Imaginez-vous déambulant dans les rues étranges d’un Berlin de nuit, dans les années 90. Un Berlin imaginaire, cité déshumanisée et dont le contrôle a été pris par des autorités strictes, interdisant l’exhibition scénique, l’hédonisme, les numéros pailletés et autres réjouissances nocturnes d’un temps pas si éloigné que ça. Dans une friche industrielle, un individu masqué attend dans l’ombre, immobile, comme animé d’une mission secrète que son apparence ne peut trahir. Vous vous approchez de lui, à pas feutrés, vous méfiant du moindre de ses non-gestes, certain de pouvoir assouvir votre soif de différence et de liberté, mais réticent à l’idée de passer une énième nuit dans des geôles humides comme semble vous prévenir votre inconscient. Et puis, pris d’un élan de courage dicté par l’envie de plaisir immédiat, vous lui lâcher un mot. Un timide « Hallo » s’échappe de vos cordes vocales, auquel l’impassible milicien ne répond pas. Alors, vous tentez le tout pour le tout :
Freude ?
La statue humaine ne vous répond pas, mais vous indique une direction à suivre. Une fois enfoncé dans le dédale de vieux bâtiments industriels décatis, vous remarquez une porte flanquée d’un dessin magnifique au pochoir, représentant une créature sublime, blonde, masculine et féminine, aucun des deux, semblant vous inviter à entrer malgré les risques encourus. Une blonde comme on en voyait dans le Berlin des années 30, silhouette vénéneuse aux ongles s’enfonçant dans les chairs, assumant son identité floue comme on brandit un étendard.
FRAU FLEISCHER. La bouchère.
Une fois les portes poussées, le son est assourdissant. Ayant très ingénieusement doté cette salle moite aux murs recouverts de rouille d’un système acoustique de prévention pour ne pas alerter la Sittenpolizei de la nuit, les tenanciers vous accueillent d’un regard torve, mais d’une posture qui incite à penser que tout ce qui se passe ici n’est ni très réglo, ni très légal. Alors, vous avancez en fendant la foule bigarrée, constituée d’autres étranges créatures fardées, déguisées, sans genre ni clan ethnique, sans carte d’identité et sans réelle direction à suivre. Le mot d’ordre ici est simple : danser jusqu’au bout de la nuit, à en perdre son esprit, à s’en nouer les sens, pour oublier que dehors, le chaos de l’ordre règne et qu’il terrorise le jour comme il menotte la nuit.
Une fois suffisamment en avant vers la scène, vous l’apercevez sur scène, c’est elle/lui, iel, La Bouchère, personnage né de l’imagination féconde de Gabriel Daimon, qui feule et minaude dans son micro, de Greg Lambert, guitariste tricoteur de sons, et de Franz, le maître des machines qui a appris de Rhys Fulbert, FRONT 242, Sascha Konietzko, MINISTRY et quelques autres entités robotiques ayant flouté la frontière entre l’analogique, le digital et la troisième génération d’Indus et EBM dansant comme un rythme fou.
Les trois sur scène occupent l’espace, mais c’est évidemment Gabriel qui hypnotise les regards de sa moue sexy en diable, de ses courbes qui enivrent les sens, de son regard de jais enflammé par une passion pour le plaisir musical…C’est sa voix à la fois forte et très fragile, constamment au bord de la rupture qui rend vos tympans addicts à la première prise, alors que ses deux comparses s’obstinent à aller picorer dans le répertoire européen les riffs qui tuent et les rythmes qui suent. Le tout évidemment, ressemble à peu près à ce qu’on peut attendre d’un barouf étouffant de Néo-Indus plus proche de l’Electro Metal que des exactions les plus franches du genre, mais étrangement, entre un jeu de lumière excessif et ces watts qui vous font trembler la plèvre, la transe n’est pas si loin, et la communion avec le reste des infidèles semble la seule option raisonnable pour profiter d’une nuit qui pourrait bien être la dernière.
Mais en y réfléchissant bien, et en rassemblant vos esprits pour les remettre en place, vous savez. Vous savez que vous n’êtes pas à Berlin, qu’il n’a jamais existé d’autorité supérieure régissant la nuit comme la Gestapo régissait le jour dans les années 40. Vous êtes en France, et Gabriel est sur cette scène parisienne, que vous connaissez bien pour l’avoir admiré des soirées durant, mais la sensation est pourtant la même. Quelque chose d’interdit, de décadent, un plaisir indécent, et l’un des Electro-Indus les plus savoureux et lubriques du marché. L’un des plus rigides aussi, mais avec ce filet de voix unique, tremblant, martial, autoritaire et en même temps rempli de doutes, le maître de cérémonie réveille la maîtresse en lui et vous ordonne de le/la suivre sans trop vous poser de questions, puisque les questions resteront sans réponse pour ne pas tuer le mystère d’une telle magie.
FRAU FLEISCHER, en quelques chansons, créé ce personnage de la Bouchère, qui domine de son chef les crânes polis de quelques pervers venus chercher l’humiliation ultime, une Bouchère qui a découpé des côtes chez RAMMSTEIN, qui a dansé en arrière-plan chez les allemands les plus capés du genre, mais qui a aussi retenu quelques leçons des méthodes américaines les plus rudes des REVOLTING COCKS.
Le plaisir est là, le désir aussi, informulé comme dirait Armande Altaï, et les corps se mélangent dans un déluge de sons qui annihilent les genres et nous transforment tous en catalyseurs d’indécence. Poussez les portes de ce cabaret de l’étrange, laissez-vous guider par ce beat ferme et rebondissant sur les murs, chargés de souvenirs pas tous racontables.
C’est cette sensation de perdition qui vous fera vous sentir le plus vivant-e.
Titres de l’album:
01. Sacrifice
02. Holy Crown
03. Piece of Meat
04. Baby I'm Free
05. Infierno
06. Bagarre
07. Bloody Curls
08. A Boy was Shot
09. Bad Girl
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