Je ne vais pas mentir, la première fois que mes (plus si) délicates oreilles se sont posées sur ce premier LP des MORTAL SCEPTER, j’ai pensé à un groupe sud-américain, idée que la signature sur Xtreem Music semblait valider, et que la musique confortait de ses augures primitifs et barbares. Après tout, je commence à être coutumier de l’underground Thrash old-school international, et mon instinct ne me fait que rarement défaut, et pourtant, après consultation des informations disponibles sur la toile, je réalisais que cette horde de barbares ne venait ni de Santiago, ni de Sao Paulo, mais de…Dunkerque. Quelle ne fut pas ma surprise, mais aussi mon étonnement de constater que j’avais manqué l’émergence d’une nouvelle force de frappe dans notre beau pays, qui pouvait désormais s’enorgueillir d’abriter en son sein hexagonal un combo furieusement nostalgique, et pouvant largement faire la nique à la déferlante ininterrompue d’exactions viscérales venant du Chili, du Brésil, de Thaïlande, mais aussi d’Allemagne et des Etats-Unis. Vous me répondrez à juste titre qu’il n’y a pas de quoi se sentir fier une fois de plus d’exploiter un filon, mais je peux vous assurer qu’une fois que vous aurez assimilé ce bloc de béton qu’est Where Light Suffocates, vous partagerez mon enthousiasme. Qui sont donc ces preux défenseurs de la cause passéiste, qui ont visiblement tendu plus d’une oreille sur la production Cogumelo des années 80 ? Un quatuor démoniaque, activé en 2012, et déjà responsable d’une démo en 2014, d’un premier EP en 2015 (As Time Sharpens the Sentence), et d’un split l’année dernière avec leurs frères d’arme de DEATHRONED, parisiens eux aussi très énervés. Il n’est d’ailleurs finalement pas étonnant de les retrouver en train de partager des faces, puisque leurs conceptions sont assez proches, même si le radicalisme outrancier des MORTAL SCEPTER leur permet de se démarquer.
Thrash donc, par passion, mais aussi Death, et surtout, mélange des genres, dans la plus pure tradition des trublions originels, qui n’hésitaient pas alors à repousser les limites du chaos et du mauvais goût pour choquer l’intelligentsia et satisfaire les instincts masochistes des fans de l’extrême naissant. Axés depuis 2012 en quatuor, Valentin (basse/chant), Maxime et Lucas (guitares) et Guillaume (batterie) jouent les faux-semblants sur leur page Facebook, semant allègrement de fausses pistes pour égarer le chaland, et citant des artistes comme IRON MAIDEN, RUNNING WILD, MANILLA ROAD, DEATH, KING DIAMOND/MERCYFUL FATE, ADX ou SORTILEGE, alors même que leurs influences se situent plus en bas de page, dans le respect des KREATOR, NUCLEAR ASSAULT, DESTRUCTION, AURA NOIR, NEKROMANTHEON, DEATHHAMMER, NIFELHEIM, POSSESSED, AGRESSOR, DARK ANGEL, VENOM, BATHORY, ZAMBLA, DEMOLITION HAMMER, SADUS, ou MORBID SAINT. Et c’est évidemment dans cette liste beaucoup plus adéquate que vous trouverez les éléments de comparaison les plus viables, puisque l’ombre des DEATHHAMMER, MORBID SAINT et de l’early KREATOR planent très bas sur le spectre d’action des MORTAL SCEPTER, qui ne trompent personne sur leur amour inconditionné des VULCANO, SEPULTURA, et toute cette scène sud-américaine, pas toujours très carrée, mais sincèrement et perpétuellement énervée.
Parlant de parti-pris, les nordistes ont justement adopté celui d’une production d’époque, assez étouffée, rappelant le son de batterie du premier album de VIKING et en partageant d’ailleurs parfois la maladresse de mise en place. Mais si les représentants les plus violents de l’époque avaient clairement du mal à garder la cadence sans trahir la partition, le travail du quatuor de Dunkerque est évidemment beaucoup plus propre, mais tout aussi viscéral, et ce, grâce à une performance globale au-dessus de tout soupçon et entièrement guidée par la passion. Ce qui frappe au prime abord, c’est l’attaque impitoyable de Guillaume derrière ses futs, qui les agresse comme un malpropre, malgré des graves nivelés par le bas et un son de grosse caisse un peu trop cotonneux. Et emballé dans un superbe artwork signé John Whiplash, Where Light Suffocates représente l’une des entrées en matière les plus probantes du Blackened Thrash depuis au moins cinq ans, d’autant plus que nos petits français ne se contentent pas de nous refiler huit ou neuf morceaux sortis du même moule. Pas étonnant dès lors que les espagnols d’Xtreem se soient laissés tenter par ce déluge de haine sombre, puisque Maxime et Lucas sont allés exhumer des cimetières allemands et brésiliens les riffs les plus putrides et concis, jouant de la circulaire comme un ouvrier en pleine montée de speed, et plaquant des motifs immédiatement mémorisables, quoique légèrement enterrés dans le mix. Ce sont donc les deux six-cordistes qui dictent la conduite, et qui mènent cette valse entre Thrash bestial, Death primal et Black viscéral, nageant parfois à contre-courant de leurs propres eaux, mais suivant la plupart du temps une vitesse de croisière appréciable. Difficile aussi d’occulter le chant délicatement graveleux de Valentin, qui grogne comme un beau diable enfermé dans sa cage, et qui en profite pour plaquer quelques lignes de basse vicieuses.
Certes, on connaît la formule par cœur, mais elle est appliquée avec tant d’ardeur qu’on ne peut que se montrer admiratif. Et pour une fois qu’un groupe s’abreuve à la source sans se faire gonfler le bide, on ne peut qu’être satisfait, les clichés les plus évidents ayant été évités au profit d’une redoutable efficacité. Et dès les premières attaques de « Where Light Suffocates... », le ton est donné, les guitares virevoltées, et le tempo martelé comme à la grand époque des musiciens lusophones découvrant la sauvagerie la plus implacable. Difficile de ne pas penser à SARCOFAGO, à VULCANO, mais aussi aux prémices du Thrash/Black à l’allemande, avec en exergue de fréquentes allusions à Endless Pain version turbo ou à In The Sign of Evil en version plus pro, mais ce Metal frondeur pratiqué par les MORTAL SCEPTER est d’une franchise redoutable, et d’un professionnalisme dans l’amateurisme parfaitement délicieux. Difficile de résister à ces rudes broncas qui vous bousculent de leur Thrash/Crust teigneux comme une tique plantée dans un mollet (« Murder the Dawn », élu titre de morceau de l’année par Angry Metal Guy, à raison), ou à ces atmosphères nocturnes déliquescentes empestant le sacrifice humain sur fond de Heavy malsain (« Lust Spells »). Bons musiciens, les quatre nordistes mettent donc leur talent au service d’une musique qu’ils adorent, et ne se contentent pas de sauver les meubles en copiant Ikea. Et sans sombrer dans l’hagiographie, autant dire que le tout tient méchamment debout, nous secoue les puces, et se termine même dans une épopée orgiaque de plus de dix minutes, lâchant la vapeur évolutive sur un dantesque « ...The Scepter Reigns », qui clôture avec morgue un premier LP sûr de son fait. Une belle preuve de fidélité à un genre qui ne supporte pas la médiocrité et la copie-carbone bâclée, et la certitude d’être tombé sur un groupe qui risque de nous en faire baver. Et puis, on ne choisit pas non plus les trottoirs de Santiago, de Dunkerque ou Belo Horizonte pour apprendre à thrasher.
Titres de l’album :
1. A Ray of Despair
2. Where Light Suffocates...
3. Murder the Dawn
4. Lust Spells
5. Perish With the Flesh
6. The Carpathian Castle
7. Spear and Fang
8. Swallow Your Tongue
9. ...The Scepter Reigns
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