Vous pouvez faire confiance aux allemands d’Iron Bonehead pour dénicher les groupes les plus evil de la création. Un simple coup d’œil à leur catalogue suffit pour comprendre que le mainstream, l’extrême « raisonnable » et le tout-venant ne sont pas le genre de la maison, chose que vous avez assimilée depuis longtemps si vous êtes un fidèle lecteur de mes chroniques…Une fois encore, le label d’outre-Rhin s’est surpassé dans le pelletage de terre païenne en dénichant un concept polonais des plus traumatiques. Aussi mystérieux dans le fond que véhément dans la forme, le projet TEMPLE DESECRATION est en effet blasphématoire à plusieurs niveau, et cache autant son identité que ses desseins artistiques. Fondé en 2011, ne disposant d’aucune page officielle ou non, et cachant son line-up comme un secret inavouable, ce présumé trio selon les photographies promotionnelles n’est que fiel et bile, et son premier longue-durée, Whirlwinds of Fathomless Chaos porte si bien son nom qu’on devine sans l’écouter qu’il est consacré à la frange la plus imbuvable de la fange Death/Black européenne. N’ayant à son actif qu’une démo (Abhorrent Rites en 2012) et un EP (Communion Perished en 2014), le collectif de Tychy a su susciter suffisamment d’intérêt pour voir son premier album distribué dans l’underground, et après écoute des cinq pistes en question, il n’est guère étonnant de retrouver ce label en soutien, tant leur bordel glauque et soutenu s’inscrit parfaitement dans la logique de déconstruction ambiante. Très difficilement cernables, les TEMPLE DESECRATION pratiquent un genre de Death primal très diffus et très sombre, qui pourrait se concevoir comme un mélange d’outre-tombe des cadavres de GRAVE, REVENGE et ENCOFFINATION, le tout joué à une vitesse déraisonnable, et relativement empreint de bestialité sud-américaine.
Si la comparaison vous sied, jetez-vous sur Whirlwinds of Fathomless Chaos. Vous tomberez en effet en plein milieu d’une tornade de chaos sans fin, comme une spirale menant directement du purgatoire en enfer. Se reposant sur des structures simples, répétitives et hypnotiques, les polonais ont pris le parti de privilégier des riffs indiscernables, bloqués sur des fréquences ne permettant pas de les distinguer de la basse, laissant la batterie voguer à sa propre cadence, et enrobant le tout dans un chant sépulcral égrenant ses litanies de mort avec une belle conviction Death/Black. Ils sont à ce point persuadés du bien-fondé de leur ignominie qu’ils ne prennent même pas la peine de travailler sa diversité, les trois premiers morceaux semblant former une longue suite homogène, perturbée de cris, de soudaines accélérations et de breaks aussi lourds qu’un orage d’été. Il faut donc attendre le véritable gros morceau de l’album, « Covenant » et ses douze minutes mélangeant Doom poisseux et Death nauséeux pour apprécier une digression sur les dogmes développés. Envisageable comme une sorte d’adaptation du cauchemardesque « Triumph of Death » des HELLHAMMER dans un vocabulaire contemporain, ce morceau aussi peu évolutif qu’il n’est subtilement progressif s’engonce dans le marigot de l’inhumanité musicale pour n’en retirer que les aspects les plus repoussants de l’extrême. Lent, lourd et processionnel, ce mantra pour âmes perturbées nous emmène aux confins d’un Death/Doom incantatoire, et réveille les fantômes de dISEMBOWELMENT, d’INCANTATION, de FUNEBRE et de WINTER, pour les convoquer à la table des ENCOFFINATION, l’exagération en moins, et une certaine forme de musicalité dans les chœurs désincarnés en plus. S’il est tout à fait possible de trouver ça un brin excessif, s’il est tout à fait concevable d’en être écœuré au bout de trois ou quatre minutes, la tentative de matérialiser le dégoût de la vie n’en est pas moins palpable et remarquable, et atteint presque son but à force de résignation grave et de pesanteur asphyxiante.
Le final « Blood Offering », reprend peu ou prou les recettes développées sur les trois premiers morceaux, avec sa rythmique toujours aussi hors de contrôle, mais appuie un peu plus sur les aspects les plus craspecs de l’optique, pour achever de développer une philosophie nihiliste rappelant les débuts du Death scandinave, amplifiés d’un extrémisme de l’est assez peu complaisant dans son refus de la raison. On se demande alors si on se trouve en terrain Death, Black ou Noise, puisque la guitare ne bénéficie toujours pas d’un traitement plus médium, mais la folie de l’ensemble permet de se raccrocher à une version hypothétique de bestial Black à la brésilienne, sans vraiment savoir si l’influence est réelle ou fantasmée. Certains passages nous tirent même de leurs répétitions vers un Indus post-mortem, refluant les mêmes thèmes de façon concentrique, pour mieux nous propulser vers un final aux samples envahissants, et à la basse plus grave qu’une sentence de mort. Exercice de style ou réel avancée musicale ? La question reste en suspens, mais la réponse paraîtra évidente aux plus raisonnables d’entre vous, tandis que les maniaques de l’extrême loueront les qualités d’intégrité d’un groupe qui refuse toutes les conventions harmoniques pour extirper le bruit de sa condition finale. En travaillant leur image autant que leur musique, qui reste pourtant viscéralement crue, les polonais de TEMPLE DESECRATION nous offrent donc un joli mystère à percer, si tant est que vous en ayez envie. Pas forcément plus viable artistiquement que n’importe quelle autre signature Iron Bonehead, mais pas non plus moins intéressant que le reste de leur catalogue, ce premier album permet de rajouter une pierre au mausolée bruitiste, sans trop le faire grandir.
Titres de l'album:
1. Nameless Hordes
2. Entering the Void
3. Dominion of Darkness
4. Covenant
5. Blood Offering
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