« Formé à une époque où tous ceux les entourant semblaient essayer de se dépasser les uns les autres avec des signatures rythmiques étranges et une compétition de pédaliers tous plus gros les uns que les autres, HORNETS a émergé déjà prêt à tous les niveaux. Plus dur, plus brutal et dangereux que tous ces groupes aux alentours »
Voici donc une façon bien péremptoire et prétentieuse de se présenter. Mais après tout, il n’y a aucun mal à avoir une confiance aveugle en soi et ses moyens, spécialement lorsque ce que l’on affirme est assez proche d’une indéniable vérité.
Les HORNETS seraient donc les sauveurs honnêtes d’un underground qui part à la dérive d’une surenchère grotesque ? C’est en tout cas ce que ces pourfendeurs de son aseptisé semblent nous dire, encore faut-il que la musique suive derrière.
Ce que l’on ne peut guère leur enlever, c’est qu’ils ont effectivement choisi la simplicité de la crudité, ce que les trente-quatre minutes de leur premier album prouvent assez rapidement, et en restant constantes dans l’agression pure.
Les HORNETS viennent donc de Belfast, et ont déjà publié deux EP, Truth en avril 2013 et No Faith en mai 2014. Il leur aura donc fallu peaufiner leur grande entrée pendant plus de trois ans, ce qui en dit long sur leur abnégation et leur sens de la persévérance.
Après quelques changements de formation, puisque Rich Stuart a pris le micro des mains de James McAuley, les irlandais fans de frelons nous offrent donc leur propre état des lieux du Hardcore à tendance cruelle, subtilement empreint de BM de bon ton, et d’accélérations foudroyantes qui nous épargnent une catatonie de son. Sans se départir de leur philosophie de base, les défenseurs d’un certain art de vivre et de jouer underground progressent à pas de géant dans leur domaine avec un Witch Hunt qui part en effet sur les traces de manipulatrices malfaisantes de techniques modernes outrancières, un Malleus Maleficarum Core fermement tenu en mains.
Nul ne sait si ce premier album déclenchera une épure dans les eaux boueuses de l’extrême européen, mais ces barbares font en tout cas tout ce qu’ils peuvent pour nous convaincre du bien-fondé de leur croisade, à grands coups de riffs tronçonnés et de patterns rythmiques uberdosés.
Pour autant, leur musique en est-elle plus convaincante que celle de leurs voisins ? Pas certain, mais elle fait preuve d’une belle énergie noire et développe une atmosphère assez prenante dès ses premiers instants.
On pense parfois à un vilain/méchant mélange entre le DEAFHEAVEN le plus récent et le ENTOMBED de transition, celui de Hollowman qui hésitait encore entre Death gravissime et N’Roll fratricide, pour cette manière d’envisager les choses avec crudité, mais sans se départir d’un groove assez gluant dans les accroches de guitare et de basse abyssales. Witch Hunt explore son propre monde, fait de violence et de contemplation morbide, en multipliant les up tempi maudits et les écrasements rythmiques épuisants, pour se confronter au Hardcore le plus noirci ou au Crust le plus défraichi, histoire de présenter la lande irlandaise sous une nuit sombre et occulte.
Enregistré aux légendaires studios locaux Rocky O’Reilly’s Start Togethern, cette chasse aux sorcières ne pâlit jamais d’un manque de puissance, et développe des théories déjà exposées sur les précédents EP, tout en proposant des motifs neufs qui confirment que les truands du nord savent faire fructifier leur inspiration. En adoptant une posture délibérément Punk transcendant des influences Blackened Core évidentes, les HORNETS jouent le jeu de la brutalité avec efficience, sans pour autant éviter la redite ponctuelle, ce qui est une des caractéristiques de ces styles extrêmes qui refusent toute dilution.
Mais aussi itératif soient les morceaux de ce premier LP, leur allant global et leur son massif leur permettent de décoller vers les enfers de l’extrême nord-européen, tout en lâchant quelques allusions criantes au Crust/D-beat scandinave le plus dru et charnu.
Résultat ?
Un LP homogène, qui préfère proposer des compositions courtes et percutantes plutôt que des digressions interminables et ronflantes.
Ce qui frappe assez rapidement à l’écoute de ce premier jet, c’est ce son si lourd qui lui permet de surnager au-dessus de la masse. Que le groupe opte pour un tempo épileptique ou pour une emphase oppressante et suffocante, le geste reste incroyablement Heavy, et se permet en certaines occasions de damer le pion à des NAILS ou PRIMITIVE MAN, sans même chercher à les provoquer sur leur propre terrain.
Sans abuser non plus de dissonances et de stridences trop répétées, et souvent destinées à dissimuler la pauvreté du propos, Witch Hunt avance à bon rythme et s’embourbe dans un marigot poisseux, nous entraînant dans sa propre chute pour notre plus grand plaisir coupable.
En trente-quatre minutes pour quatorze morceaux, les irlandais ne jouent pas la montre et déposent leurs idées sans capitaliser sur l’accumulation, qui devient pourtant patente au fur et à mesure des pistes. Celles-ci restent lapidaires et brèves, à quelques exceptions près, dont un traumatique final « Horro Vacui » qui constitue la meilleure chute dont le groupe pouvait rêver, avec son atmosphère étrange et flippante, rapprochant le projet d’un Post Hardcore/Sludge opacifié d’un BM cauchemardesque.
A ce petit jeu de la longueur, « Harvest » tire aussi son épingle du jeu, et ose des motifs vraiment profonds et dérangeants, opposant la lourdeur à l’oppression, dans une optique à la CETUS/PRIMITIVE MAN plus personnelle.
Le reste du répertoire navigue à vue, et privilégie la rapidité glauque au statisme, sans pour autant laisser de côté ces réflexes écrasants (« Hikikomori »). Le tout va quand même assez vite dans un registre Crust bien sale (« The Long Pig », « One Of Us », « Cities »), mais sait aussi développer des riffs et des rythmiques accrocheurs (« Trixie » et son intro énorme d’une basse qui déborde).
Et finalement, ce premier LP plus versatile qu’on ne le pensait au prime abord s’impose sur la durée, à contrario de pas mal de groupes actuels qui ont du mal à maintenir la pression jusqu’au bout.
Les HORNETS ont donc très bien choisi leur nom, et leur musique bourdonne comme ce gros insecte qui vole près de nos oreilles, nous rendant mal à l’aise et risquant de nous piquer pris d’une crise de colère. Un frelon qui plane en piqué, qui se stabilise avec des mouvements erratiques, et qu’on aimerait bien écraser mais qui échappe à tous nos coups d’un mouvement d’aile étudié.
Titres de l'album:
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