Les suédois jouent comme des américains, les américains comme des européens, les polonais jouent comme des brésiliens, les brésiliens comme des australiens et les australiens comme des suédois. Voici la boucle mondiale bouclée en célébrant la sortir du premier album de THE PLAGUE, entité démoniaque née du côté de Sydney. Assemblé en 2016, ce concept morbide né du cerveau légèrement dérangé d’une poignée de musiciens fascinés par la putréfaction et le vent gelé des côtes suédoises, a déjà publié il y a quatre ans un manifeste courte-durée avec cinq morceaux sous la forme d’un EP, très justement intitulé Mass Genocide. On y découvrait alors un ensemble totalement obsédé par le son des studios Sunlight et de la pédale HM-2, et quatre ans plus tard, nous prenons acte d’une stabilité du marasme créatif. Car THE PLAGUE, c’est un peu l’hommage absolu, la citation dans le texte à la virgule près du Necronomicon, et une façon de prendre le chemin de gauche en marchant dans les pas des premiers pèlerins de l’extrême. Les mecs n’y vont d’ailleurs pas avec le dos de la cuillère, puisqu’ils assument leur mimétisme dans leur bio même, en plaquant un lapidaire :
THE PLAGUE is a swedish inspired old school death metal band from sydney with members of BLUDGEONER, ROADSIDE BURIAL, RAMPAGE, MURDER WORLD, PARALYSIS…
Avec un tel avertissement, pas moyen de se gaufrer, et en écoutant les dix pistes de ce premier long sobrement baptisé Within Death, on se rend compte qu’effectivement, les influences de ces cinq-là sont criantes dès le départ. A l’image d’un LIK qui ne fait pas grand mystère de ses obsessions, ces cinq embaumeurs appliqués (Will - basse, Dan - batterie, Chinch & Shane - guitares et Mike - chant) affichent leur passion comme un dossard sur une veste en jean, et honorent la mémoire d’ENTOMBED, GRAVE, DISMEMBER et autres fossoyeurs de l’histoire qui dès le départ, ont privilégié l’épaisseur à la substance, nous inondant de tripailles encore gelées par une météo capricieuse.
De là, rien de neuf à se mettre dans le gosier, mais une puissance phénoménale à profaner les cimetières les plus surveillés et protégés de Stockholm. Doté d’un son gigantesque, ce premier album excuse presque son formalisme de sa puissance, et livre une partition aussi inspirée que celle d’un tribute-band à la gloire de Lars Goran et les siens. Mais malgré ces emprunts plus que notables, on se laisse séduire par ce travail de reconstitution qui nous plonge dans un épisode des Experts consacré à des meurtres à la suédoise, et cherchant la piste d’un meurtrier qui ne fait rien pour dissimuler sa culpabilité. Celle de THE PLAGUE est de reprendre note pour note des morceaux déjà popularisés par les quelques groupes déjà cités, qui se sentiront honorés d'une telle admiration. Et dès « Mind Eraser » et son intro horrifique cheap, les éléments sont en place, comme dans un slasher classique, et l’apparition du boogeyman ne se fait pas attendre. Après quelques notes de synthés sobres mais prenantes, le riff prend enfin son envol et nous renvoie à l’époque glaciale su séminal Left Hand Path et du monstrueux Like an Ever Flowing Stream.
Une fois encore, la Xerox a frappé de ses vingt pages minutes, et le processus de copie intégrale nous renvoie à la vague la plus fidèle des dogmes établis il y a quelques décennies. On peut évidemment se lasser d’un tel respect des codes, mais il est difficile de ne pas apprécier cette débauche de violence crue, mise en exergue par des morceaux brefs et incisifs. D’autant que le groupe ne lésine pas sur la vitesse et la barbarie rigide, avec des crises de démence vraiment effrayantes (« Spawn of Monstrosity », sorte de « Skin Her Alive » encore plus bourrin mais moins misogyne), mais aussi des temporisations post-mortem assez tendues (« Festering in Sickness »). Bien sûr, des intitulés des morceaux à leur interprétation, tout empeste le plagiat dans une fosse commune des idées repiquées, mais l’énergie dont font preuve les australiens pour ternir leur soleil d’une nappe glaciale scandinave mérite et force le respect, et Within Death d’atteindre un niveau de qualité impressionnant dans la reproduction.
Alors, allez-y, envoyez-vous le compressé et oppressant « Hand of Greed », piochez dans les sacs à cadavres ouverts par « Dismal Solitude », et admirez la lande désolée du haut d’une colline située dans la périphérie de Sydney, comme si vous preniez en pleine face le vent sur une des côtes de Suède. On peut ne pas cautionner ce genre d’entreprise de relecture un peu trop fidèle, mais on ne peut nier la sincérité d’un groupe qui a tout compris à son sujet. On espère juste que la prochaine incarnation sera plus personnelle, et un peu moins empruntée sous peine de réserver un caveau de famille à mi-chemin de Stockholm et Sydney pour y enterrer ces plagiaires plus ou moins futés.
Titres de l’album:
01. Mind Eraser
02. Torment the Living
03. Spawn of Monstrosity
04. Effigy of the Rotten
05. Hand of Greed
06. Drones
07. Slave to Addiction
08. Dismal Solitude
09. Within Death
10. Festering in Sickness
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