Je vais la faire courte parce que ça me saoule. Si vous aimez votre Punk/Hardcore propre et bien repassé, labellisé par une major et qui ne sent pas des pieds, vous pouvez dégager. Par contre, si vous ne concevez aucune ballade sans votre chien rempli de puces, le ghetto-blaster à piles fatigué sur l’épaule dégageant des effluves malsaines de l’Angleterre des origines, alors restez, mais n’attendez pas de moi que je vous serve à bouffer ou bien que je vous propose une douche. Que vous refuserez de toute façon. Mais la soupe, je vais vous la servir, parce que j’ai un minimum d’éducation. Une soupe bien salée, consistante, qui colle au palais et vous détruit l’estomac pendant quelques heures passées à tenter de la digérer. Une soupe venue non de la perfide Albion, mais bien du Canada, ou presque, puisque les membres de ce groupe aiment bien déménager pour rendre l’organisation des répètes encore plus compliquée.
Mais après-tout, vous les connaissez. Sans doute. Parce qu’ils traînent leurs basques dans les rues avec leurs chiens depuis un bon bout de temps. Et que leur musique pue. Des pieds, évidemment, mais aussi des amplis, volontairement mal réglés, à fond si possible, abimés par une distorsion exagérée. Mais ça, les NAPALM RAID en sont fiers. Comme de leur discographie. Et ils ont raison, parce que tout ça, la société, les inégalités, ça nous file le bourdon. Et eux le chassent justement. A grands coups de Punk un peu brouillon.
Un Punk Hardcore transformé en Crust pour l’occasion, mais pas celui de Scandinavie, qui fait le malin avec sa production Death béton. Non, celui des origines, subtilement british dans ses inflexions, légèrement teinté d’exactions bruitistes de ses homologues nippons, pas plus condescendant et encore moins charmant. Et finalement, l’équation est simple, et ce, depuis la démo 2009 des NAPALM RAID. Car Wheel Of War est loin d’être une exception dans leur parcours de refourgueurs de charbon, et suit une ligne conductrice pas forcément rectiligne parce qu’ils s’en branlent de l’ordre et de la symétrie, mais la cohérence dans la démence est irréfutable, et ce nouvel LP/EP/12’’ (au choix, selon les versions, et il y en a) le prouve sans ambages. Alors, qu’attendre de ce nouvel effort qui leur aura quand même demandé un an de pseudo boulot ? Du Crust, de l’Anarcho-Core de tradition, tel qu’on en entend plus tellement, puisque noyé dans une production de faux-semblants et de création à l’avenant, histoire de coller à la mode. Mais avec un nom et des dégaines pareilles, impossible d’éviter les comparaisons. Avec NAPALM DEATH évidemment, celui des premiers instants, qui jouait encore cette musique écorchée à base de rythmiques lourdes/rapides et de vocaux insensés, celui de Hatred Surge et des premières maquettes mythiques. EXTREME NOISE TERROR, immanquablement, leur copains de grognements, qui sur le split avec FILTHKICK définissaient les règles du bordel moderne sans prendre de gants. Et puis les maîtres de DISCHARGE, à cause de cette gravité et de ce son bien étouffé. Et puis tant d’autres, les S.O.B, MISERY, SIEGE, LÄRM, la clique des HAKUCHI et suiveurs, et pas mal d’autres références, que je vous laisse dénicher à compte d’auteur. Du bon, du sévère, de l’old-school qu’on vénère, et rien d’autre. Un pur plaisir coupable qui fait rouiller les enceintes et hurler les saintes.
Bref.
Difficile de résister en tant que vieux de la vieille à cet assaut sonique qui ne montre aucun signe d’empathie ou de pitié pour nos ouïes, et qui donne le sentiment d’avoir traversé le temps sans s’en trouver marqué. Publié en tape par les bons services des puristes de Runstape Tapes, et en vinyle européen par les flingués allemands de Rawmantic Disasters (et le romantisme dans tout ça ? Dans ton cul, évidemment), Wheel Of War ne fait pas de quartier, et sonne comme il y a trente ans, comme si le Crust, le Hardcore et leurs dérivés bâtardisés n’avaient jamais évolué. Du cru, du sec, de l’abrupt, avec une norme instrumentale communautaire, qui met tout le monde au même niveau, au point de transformer la basse en ciment coincé entre la guitare et la batterie, pendant que le chant dégueule ses homélies, toute plus lucides les unes que les autres. Le genre de truc qu’on écoute pour se sentir encore un peu rebelle, qui fait shooter dans les poubelles et regarder les bourgeois comme des ennemis mortels. L’anarchie sonore, le chaos qui déborde, mais le plaisir, d’abord, celui de retrouver l’essence même d’un Crust viscéral, pas celui aseptisé et normalisé par les années, et qui commence à tourner en rond à force de vouloir se ranger. Les NAPALM RAID ne se rangeront jamais, et c’est tant mieux pour vous, parce qu’ils n’en ont rien à carrer. Mais autant vous prévenir de suite, dans le créneau du Core sauvage et abusé, vous ne trouverez pas plus authentique que ces onze titres balancés comme une pâtée, qui va attirer tous les corniauds du quartier. Oui, Halifax, nouvel Eldorado du Crust international, symbole d’un Canada pas si gentil que ça, qui sans complexe dame le pion à des anglais qui se vexent, et qui se demandent encore comment ils ont pu perdre la main si facilement.
Aussi simples que jouissif, aussi impulsifs que malsains, ces titres joués à la volée emportent notre adhésion, et rameutent les nuisibles aux environs pour une fête organisée à même les cartons, histoire de déménager plus vite si les flics débarquent à la maison. C’est crado, la production n’en a que de nom, mais Dieu que c’est bon de se retrouver bercé par les pulsions initiales d’un Anarcho-Crust plus vrai que nature, qui n’a cure des usages et qui se la joue pur. Si la plupart des tronçons sont évidemment d’une durée plus que raisonnable, certains osent les prolongations, pour le meilleur et pour le thon, à l’image de l’éponyme introduction qui nous met dans le bouillon. Gratte en sursaturation, chant en époumonation, comme un vieux Punk asthmatique qui peste contre les moustiques et ses articulations arthritiques, batterie qui sonne comme une caisse à savon captée par un radiocassette à deux doigts de l’extrême onction, et vogue la harangue, qui parfois ressemble quand même salement à une trempe à coups de chaine de vélo (« Ruling Hand », EXTREME NOISE TERROR qui déambule dans les rues de Tokyo en faisant les golios). De temps à autres, l’abomination se veut solide et de bon ton (« DMT », le genre de truc qui se met à la colle avec le légendaire « Abattoir » des ND pour mieux faire le trottoir), et surtout, d’une gaité folle dans les thèmes, qui s’accordent fort bien de ce tempo échevelé qu’on aime (« Untold Reality », pas là-dessus qu’on va emballer, mais les éboueurs vont adorer). En gros, le meilleur, pour le pire, et surtout, une petite demi-heure en compagnie de Corpse (guitare/vomi), Tom (basse, enfin, c’est ce qu’il dit) et Graham (barils et couvercles de fait-tout), qui nous réconcilie avec une époque si honnie.
Alors, comme je l’ai déjà dit il y a cent mots ou plus, ça me saoule. Ce nouvel EP des NAPALM RAID est un must pour tout réfractaire à un quelconque progrès. Ça joue vite, ça joue sale, ça dégobille et ça fait mal, mais ça fait du bien par où ça passe. A écouter après une longue journée de travail qui vous a fait méchamment transpirer. Et puer des pieds. Évidemment.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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