La Suède, l’Allemagne, les Etats-Unis, le Canada, la France, et pourquoi pas la Belgique tiens ? Après tout, nos voisins ne déméritent pas en termes de Metal depuis les années 80 et ont tout à fait le droit de s’asseoir à la table de la nostalgie, d’autant qu’ils contribuent à leur niveau à la bonne santé de la scène old-school. J’en veux pour preuve irréfutable le second album de CARNATION, qui deux ans après son introduction via le terrible Chapel of Abhorrence revient nous massacrer les cervicales à grands coups de Death Metal de tradition. Fondé à Heist-op-den-Berg en 2013, ce quintet (Simon Duson - chant, Jonathan Verstrepen - guitare, Bert Vervoort - guitare, Yarne Heylen - basse et Vincent Verstrepen - batterie) a d’abord pris quelques années pour roder son répertoire, ne publiant qu’un EP, un split et un live, avant de se lancer dans le marigot Death avec une foi indéfectible. En résultait un premier LP très professionnel, évidemment fortement influencé par tous les cadors des années 90, mais savoureux en oreilles et épais en tympans. Deux ans plus tard, Where Death Lies confirme tout le bien pensé par la toile quant à ces agresseurs sympathiques, qui nous récitent leur bréviaire brutal avec une application méritant tous les honneurs. Evidemment, comme tous les sympathisants old-school, les belges ne font pas vraiment preuve d’audace, mais nous replongent dans les chères années de la bestialité technique, celle des VADER, de MORBID ANGEL, de SUFFOCATION, UNLEASHED, DISMEMBER, sans appuyer sur le côté HM-2 de l’entreprise, et en réconciliant les écoles suédoises et américaines. On trouve parfois quelques touches de violence germaine dans leur musique, et quelques allusions au MORGOTH le plus féroce, et l’un dans l’autre, leur musique passéiste est l’une des plus catchy disponible sur le marché, n’en déplaise aux chefs de file.
Mixé par Yarne Heylen et masterisé par Jens Bogren aux Fascination Street Studios à Örebro en Suède, Where Death Lies dispose donc d’un son parfait, au-dessus de tout soupçon, juste assez grave pour gratter le salpêtre des cryptes, mais clair comme une tempête s’approchant des cotes suédoises. Emballé dans un sublime artwork signé des mains de Juan Jose Castellano Rosado, ce second longue-durée est donc une bête de compète, et propose un Death certes traditionnel, mais réellement effectif, aux multiples riffs accrocheurs, et aux nombreux changements de rythme. Inutile donc de s’attendre à un monolithisme de circonstance, les belges ont toujours la bougeotte, et privilégient une fois encore le coté le plus heurté du Death des années 90. Impossible donc de ne pas penser au monstre MORBID ANGEL en écoutant une piste comme « Spirit Excision », qui multiplie les cassures, les reprises, les blasts, et accumule les riffs démoniaques avec une fluidité incroyable. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les comparaisons de la toile des noms comme BLOODBATH, UNLEASHED, GATECREEPER, INCINERATE, ENTOMBED, GRAVE ou BENEDICTION, accolés à celui des belges, qui en effet, font tout ce qu’ils peuvent pour retrouver l’essence originelle du Metal de la mort. Mais à la différence de bon nombre de leurs homologues, les CARNATION n’hésitent pas à insuffler à leur hommage des respirations plus personnelles et contemporaines, ce qui donne à ce second album un équilibre très stable que nombre de formations pourraient leur envier. La jalousie pourrait aussi s’appliquer au timbre incroyable du hurleur en chef Simon Duson, assez proche d’une version encore plus démoniaque d’un David Vincent au sommet de son art, ainsi qu’à la frappe incroyable de précision et de brutalité de Vincent Verstrepen, qui aurait tout à fait sa place dans un combo Black Metal des plus crus.
Nous sommes donc en présence de musiciens figurant sur la A-list, qui connaissent leur boulot et leurs racines, et qui jouent avec le classicisme pour le faire leur. J’en veux pour preuve le monumental et épique « Napalm Ascension » qui n’est rien de moins que LA bombe Death de l’année 2020, avec ses harmonies à la DEATH de transition, et qui fait office de rouleau-compresseur écrasant les crânes d’un ossuaire avec une application confondante. Et, chose assez rare pour être soulignée, tous les titres de ce second LP ont leur personnalité propre, ce qui confère à Where Death Lies un confort d’écoute dans la variété non négligeable. On passe ainsi avec transition d’un morceau lourd et emphatique à une crise de colère juvénile, sans que la logique n’en soit défiée, même si le quintet s’autorise parfois des incartades plus fondamentalement classiques (« Serpent’s Breath »). Beaucoup plus pertinents et efficaces que la plupart de leurs confrères, les belges nous assomment donc avec classe, et si l’entame « Iron Discipline » pose toutes les bases sans ambages, elle n’en étale pas pour autant tous les arguments dès le départ. On se sent en terrain connu, mais le groupe a pris grand soin d’aménager des étapes déviantes, évitant ainsi le pèlerinage trop convenu pour surprendre les fans de Death old-school. Les riffs se succèdent à une vitesse hallucinante, mais l’emphase a aussi été mise sur les ambiances, pour créer une atmosphère mortifère du plus bel effet, qui catapulte des titres comme « Sepulcher Of Alteration » au sommet de la chaîne alimentaire nécrophage.
Loin d’un simple exercice de style Swedish Death comme on en encaisse deux ou trois par semaine, ce second tome des aventures morbides de CARNATION est passionnant de bout en bout, et d’une efficacité redoutable dans la créativité sous influence. La production énorme met en valeur les qualités de chaque intervenant, et si évidemment ce sont principalement le chant et la rythmique qui endossent le rôle de meneurs, les deux guitaristes ne font pas semblant d’exhumer leurs riffs les plus glaciaux, tout en restant formels dans l’interprétation. Alors, ça bouscule, ça avance et jamais ne recule, mais l’agression n’est ni gratuite ni stérile, et Where Death Lies a de véritables airs de grand classique nostalgique, de ces albums qui renvoient les copies carbone dans la corbeille de la photocopieuse. Il est vraiment plaisant et rassurant de tomber sur des œuvres pareilles, qui ne nous prennent pas pour des imbéciles à la mémoire courte ou d’indécrottables nostalgiques incapables de vivre avec leur temps, et une clôture de l’envergure de « In Chasms Abysmal » achève de désigner les CARNATION comme les futurs leaders d’un mouvement qui en a cruellement besoin. Qu’importe si ce titre épilogue sonne comme un leftover de MORBID ANGEL période Covenant, la sensation est délicieuse, comme l’impression générale qui se dégage de cet effort.
Titres de l’album:
01. Iron Discipline
02. Sepulcher Of Alteration
03. Where Death Lies
04. Spirit Excision
05. Napalm Ascension
06. Serpent’s Breath
07. Malformed Regrowth
08. Reincarnation
09. In Chasms Abysmal
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