When the Sun's Down

Frau Fleischer

23/11/2021

Sliptrick Records

Imaginez-vous déambulant dans les rues étranges d’un Berlin de nuit, dans les années 90. Un Berlin imaginaire, cité déshumanisée et dont le contrôle a été pris par des autorités strictes, interdisant l’exhibition scénique, l’hédonisme, les numéros pailletés et autres réjouissances nocturnes d’un temps pas si éloigné que ça. Dans une friche industrielle, un individu masqué attend dans l’ombre, immobile, comme animé d’une mission secrète que son apparence ne peut trahir. Vous vous approchez de lui, à pas feutrés, vous méfiant du moindre de ses non-gestes, certain de pouvoir assouvir votre soif de différence et de liberté, mais réticent à l’idée de passer une énième nuit dans des geôles humides comme semble vous prévenir votre inconscient. Et puis, pris d’un élan de courage dicté par l’envie de plaisir immédiat, vous lui lâcher un mot. Un timide « Hallo » s’échappe de vos cordes vocales, auquel l’impassible milicien ne répond pas. Alors, vous tentez le tout pour le tout :

Freude ? 

 

La statue humaine ne vous répond pas, mais vous indique une direction à suivre. Une fois enfoncé dans le dédale de vieux bâtiments industriels décatis, vous remarquez une porte flanquée d’un dessin magnifique au pochoir, représentant une créature sublime, blonde, masculine et féminine, aucun des deux, semblant vous inviter à entrer malgré les risques encourus. Une blonde comme on en voyait dans le Berlin des années 30, silhouette vénéneuse aux ongles s’enfonçant dans les chairs, assumant son identité floue comme on brandit un étendard.

FRAU FLEISCHER. La bouchère.

Une fois les portes poussées, le son est assourdissant. Ayant très ingénieusement doté cette salle moite aux murs recouverts de rouille d’un système acoustique de prévention pour ne pas alerter la Sittenpolizei de la nuit, les tenanciers vous accueillent d’un regard torve, mais d’une posture qui incite à penser que tout ce qui se passe ici n’est ni très réglo, ni très légal. Alors, vous avancez en fendant la foule bigarrée, constituée d’autres étranges créatures fardées, déguisées, sans genre ni clan ethnique, sans carte d’identité et sans réelle direction à suivre. Le mot d’ordre ici est simple : danser jusqu’au bout de la nuit, à en perdre son esprit, à s’en nouer les sens, pour oublier que dehors, le chaos de l’ordre règne et qu’il terrorise le jour comme il menotte la nuit.  

Une fois suffisamment en avant vers la scène, vous l’apercevez sur scène, c’est elle/lui, iel, La Bouchère, personnage né de l’imagination féconde de Gabriel Daimon, qui feule et minaude dans son micro, de Greg Lambert, guitariste tricoteur de sons, et de Franz, le maître des machines qui a appris de Rhys Fulbert, FRONT 242, Sascha Konietzko, MINISTRY et quelques autres entités robotiques ayant flouté la frontière entre l’analogique, le digital et la troisième génération d’Indus et EBM dansant comme un rythme fou.

Les trois sur scène occupent l’espace, mais c’est évidemment Gabriel qui hypnotise les regards de sa moue sexy en diable, de ses courbes qui enivrent les sens, de son regard de jais enflammé par une passion pour le plaisir musical…C’est sa voix à la fois forte et très fragile, constamment au bord de la rupture qui rend vos tympans addicts à la première prise, alors que ses deux comparses s’obstinent à aller picorer dans le répertoire européen les riffs qui tuent et les rythmes qui suent. Le tout évidemment, ressemble à peu près à ce qu’on peut attendre d’un barouf étouffant de Néo-Indus plus proche de l’Electro Metal que des exactions les plus franches du genre, mais étrangement, entre un jeu de lumière excessif et ces watts qui vous font trembler la plèvre, la transe n’est pas si loin, et la communion avec le reste des infidèles semble la seule option raisonnable pour profiter d’une nuit qui pourrait bien être la dernière.

Mais en y réfléchissant bien, et en rassemblant vos esprits pour les remettre en place, vous savez. Vous savez que vous n’êtes pas à Berlin, qu’il n’a jamais existé d’autorité supérieure régissant la nuit comme la Gestapo régissait le jour dans les années 40. Vous êtes en France, et Gabriel est sur cette scène parisienne, que vous connaissez bien pour l’avoir admiré des soirées durant, mais la sensation est pourtant la même. Quelque chose d’interdit, de décadent, un plaisir indécent, et l’un des Electro-Indus les plus savoureux et lubriques du marché. L’un des plus rigides aussi, mais avec ce filet de voix unique, tremblant, martial, autoritaire et en même temps rempli de doutes, le maître de cérémonie réveille la maîtresse en lui et vous ordonne de le/la suivre sans trop vous poser de questions, puisque les questions resteront sans réponse pour ne pas tuer le mystère d’une telle magie.

FRAU FLEISCHER, en quelques chansons, créé ce personnage de la Bouchère, qui domine de son chef les crânes polis de quelques pervers venus chercher l’humiliation ultime, une Bouchère qui a découpé des côtes chez RAMMSTEIN, qui a dansé en arrière-plan chez les allemands les plus capés du genre, mais qui a aussi retenu quelques leçons des méthodes américaines les plus rudes des REVOLTING COCKS.

Le plaisir est là, le désir aussi, informulé comme dirait Armande Altaï, et les corps se mélangent dans un déluge de sons qui annihilent les genres et nous transforment tous en catalyseurs d’indécence. Poussez les portes de ce cabaret de l’étrange, laissez-vous guider par ce beat ferme et rebondissant sur les murs, chargés de souvenirs pas tous racontables.

C’est cette sensation de perdition qui vous fera vous sentir le plus vivant-e.    

 

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Sacrifice

02. Holy Crown

03. Piece of Meat

04. Baby I'm Free

05. Infierno

06. Bagarre

07. Bloody Curls

08. A Boy was Shot

09. Bad Girl


Site officiel

Facebook officiel

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 22/12/2021 à 15:14
80 %    710

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report

Mars Red Sky + Robot Orchestra

mortne2001 17/11/2024

Live Report

Benighted + Anesys

mortne2001 02/11/2024

Live Report

Dool + Hangman's Chair

RBD 25/10/2024

Live Report

Rendez-vous

RBD 21/10/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Moshimosher

Alors, autant j'apprécie beaucoup Wolfheart, et cette news ne va rien y changer, autant, pour moi, l'Arabie Saoudite est l'un des pires pays au monde... Alors, je ne suis pas arabophobe, mais ce pays pue terriblement ! Je plains les Saoudiens (et surtout les Saoudiennes) qui(...)

21/11/2024, 18:01

Tourista

Quelqu'un sait s'ils sont confirmés au Anthems Of Steel ?

21/11/2024, 17:17

Simony

Oui j'ai mes commentaires qui se mettent en double des fois....   

21/11/2024, 09:20

Orphan

"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)

21/11/2024, 08:46

Jus de cadavre

Est-ce qu'ils seront au Anthems Of Steel 2025 ? Pardon Simo   

20/11/2024, 22:29

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Saul D

La relève de Manowar ( vu le look sur la photo)?

20/11/2024, 14:08

Tourista

Quand on se souvient du petit son des années 80...  Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique.   C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure. 

19/11/2024, 21:57

Jus de cadavre

Album jouissif ! Le pied du début à la fin !

15/11/2024, 17:19

MorbidOM

J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)

15/11/2024, 09:51

MorbidOM

@Gargan : ils n'ont pas pu jouer l'année dernière 

15/11/2024, 08:01

Gargan

Oh purée les « clins d’œil » au Hellfest et à Glaciation  

15/11/2024, 07:18

Gargan

Encore Magma!

14/11/2024, 20:20

Tourista

Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément.  (...)

14/11/2024, 09:20

Humungus

Ca c'est de la pochette !

13/11/2024, 09:18

Tourista

Ben voyons. Le mec qui planque des jetons sous la table !

12/11/2024, 17:51

Gargan

QUADRICOLOR 

12/11/2024, 13:23

Humungus

Pas mieux.3 lettres : ÂME.

12/11/2024, 11:14

Tourista

5 lettres : MAUVE. 

12/11/2024, 06:50