Devisons ensemble sur les mérites du Black Metal scandinave. Nous tenons d’ailleurs en cette fin de mois de juin la sortie parfaite pour remettre le débat sur le tapis, puisqu’un des groupes les plus cultes du cru nous honore de son retour après une très longue absence. Pour éviter les malentendus, il ne s’agit pas de MARDUK (mais nous y reviendrons plus tard), mais d’un de leurs homologues, plus récent dans la naissance, mais pas moins complaisant dans la violence. De Dalarna nous en revient donc une créature immonde des abysses, CRAFT, l’un des plus dignes représentants du BM national, fondé en 1998, mais dont les origines remontent à 1994 sous un autre patronyme (NOCTA), et qui semble toujours aussi pertinent en 2018, vingt ans après son apparition. Disposant d’une discographie irrégulière mais impeccable, avec quatre longue-durée depuis leurs débuts (Total Soul Rage en 2000, Terror Propaganda en 2002, Fuck The Universe en 2005 et Void en 2011), les seigneurs du chaos brisent donc le lourd silence de sept ans de réflexion avec ce cinquième volet nommé fort à propos White Noise And Black Metal. Comment en effet être plus franc et mieux jouer la transparence pour décrire leur tonitruant et bruyant retour sous les feux ardents des projecteurs, que cette combinaison sémantique qui colle aux os d’une musique aussi aride qu’une nuit sans pluie et aussi brutale qu’une société à la dérive ? C’est impossible j’en conviens, et même si le groupe prend légèrement ses distances avec les orientations de son dernier LP pour mieux se replonger dans ses origines, les fans acharnés de Void ne seront pas surpris du déferlement de haine viscérale que vomit ce nouvel effort.
Car CRAFT, comme son nom l’indique, sait créer des ambiances délétères et des atmosphères mortifères. En se calant sur le purisme d’un BM des nineties, et en admettant les leçons apprises des DARKTHRONE, d’IMMORTAL et MARDUK, ils assument pleinement leur identité, tout en proposant quelques digressions intéressantes et non dénuées d’un groove assez marqué. Les adorateurs de Transilvanian Hunger et groupies absolues de CAPATHIAN FOREST, KHOLD, SHINING ou WATAIN seront ravis de retrouver ces rythmiques épileptiques, ces soudaines pesées compressant les tympans, ces vocaux décharnés se rapprochant de ceux de Nocturno Culto, ces riffs empestant la pourriture, et ce climat froid comme un hiver sans fin, composantes essentielles de la musique du quatuor (Joakim Karlsson - guitare, John Doe - guitare, Nox - chant et Phil A.Cirone - basse). De fait, White Noise And Black Metal est en effet égal à la somme de ses parties, et nous réconcilie enfin avec le rigorisme du BM le plus traditionnel, qui ne crache pas sur un brin de modernisme par touches fugaces. Ce modernisme, ou plutôt ce subtil désir de s’inscrire dans son époque se matérialise surtout autour de quelques parties empruntes de Black N’Roll, loin d’être aussi putassières que l’ADN du DARKTHRONE le plus cocasse, mais très efficaces pour obliger l’auditeur à ne pas se reposer sur ses certitudes. Pourtant, les certitudes sont bien là, et le mélange de nihilisme des débuts de la scène s’accommodant fort bien d’une production à faire pâlir Morgan et Mortuus, le résultat est une fois de plus terrifiant, envoutant, bruyant, et incroyablement puissant.
Ces sept années dans l’ombre n’ont donc en rien entamé la foi des suédois, qui en profitent pour mettre quelques détails au point dans leur communiqué de presse. Non, le groupe ne s’est jamais séparé, mais les compositeurs préfèrent prendre leur temps et ne hurler que lorsqu’ils ont quelque chose à exhorter, et c’est effectivement ce que l’on constate en dégustant les huit morceaux de cet album, qui tout en collant à une philosophie bien précise, se montrent suffisamment variés pour ne pas lasser. Entre dérive haineuse et séduction en tempo bondissant, les CRAFT revisitent les dogmes à leur façon et donnent une bonne leçon à tous les amateurs de dérive Post et autres adaptations modernes, prouvant qu’on peut encore sortir un excellent album de BM sans chercher la petite bête ou accepter n’importe quelle concession. Ici, la froideur est palpable et digne d’une rigor mortis, les guitares geignent, invectivent, menacent, préviennent, blessent et font mal, mais savent aussi trouver l’accroche fatale pour propulser la peur dans une dimension létale (« Darkness Falls », presque Heavy à la IMMORTAL dans le fond, mais plus primaire et sombre que le FROST dans la forme). Si certains titres s’appuient sur une assise thématique classique, ils ont le mérite de proposer un monochrome aux ambitions artistiques indéniables (« The Cosmic Sphere Falls », difficile de faire plus traditionnel depuis le MAYHEM de 1994), ou une lourdeur poisseuse à rendre les DARKTHRONE de Panzerfaust blêmes de honte (« Tragedy Of Pointless Games », hypnotique, insinueux, mais cathartique dans sa lenteur, avec encore une basse proéminente qui évite l’écueil du lo-fi). En gros, quelle que soit l’optique choisie, les solutions proposées sont les bonnes, et surtout, les plus funestes et honnêtes.
Les mélodies constatables sur Void sont ici malmenées au-delà du raisonnable, déformées, torturées, mais elles finissent par épouser les contours d’une misanthropie de toujours (« Again », riff ultra redondant pour litanie concentrique trépidante et élastique), tandis que les blasts, évidemment au cœur des débats, savent s’effacer devant un mid tempo incroyablement entêtant, supportant une guitare ludique, mais sadique (« Undone »). Sûr de ses qualités, le groupe avance à visage découvert, n’hésite pas à user de dissonances pour provoquer la stridence (« Crimson », monolithique mais beau succès critique), laissant à ses plans le temps de respirer, de s’imposer, sans atténuer la violence ni la diluer (« Shadow », un chant au sommet de son art horrifique qui donnera des nausées aux nostalgiques de De Mysteriis, mais aussi des suées aux abonnés des délires de DEATHSPELL OMEGA). Et en arrêtant le timing au moment parfait, les suédois entérinent leur retour par un final empestant le Thrash glauque à cent tombes à la ronde (« White Noise »), et signent là l’un des retours les plus probants de l’histoire de la scène. Sans avoir vraiment disparu, mais sans avoir donné de nouvelles pendant sept ans, CRAFT a durement travaillé sa partition, et rend non copie blanche, mais libretto impeccablement rempli d’un Black Metal formel et diablement créatif dans son déroulé classique. Une belle preuve de vitalité, et l’assurance que la pérennité du genre peut encore compter sur de fidèles et talentueux représentants.
Titres de l'album:
1. The Cosmic Sphere Falls
2. Again
3. Undone
4. Tragedy of Pointless Games
5. Darkness Falls
6. Crimson
7. Shadow
8. White Noise
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