WARBRINGER, c’est un peu le symbole de cette quatrième ou cinquième (j’avoue, j’ai perdu le fil depuis longtemps) vague de Thrash acts qui perpétuent une certaine tradition de la violence héritée des 80’s. Un groupe aux rangs serrés, qui ne surprend que très rarement, mais qui livre des albums solides à intervalles réguliers. Un groupe qui refuse les fioritures et qui est assez réticent à l’idée de diluer sa brutalité dans une quelconque expérimentation, mais qui ne crache pas sur un brin de fantaisie progressive.
Pas aussi fouillé et excentré que VEKTOR, beaucoup moins fun et outrancier que les MUNICIPAL WASTE, mais une sorte de grand-frère qui sait, qui connaît, et qui utilise des ficelles bien tendues pour arriver à ses fins, à savoir pratiquer un Thrash compact, massif, mais non dénué d’une certaine finesse.
En gros, un pont tendu entre SODOM et EXODUS, avec une emphase particulière sur l’efficacité mélodique made in USA.
Je les connais depuis un bail maintenant, puisque j’étais derrière mon clavier pour parler de leur premier album, War Without End, paru en 2008, qui m’avait mis une bonne grosse claque à l’époque.
Depuis, le quintette US a aligné les sorties, toutes de valeur, sans vraiment surprendre mais encore moins décevoir, et ce cinquième LP ne déroge à aucune de ces règles.
Il est vrai que nous étions quasiment sans nouvelles d’eux depuis le plutôt bon IV : Empires Collapse, que les diehard avaient jugé meilleur que Worls From Asunder. Quatre années avec quelques news dispensées d’un ton plutôt discret, et quelques morceaux lâchés en avant-garde, qui semblaient adopter la ligne de conduite habituelle.
Du Thrash, encore du Thrash, toujours du Thrash, et finalement, c’est bien ce que tout le monde attend d’un combo de cette trempe, qui n’est pas prêt de retomber de son piédestal avec ce Woe To The Vanquished.
Pour la petite histoire qui finit toujours par faire la grande, ce titre fait référence à un épisode historique de la construction de Rome.
En 390 avant JC, une horde de Gaulois mené par le chef de guerre Brennus attaqua Rome, mettant la ville à genoux à l’exception des habitants de la colline du Capitole. Les Romains restant tentèrent donc une négociation avec l’ennemi, en leur garantissant un paiement en poids d’or pour assurer leur liberté. Une fois le butin amené à Brennus, ce dernier le pesa sur sa balance, et indiqua que le compte n’y était décidément pas. La balance était évidemment truquée, ce qui n’échappa pas aux insurgés, qui firent savoir leur mécontentement. En représailles, Brennus mis sa lourde épée, sur le plateau d’équilibre, et somma les Romains de compléter la somme due, et d’y ajouter le poids de son épée. Il lança donc son fameux « Vae Victis », qui en anglais se traduit évidemment par Woe To The Vanquished, et anticipa sans le savoir avec quelques siècles d’avance l’un des albums de Thrash les plus meurtriers de l’histoire…en termes de musique.
Produit et mixé par Mike Plottnikoff (FEAR FACTORY, IN FLAMES), masterisé par Howie Weinberg (SLAYER, PANTERA), et emballé dans une pochette signée Andreas Marschall (SODOM, BLIND GUARDIAN, OBITUARY), Woe To The Vanquished est l’archétype d’album franc du collier et sans détour qui catapulte le Thrash le plus virulent au rang de dogme ultime tout en assumant sa complexité et sa finesse avouée.
Dans la plus droite lignée des références antérieures du groupe, il capitalise sur le succès des Américains pour asseoir leur réputation un peu plus profondément sur le trône de leaders d’un mouvement à l’ampleur exponentielle, mais montre aussi quelques faiblesses, ce qui est toujours le cas de ces artistes frondeurs qui refusent quand même la facilité la moins digne.
Et dans son agencement et le choix de ses pistes, ce cinquième LP ose des choses un peu inhabituelles, sans vraiment réussir son coup systématiquement, mais laissant quand même une impression de monstre qui déploie sa corpulence pour vous cacher du soleil.
Ainsi, les WARBRINGER ont placé aux avant-postes les titres les plus immédiats et impulsifs (ceux-là même qu’on découvrait en amont de cette sortie), pour réserver la seconde partie à des tentatives plus poussées, et pas toujours inspirées il faut bien l’avouer.
Ainsi, si les ouvertures « Silhouettes » et « Woe To The Vanquished » ne tournent pas autour du pot et s’épanchent dans des démonstrations de violence tout à fait pertinentes (avec même quelques fantaisies en blasts pour le second), des intermèdes plus lourds s’embourbent dans des marécages dignes d’un SODOM des mauvais jours, et une démarcation du Heavy/Thrash Allemand le plus balourd (« Spectral Asylum », long et pas vraiment lourd, plutôt pénible et indigeste).
Mais le quintette (John Kevill – chant, Adam Carroll et Chase Becker – guitares, Carlos Cruz – batterie et Jessie Sanchez – basse) sait toujours se montrer aussi à l’aise que le tempo soit up ou mid, comme le démontre le terriblement excitant et EXODUS/TESTAMENT « Remain Violent » et ses hooks de guitare assez catchy rebondissant sur une rythmique à la NUCLEAR ASSAULT.
Dans le registre « hymne fatal », « Shellfire » fait le boulot Thrashcore mieux qu’un INCUBUS perdu dans ses pensées morbides, et cavale d’un tempo épileptique en plans de guitare démoniaques, alors que le phrasé terriblement précis de John Kevill cimente le tout. Cet album le confirme d’ailleurs en tant que vocaliste majeur de sa famille Metal, avec ses harangues précises et vindicatives, qui modulent leur haine pour toujours toucher le cœur de cible des thrasheurs que nous sommes.
Et si « Divinity of Flesh » abuse encore de quelques gimmicks typiquement BM avec son riff concentrique et son ambiance à la MAYHEM des 90’s, il tombe vite dans la stabilité d’un véritable classique Heavy’n’Thrash, ne décevant personne, mais restant quand même dans une timide moyenne.
Mais c’est évidemment le long final processionnel « When the Guns Fell Silent » qui est le centre de toutes les attentions, avec ses onze minutes et quelques de digression.
J’en conviens, même un groupe de Thrash in your face à le droit d’avoir des ambitions, et ce titre fleuve n’est pas sans qualités. Ses mélodies amères sont assez séduisantes en l’état, et sa tension dramatique assez fascinante, évoquant à merveille un chant/champ de bataille après l’affrontement. Son final plus technique qu’à l’accoutumée n’est pas non plus dénué de pertinence, mais à vrai dire, il n’est pas vraiment le genre d’épilogue qu’on est en droit d’attendre d’un disque de la trempe de Woe To The Vanquished. Il nous laisse donc sur une note Maidenesque, pas forcément désagréable, mais qui tient plus de la pièce rapportée que de la véritable conclusion logique subtilement amenée.
Mais en dehors de ces critiques hautement subjectives, et émanant d’un fan de la première heure sans doute un peu trop exigeant, il faut reconnaître que ce cinquième LP des Américains de WARBRINGER fait largement le job, et les maintient dans une première division que leurs suiveurs auront bien du mal à les faire quitter.
Titres de l'album:
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