

Il faut évidemment attendre l'album complet, mais le titre a été composé par Jim Durkin avant sa mort. Ceci étant dit; j'espère que l'album en question sera d'un autre niveau, parce que le cahier des charges de tous les reproches que j(...)

15/04/2025, 16:56

mortne2001

@Gargan, non malheureusement, je n'ai pas pu y aller. Je m'en mords encore les doigts...

15/04/2025, 16:51

Jus de cadavre

On peut avoir tourné la page, écouter des nouveaux trucs, mais se faire un kiff en réécoutant ou en allant voir les anciennes légendes d'un style selon moi. L'un empêche pas l'autre. Alors oui c'est des papis (encore que Slayer sur sc&e(...)

15/04/2025, 08:56

DPD

Imagine un concert avec Maiden Slayer Megadeath et Metallica, imagine à quel point se serait de la merde.

15/04/2025, 08:17

DPD

Et va te faire foutre avec ton histoire de masque à la con, comme si je cachais quelque chose.

15/04/2025, 07:56

DPD

J'en ai juste marre des nostalgiques à la con qui sont incapables de tourner la page. Tu aurait une reformation avec tout les membres de ton groupe que tu aimais ado en fauteuil roulant que tu aurais un public pour dépenser 500 balle le ticket. Oui c'est à charge..

15/04/2025, 07:52

LeMoustre

Les masques tombent. Je vois. Ton post n'a donc aucune crédibilité vu que c'est à charge. On se demande donc bien quel est son intérêt ici. Un mystère de plus. Comme si moi j'allais poster sous un groupe ou sous un style dont je me balec. Br(...)

15/04/2025, 06:37

DPD

Tu as des mecs qui déboursent une fortune pour aller voir les vieillards de Black Sabbath jouer péniblement, à un moment il faut tourner la page désoler, pareil pour Maiden et compagnie.

15/04/2025, 05:15

DPD

Oh mais si ça ne tenait qu'à moi tout ce qui est heavy ou thrash speed et compagnie c'est poubelle. On a poussé le metal plus en avant, ces reculs nostalgique d'adulescent c'est pas pour moi.

15/04/2025, 05:06

LeMoustre

On reconnaît quelques intonations de Rinehart mais a l'instar de Doty, qu'on a pu entendre sur des réenregistrements, ça sonne pas terrible. Bon attendons tranquillement l'album.Par contre pas d'accord avec les posts précéde(...)

14/04/2025, 17:28

Saul D

Je rejoins en partie Arioch91...le chant? Et la production? Ca manque d'âme je trouve, en tout cas si je compare à "Darkness Descends" ( oui, c'est le seul album que je connais d'eux....)....

14/04/2025, 14:35

Saul D

Un petit message hors sujet mais bon, je regrette en effet la disparition du Fall of Summer...

14/04/2025, 14:30

Gargan

@Mortne tu avais vu Kotzen au Crossroad en juin dernier ?

14/04/2025, 08:45

Simony

Bon ça me parle déjà plus que leurs dernières sorties, on retrouve un peu d'adhérence dans les guitares, à voir !

14/04/2025, 07:29