Si j’ai bien compris l’affaire, Whispers Of Time est un album posthume. En effet, le quintet italien BLACK WINGS a déposé le bilan en 2011, six ans seulement après sa naissance. Alors qu’une voie royale semblait pavée pour eux, nos amis de Ferrara ont jeté l’éponge et rejoint leur coin sur le ring, alors même que le public fondait de grands espoirs pour leur avenir. Ils incarnaient visiblement l’avant-garde de la nouvelle vague Heavy italienne, ce que leur premier long Sacred Shiver confirmait de sa fougue. Mais alors, quel intérêt de parler d’un orchestre mort et enterré, alors que tant de nouveautés frétillantes me tendent leurs sillons ?
Tout simplement parce que cet album est extraordinaire, frais, enthousiasmant, et donc très éloigné des larmes réservées aux funérailles les plus discrètes.
BLACK WINGS nous a quittés en 2011, après l’enregistrement d’une troisième démo qui aurait dû devenir un véritable longue-durée. Ce longue-durée nous est donc présenté aujourd’hui, avec un son nouveau, et offre une belle revanche au quintet qui aurait pu en effet devenir l’un des leaders de la scène Heavy italienne. On y trouve tous les éléments d’un Hard-Rock ciselé et moulé, les mélodies accrocheuses du Power Metal le plus accessible, et la fougue du Heavy le plus traditionnel. On se dit donc que l’histoire est injuste, et qu’elle aurait dû permettre à ces sympathiques musiciens de continuer tranquillement leur parcours, jusqu’au succès. Mais on ne refait jamais l’histoire.
Ou alors, dans notre tête.
Dans la mienne, Whispers Of Time est arrivé dans les bacs en temps et en heure, et est devenu un classique indémodable. Avec quatre morceaux déjà présents sur l’ultime démo The One Who's Never Unemployed, ce deuxième long reprend le passé en mode présent, et nous explique par Ritchie + Ronnie James la fascination de ces jeunes musiciens pour DEEP PURPLE et RAINBOW, dont ils reprenaient les œuvres. On retrouve dans cette fausse compilation des accents seventies très prononcés dans les arrangements de clavier, mais aussi cette puissance théâtrale que RAINBOW a souvent utilisée sur ses titres les plus emphatiques. « Another Sun » en est un bon exemple, et titille même la sensibilité des fans de la scène progressive, pour se rapprocher de la tutelle de DREAM THEATER, une autre référence avouée.
De son vivant, le quintet (Diego Albini - chant, Filippo Cavallini - basse, Claudio Pietronik - guitare, Alessandro Duò - claviers et Giacomo Bazzani - batterie) a partagé la scène avec quelques pointures (VISION DIVINE, CIRCUS MAXIMUS, SEVENTH WONDER, WHITE SKULL et Andre MATOS), et en a certainement tiré quelques leçons. Le nom d’ANGRA vient parfois à l’esprit lorsque l’ambiance se veut plus royale, respectant une étiquette de qualité très stricte. En s’appuyant sur les qualités individuelles de chacun, BLACK WINGS pouvait donc parler un langage universel de Metal en fusion, énergique, puissant, lyrique et poignant. D’ailleurs, plus l’album avance, plus les ambitions s’affichent. Nous passons de chansons claires et concises à de longues suites plus développées, à l’image de « The Sense of Emotions » qui garde le lien le plus fort avec ce Power Metal popularisé par ANGRA et STRATOVARIUS. Et avec un chanteur du calibre de Diego Albini, tout était possible, mêmes les choses paraissant hors de portée.
Une musique très aérée, qui n’est pas sans sonner comme du DREAM THEATER vulgarisé. Le DREAM THEATER des primes années, agrémenté d’une couche épaisse de Heavy classique, pour séduire tous les publics sans perdre son âme. Quelques nappes de synthé en hommage aux ténors des seventies, une énergie typiquement nineties, pour un produit incroyablement bien agencé et arrangé, qui aurait dû être officiel, et en temps et en heure.
BLACK WINGS était largement capable de devenir la tête d’affiche du renouveau italien en matière de Metal pur et passionné. En découvrant la ballade « Waiting in Heaven », on ne peut qu’éprouver des regrets quant à ce brusque arrêt de carrière, puisque les cinq musiciens savaient doser un effort et s’offrir un intermède larmoyant, mais pas gluant pour autant.
« The Story Ain’t Over » enfonce encore un peu plus le clou dans le cercueil des actes manqués, et développe pendant plus de sept minutes de magnifiques arguments de Power Metal soft et moelleux. Les cassures de rythme, les harmonies célestes, les petites trouvailles techniques qui épaississent les strates de son, la démonstration est majeure, et le plaisir aussi.
Je ne peux que m’étonner de ce destin brisé. Avec un tel disque dans la besace, BLACK WINGS pouvait légitimement prétendre à une place assurée sur le podium, tant sa musique résonnait d’un éclat de sincérité touchant et inspirant. Mais comme l’histoire nous donne la possibilité de revoir le passé différemment, profitons de cet écho d’une dimension parallèle dans laquelle le groupe est toujours actif, et habitué des plus grandes scènes mondiales.
J’aime beaucoup cette option. Whispers Of Time est un magnifique écho. Ne le laissons pas s’évanouir par manque d’attention.
Titres de l’album:
01. Opening the Gates
02. Cold is the Wind
03. Strangers to this World (Like You)
04. Calling to a Fool
05. Another Sun
06. The Sense of Emotions
07. Waiting in Heaven
08. The Story Ain’t Over
09. Whispers of Time
10. Back to Consciousness
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