When The Sky Comes Down

Dog Day Sunrise

09/02/2018

Autoproduction

De façon générale, j’aime être surpris par un groupe que je découvre. Ou que je redécouvre, c’est selon. Rien ne m’ennuie plus qu’un album qui se contente de répéter des recettes déjà éculées, ou qui reste collé à des préceptes déjà digérés depuis des années. Je ne demande pas pour autant une originalité de tous les instants, ce qui est difficilement possible (et souvent franchement décevant), mais plutôt une variété de ton dans le déroulé, et une logique sous-jacente dans la concision, ce qui suffit amplement à transformer une anecdote en quasi évènement. Et ce nouvel album des américains de DOG DAY SUNRISE, sans être l’épiphanie qu’il n’est assurément pas, joue admirablement bien son rôle de trublion classique émergeant d’une production hautement prévisible. Et il a le flair de le faire sans se reposer sur des effets cheap et pseudo choc, mais en privilégiant une ouverture d’esprit qui fait beaucoup de bien aux oreilles. Et surtout, en proposant des compositions d’une étonnante maturité, butinant un peu toutes les fleurs d’inspiration pour trouver la sienne, à cheval entre les époques et les genres, sans s’égarer sur les chemins de l’incertitude. Présenté comme un combo se référant à des courants divers, le quatuor (Matt Zurat - guitare/chant, Anthony Manning - guitare, Bill Cox - basse et Joe Bishop - batterie) navigue donc à vue entre les nuances de vagues, et se permet d’évoquer tout autant la NWOBHM que la NWOAHM de la moitié des années 80, tout en lançant de sévères œillades à la vague Thrash de la fin de la même décennie, sans pour autant renier l’époque dans laquelle il évolue. En résulte une musique assez étrange, aussi inclassable que profondément décalée temporellement, qui suggère tout autant une admiration aux défricheurs européens de la charnière 70’s/80’s, qu’une sincère conviction dans les théories agressives du tournant 80’s/90’s, ramenant tout autant à la mémoire ICED EARTH qu’IRON MAIDEN, sans rechigner à taper du pied sur un groove que les PANTERA auraient pu imposer.

Etrange ? Pour le moins, mais fascinant dans les faits, d’autant plus que les quatre instrumentistes sont d’un niveau excellent. Et balayant du coude tout effet facile, les originaires de Pennsylvanie se paient le luxe de conférer à leur puissance Heavy un allègement Rock parfaitement en place, sans pour autant trahir la cause pour laquelle ils sont dévoués. Nous passons ainsi d’un morceau purement Heavy progressif et riche comme « Temple Of Anger » à une bousculade groovy teigneuse comme « Vinyl », et sa profession de foi que Phil Anselmo n’aurait pas reniée en duo avec les LEGS DIAMOND, sans que la transition ne paraisse incongrue ou hors-contexte. Il faut dire que les mecs ont le talent nécessaire pour assurer des translations paraissant difficiles à suivre, et qui sont pourtant d’une logique limpide. Et si « Leviathan » entame les hostilités d’un ton grave et presque sentencieux, c’est pour mieux nous prendre à revers d’un refrain à la mélodie entêtante et nostalgique. L’art consommé pour passer du coq Heavy à l’âne Rock des DOG DAY SUNRISE est vraiment bluffant de naturel, et chaque intervention est truffée de petits plans qui nous interrogent, mais ne nous laissent pas sans réponse. Et en faisant le grand écart entre la grandiloquence de « 6 Seconds In Dallas (Camelot is Burning) » et son ternaire chauffé à blanc, et l’agressivité directe et fondamentalement Speed birth de « Goodnight America », les quatre pistoleros ne dégainent jamais pour rien, et prouvent que leur chargeur n’est pas rempli à blanc. Les dégâts occasionnés aux cervicales sont patents tant le headbanging est autant conseillé que l’enthousiasme, mais la sensibilité n’est pas pour autant remisée au placard des sentiments à brider, puisque « Telling The Wolves » se paie le luxe de nous chatouiller la corde sensible avec la même virilité qui animait les ALICE IN CHAINS sur leur début de carrière.

Il n’est donc pas étonnant de constater que la troupe a pu partager la scène avec des cadors de la trempe de DEATH ANGEL, SLAVES ON DOPE, BLUE OYSTER CULT, LA GUNS, SEBASTIAN BACH, DOG FASHION DISCO, DOPE, JOAN JETT, NUCLEAR ASSAULT ou les RAGING SLAB, certainement tombés sous le charme de cette pluralité affirmée, et de cette ouverture d’esprit incarnée. Le son même de l’album, produit par la référence John Custer est très difficile à rattacher à une période particulière, et échappe à toute contrainte trop pesante, ce qui ne fait qu’ajouter à l’aura de mystère qui entoure ce groupe décidément très attachant. Aussi attachant que le chant de Matt Zurat, qui évoque un peu celui du Pepper Keenan des mid 90’s, dont on retrouve d’ailleurs un peu l’approche sur le gluant mais remuant « Cheating The Gallows » au riff ample et à la rythmique grondante. Et puisque nous n’en sommes pas à une surprise près, DOG DAY SUNRISE termine son effort sur un clin d’œil particulièrement étonnant, en nous proposant une relecture très personnelle et dramatique du hit « In The Air Tonight » de Phil Collins, artiste assez peu cité par la vague Hard Rock depuis ses débuts. Si le tube a gardé sa mélodie d’origine, il se voit ici transfiguré façon jam sudiste acoustique, évoquant les paysages de la Nouvelle-Orléans décrits par DOWN, avec une délicatesse digne de la cover de « Planet Caravan » popularisée par PANTERA. Plus qu’une simple allusion racoleuse, cette reprise est véritablement le point d’orgue d’un album qui frappe la conscience de sa liberté totale de ton, mais aussi de son culot en termes de créativité débridée. On apprécie cette guitare acoustique en demi-teinte, mais aussi ces envolées vocales presque lyriques, et surtout, cette construction progressive envoutante qui éclaire le classique d’une lumière nouvelle, et qui lui confère une patine tragique vraiment incroyable et prenante. Le solo final à des allures homériques de références héroïques au LYNYRD SKYNYRD live, et le feeling transpire de tous les pores, nous laissant pantois devant tant de talent d’appropriation.

Et même si on peut regretter certaines lacunes dans le traitement sonore, parfois un peu faible et fouillis, on se retrouvera tous autour de la phénoménale émancipation d’un quatuor qui refuse toute catégorisation, pour jouer la musique qu’il aime, ou plutôt, LES musiques qu’il aime. Un groupe ouvert, aux perspectives multiples, qui sans esbroufe, nous convainc de son potentiel et nous séduit de sa sincérité. Energique, puissant, velouté ou pressant, When The Sky Comes Down est un crépuscule que l’on savoure en bonne compagnie, et qui conchie la vulgarisation pour privilégier la passion. Un beau disque, dans le sens le plus littéral du terme, et des musiciens que je suis heureux de connaitre à présent, et dont on sent l’expérience à chaque seconde sans que la fraîcheur ne soit sacrifiée sur l’autel du professionnalisme.


Titres de l'album:

  1. Leviathan
  2. 6 Seconds in Dallas (Camelot Is Burning)
  3. Temple of Anger
  4. Vinyl
  5. Goodnight America
  6. Telling the Wolves
  7. Cheating the Gallows
  8. In the Air Tonight

Facebook officiel


par mortne2001 le 27/02/2018 à 14:22
80 %    1085

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Obscene Extreme 2024

Mold_Putrefaction 29/08/2024

Live Report

Discography 1983-2006

mortne2001 18/08/2024

La cave

Ratos de Porão + All Borders Kill

RBD 22/07/2024

Live Report

HELLFEST 2024 / Clisson

Jus de cadavre 15/07/2024

Live Report

Escuela Grind + BMB

RBD 08/07/2024

Live Report

The Mandrake Project Live 2024

Simony 05/07/2024

Live Report

Hatebreed + Crowbar

RBD 18/06/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
pierre-2

https://www.youtube.com/watch?v=3SKX76h68EA&ab_channel=AgoniaRecords

07/09/2024, 20:44

pierre-2

Quelle banalité, c'est vraiment du pilotage automatique et peu/pas inspiré.

07/09/2024, 20:42

Saddam Mustaine

Bah honnêtement c'est plutôt une réussite.De toute façon pas difficile que de faire mieux que le dernier voir les derniers, j'ai lâché après le troisième 

07/09/2024, 17:07

Buck Dancer

Les deux morceaux en écoute sont plutôt bon et, surtout, le retour du growl, pinaise !!! Événement métal de l'année 2024 , devant Gojira aux JO ! ( Bon, j'espère que ce sera pas seulement sur un morceau....)

07/09/2024, 10:39

Saul D

Ratos De Porao c'est plutôt brésilien qu'italien, mais cela aurait pu...

06/09/2024, 13:45

Saul D

je retiens le final du groupe mexicain C.A.R.N.E. ( cli d'oeil à Depraved des débuts?) :-)

06/09/2024, 13:32

Ivan Grozny

Un groupe qui a beaucoup compté pour moi à une époque, une bien triste nouvelle en effet !

05/09/2024, 01:56

Ivan Grozny

@RBD : ce n'était pas ici comme beaucoup d'anciens ? ;-)

05/09/2024, 01:44

Simony

Groupe dont je continue encore de découvrir la riche discographie, mais il y a beaucoup, beaucoup d'excellents albums pour moi ! Grosse perte...

04/09/2024, 20:24

Moshimosher

Triste nouvelle ! Grand groupe qu'Abigor (même si j'ai surtout écouté la première partie de la discographie du groupe) ! J'espère au moins que sa mort lui aura apporté ce qu'il recherchait... RIP

04/09/2024, 20:00

RBD

Très bon podcast en effet, je ne me souviens plus comment je l'ai découvert. Je n'ai pas toujours les mêmes points de vue que les principaux intervenants sur tels groupes et tels albums classiques, dans la mesure où nous n'avons pas exactement les mê(...)

04/09/2024, 15:07

Gargan

Merde ! Tous les premiers disques sont excellents, notamment grâce à ses riffs tellement différents des autres groupes. J'avais perdu l'intérêt pour le groupe après "channeling" et suis retombé dedans avec les deniers efforts, tou(...)

04/09/2024, 07:55

Fétide Vön Decåyed

J'adore le nom du musicien   

04/09/2024, 06:46

RBD

J'ai quelques camarades qui y sont allés mais je n'ai pas encore eu de récit complet, merci ! En tout cas je sais qu'eux aussi ne sont pas fans des performances non musicales du festival ni des déguisements, vous vous entendriez. Je ne sais pas comm(...)

03/09/2024, 11:13

Raton

Ratos De Porao sont brésiliens et non italiens.

03/09/2024, 07:29

Ivan Grozny

Très bon podcast Le secret des dieux, découvert grâce à Vs-Greg d'ailleurs :)

03/09/2024, 01:14

Ivan Grozny

@LeMoustre Il s'agit de James Brown notamment https://www.truemetal.it/heavy-metal-news/triumph-of-death-interview-tom-g-warrior-1136131

03/09/2024, 01:13

Ivan Grozny

Super boulot ce dossier, merci . Dommage que le format du site en rende la lecture un peu pénible. Concernant Into the pandemonium (très bon album me concernant) "Je défie quiconque de me trouver une poignée d’autres albums aussi aventureux sortis approximat(...)

03/09/2024, 01:12

Ivan Grozny

Merci pour le report. On sent bien l'exaspération face au public dans certaines situations :). Le concert d'Autopsy devait être dément !

03/09/2024, 00:59

Steelvore666

Vus récemment au Barbeuk Metal Fest, c'était bien sympa.

02/09/2024, 15:55