Un premier de l’an quelque part, un homme s’approche d’une femme. Elle tire nonchalamment sur sa vaporette, soufflant des volutes de fumée chimique au visage d’un homme s’approchant d’elle. Il la regarde fixement, et lui décoche un péremptoire :
« Vous savez que le destin de la musique déconstruite est sans doute entre mes mains en ce moment même ? »
Nullement déconcertée par cette approche étrange, la femme le regarde fixement, comme s’il était le dernier homme sur la terre dont elle ne veut pas. Il se tait, regarde le plafond sans exprimer la moindre émotion. Il en déclenche par contre chez son interlocutrice qui n’en est pas vraiment une, et qui se demande finalement ce que veut cet étranger l’abordant de manière si inhabituelle. En rangeant sa cigarette électronique dans son sac à main, elle marque un instant d’arrêt, puis lui demande d’une voix qu’elle souhaite atonale :
« Et ces mains ont-elles un nom ? »
« BOND. JUAN BOND ».
JUAN BOND est de ces combos un peu sortis de nulle part qui n’hésitent pas à revendiquer leurs influences comme si elles étaient sacrées. Quelques simples ces dernières années pour se faire les mains, et puis un premier EP, éponyme, lâché dans la foule en décembre 2017. Il fallait bien qu’un jour le quintet (Jay Kohler - guitare/claviers, Kiho Yutaka - violon, violoncelle, Siddhu Anandalingam - basse/clarinette/clarinette basse, Vicente Hansen Atria - batterie, et Logan DeFranco - chant) se découvre un peu plus pour que ses fans se rendent compte de la fascination que feu DILLINGER ESCAPE PLAN exerce encore sur leurs héros américains. Et c’est peu dire que les derniers albums de Ben Weinman et sa bande ont compté pour les JUAN BOND, qui en reprennent les grandes et petites lignes sans honte, mais avec un brio extraordinaire. Lorsqu’on parle des cinq musiciens et de la musique qu’ils produisent, c’est évidemment le premier nom qui vient aux lèvres, mais il est rapidement suivi d’autres, comme THE NUMBER TWELVE LOOKS LIKE YOU, BETWEEN THE BURIED AND ME, reprenant à leur compte les recettes du Hardcore chaotique des années 90, UNSANE et BREACH en tête de liste pour faire bonne figure aux élections. Ce premier LP, surprenant, déstabilisant, commence de façon plutôt rassurante. Avec un titre aussi connoté que « Garbage Juice », les héros chaotiques plantent le décor apocalyptique, comme s’ils reprenaient « Panasonic Youth » en mode 78 tours pour épater la galerie.
On ne pouvait rêver entame plus classique pour le quintet, qui immédiatement, s’avoue fasciné par cette violence déconstruite qui fait bondir le cœur dans le thorax. Mais réduire les JUAN BOND à une simple copie carbone des DEP serait d’une injustice crasse. Ils se lovent dans son ombre, mais c’est pour mieux faire dévier sa silhouette dans les dédales d’une ville déshumanisée, et qui pourtant ressent la douleur comme si ses ruelles étaient des veines trop bleutées. Et le groupe tient à sa singularité, en mettant en avant son jeu de cordes qui ajoute des textures incroyables à sa musique dense. Et dès la seconde partie de « Garbage Juice », on comprend que les contretemps, les prouesses rythmiques millimétrées ne sont pas les seuls obsessions du combo. Car il recherche avant tout à bousculer de son identité, qui revêt des aspects différents.
Ok, les morceaux forment des jeux de mots plus ou moins habiles, mais l’enregistrement piloté à quatre mains par Michael Abusio et Emmett Ceglia, le mixage de Rozhan Razman et le mastering peaufiné par Carl Saff se mettent au diapason des titres justement, qui eux-mêmes essaient tant bien que mal d’honorer un artwork signé Richa Saran. Et en adaptant les DEFTONES dans un contexte purement bordélique et tendu (« Papa's Got a Brand New Bed »), Womb n’accouche pas d’un monstre né de James Brown, mais bien de jumeaux nés de CANDIRIA et DEP, une créature grotesque qui fait flipper, et pas seulement parce qu’elle a déjà dompté la basse sinueuse de Siddhu Anandalingam.
Mélodies, créativité, ambiances, Womb est une matrice dans laquelle se mélangent toutes les inspirations, même Dream Pop, même alternatives, même expérimentales pourquoi pas, et « About to Rob a Liquor Store » de se souvenir de John Zorn, mais aussi du terminal « Variations on a Cocktail Dress », épilogue agrémenté de nappes de violon étranges, d’un chant à la Mike Patton sur l’un de ses projets annexes, et finalement, la réalité est tout autre qu’un simple Hardcore joué à la dérive, pour faire trembler les apparences. La musique du quintet est donc plus riche que la moyenne Mathcore déclarée, et entre ces arpèges doucereux, cette absence totale d’accélération brutale ou de break fulgurant, ce morceau pose des jalons, et avance le nom de JUAN BOND pour sauver du marasme le Hardcore et le Mathcore les plus traditionnels.
Pas de morceau à rallonge pour impressionner, quatre ou cinq minutes, mais des idées qui marquent, violemment même (« Womb », étrange comme du DEP qui reprendrait du Post Hardcore), des inserts plus denses pour rentrer sous les chairs façon Vidéodrome (« Bat »), des classiques évanescents des nineties (« Bombed »), et en définitive, un album terriblement porteur, et incroyablement complexe à décrypter. Alors, sans exagérer, puisque ce disque n’accuse même pas l’année d’existence, autant faire face aux faits, et affirmer que le nom de JUAN BOND restera dans nos mémoires, comme dans celle de cette femme énigmatique à la fumée planant encore dans la pièce, ce soir de St Sylvestre.
Un inconnu se jette des fleurs. Vous pouvez parfois le croire sur parole.
Titres de l’album:
1. Garbage Juice
2. Morbid Mortgage
3. Papa's Got a Brand New Bed
4. About to Rob a Liquor Store
5. Womb
6. Bat
7. Bombed
8. Water Waiter
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