2023, année chargée pour les américains fous de FULL OF HELL, puisque après une collaboration avec PRIMITIVE MAN sur le cauchemardesque Suffocating Hallucination en mars dernier, et un split en compagnie des GASP en août, le quatuor d’Ocean City revient pour les fêtes avec un cadeau traumatique dont ils ont le secret.
Cette fois-ci, les barges se sont alliés à une autre entité, d’un univers sensiblement différent, les NOTHING et leur Shoegaze/Rock alternatif aux antipodes du bruit chéri par nos flingués préférés. Mais ce sont souvent les associations à contre-courant qui produisent les meilleurs résultats, et When No Birds Sang appuie cette théorie avec beaucoup de pertinence. Précisons d’emblée qu’il s’agit là d’une véritable collaboration, et non d’un partage de faces, ce qui implique donc un univers unique, né de la collision de deux autres univers.
Et cette collision permet aux deux forces en présence de dessiner les contours d’un monde où l’harmonie et la dissonance peuvent cohabiter sans heurts. Si l’on connaît depuis longtemps la propension qu’a FULL OF HELL à déconstruire le chaos pour en extraire le bruit le plus assourdissant, nous sommes moins familiers avec l’évanescence des NOTHING, qui n’aiment rien tant que les longs paysages contemplatifs, dont la vision est bercée par quelques notes jaunies, et d’une nostalgie hivernale fort à propos en ces temps de fête.
Seulement, la fête est à la maison, et pas forcément en dehors. Alors que « Rose Tinted World » nous bouscule d’entrée d’un chaos bordélique intense, « Like Stars In The Firmament » joue la pureté d’une harmonie pastorale, soulignée d’effets divers, pour contrebalancer cette surcharge d’énergie. Sans vraiment savoir qui a fait quoi, mais en le devinant sans trop de problèmes à l’écoute de ces six petits titres, on apprécie le mystère et l’atmosphère cotonneuse, pour une complémentarité qui n’était pas évidente au départ.
Cette complémentarité se signifie sur le très formel « Forever Well », à la lisière d’un Blackgaze à la DEAFHEAVEN, qui nous broie les tympans tout en ouvrant notre champ de perception et nos horizons. Les diablotins ont donc une fois encore réussi à travailler avec d’autres musiciens pour s’éloigner un peu de leur quotidien, et ainsi devenir le groupe extrême le plus référentiel de sa génération.
Je l’avoue sans honte, les FULL OF HELL sont depuis longtemps devenus mes héros personnels, au même titre que DILLINGER, CLOSET WITCH ou PRIMITIVE MAN. Lorsque la recherche sonore dépasse les limites des convenances, les esprits montrent toutes leurs capacités, et produisent une expérience hors du commun, de celles qui remettent en question la perception de la musique la plus bordélique.
Beaucoup plus abordable que la collaboration avec les pesants PRIMITIVE MAN, When No Birds Sang a tout d’une forêt dense s’ouvrant au regard des randonneurs, un petit matin de décembre. On y sent le bois humide, on y entend les bruits de crissement, le vent dans les arbres, et si les oiseaux n’y chantent plus, les esprits nous guident dans un présent qui s‘appuie sur le passé.
Presque Ambient dans le fond et la forme, ce nouvel album rappelle NIN, DAUGHTERS, et quelques amateurs chevronnés d’un instrumental apaisé, « Wild Blue » formalisant cet onirisme de la plus simple et belle des façons.
Les amateurs de chaos ininterrompu en seront donc pour leurs frais. Si le travail est collectif, on sent que l’influence de NOTHING est prépondérante, même si FOH se fraie un chemin de temps à autres de sa distorsion grave et sentencieuse (« When No Birds Sang », qu’on croirait évaporé d’une version bootleg de The Downward Spiral). Pour être honnête, la patte FULL OF HELL n’est tangible que sur cette ouverture infâme et cathartique, et sur ce final exhorté d’une voix épuisée. « Spend The Grace » nous permet donc de retrouver notre quatuor dans son mode d’expression préféré, à savoir un Hardcore vraiment sale, poisseux, maladif et pourtant épais comme les murs d’une prison mentale.
Il convient de laisser à When No Birds Sang le temps de s’infuser. A contrario d’autres collaborations de FULL OF HELL, il exige des efforts, une compréhension aiguisée, et une grande ouverture d’esprit. Loin du boucan génial que les américains nous imposent depuis plus de dix ans, cet album fait la part des choses, et travaille de concert pour produire un entre-deux parfois un peu abscons, mais toujours fascinant.
Bénéficiant d’une production exemplaire, et d’une pochette céleste, When No Birds Sang contemple le ciel vide, et s’accommode très bien de ce silence mélodique symptomatique des villes déshumanisées que fuient de plus en plus des citadins en manque de paix intérieure.
Mais le silence peut aussi être le plus assourdissant des non-bruits. Ce que prouvent ces deux groupes aux optiques complémentaires, qui sont parvenus à se trouver des points communs pas évidents.
Titres de l’album:
01. Rose Tinted World
02. Like Stars In The Firmament
03. Forever Well
04. Wild Blue
05. When No Birds Sang
06. Spend The Grace
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