Vingt-quatre ans d’existence pour un groupe underground, c’est un sacré achèvement en soi. Une telle longévité demande pas mal d’abnégation, et surtout, une foi sans faille en sa musique, et mérite le respect. Quand bien même leur musique ne fait pas partie de votre cercle d’affinités, il convient de saluer les efforts de musiciens qui n’ont jamais abandonné, malgré l’adversité, les défections, les désaffections, et autres petits pièges tendus par un destin toujours aussi capricieux et joueur. Le cas ACRID est donc un cas d’école en soi, eux qui agitent les tréfonds de la scène européenne depuis 1994, et qui n’ont jamais baissé les bras, malgré des difficultés croissantes et un manque de soutien évident les poussant à privilégier le DIY, comme autant d’autres qui n’ont pas la chance de bénéficier de l’aide de grosses structures et qui doivent se débrouiller seuls. Fondé en 1994, ce collectif au parcours évolutif a donc commencé sa carrière très humblement, par une grosse poignée de démos (trois entre 1995 et 1997), avant de pouvoir s’exprimer dans un cadre moins restrictif en 1999, à l’orée du nouveau siècle, via un premier longue-durée, Amalgamate. Dérivant ostensiblement d’un Thrash/Death assez générique vers un Death beaucoup plus ambitieux et évolutif, les originaires de La Haye auraient pu considérer ce premier LP comme leur véritable lancement, mais une nouvelle série de mésaventures en décida autrement, et les força à retourner à la case départ, sans toucher les florins vingt-mille. Alors, de nouvelles maquettes, dont la plupart sans titre (Démo 2001, Démo 2002 et Démo 2003), avant un long hiatus de plus d’une décennie. Une fois le line-up quelque peu stabilisé, les ACRID purent enfin offrir une suite légitime à leur premier effort, en enregistrant un EP (EP 2014, comme quoi ils ne s’embarrassent pas de principes de dénomination), puis un nouvel album dans la foulée, ce Prism qui secoua l’année 2015 de ses soubresauts Death chaotiques mais maîtrisés.
Depuis, de la préparation, une nouvelle adaptation et l’adoption de deux nouvelles recrues dans le giron (Paul Van Beem à la basse depuis 2016, Kaj Turfanda au chant depuis l’année dernière), mais surtout, ce nouveau long, Wonderland, qui se son intitulé nous promet bien des merveilles, et en dévoile quelques-unes. Sans vraiment changer leur fusil d’épaule, nos voisins bataves nous proposent donc une nouvelle adaptation d’anciennes philosophies, et persistent dans la voie d’un Death technique mais pas démonstratif, aux aspirations aussi viscérales que mentales. En plaçant leurs inclinaisons personnelles sur le terrain du classicisme, et en avouant des influences assez marquantes et probantes (ARCH ENEMY, AT THE GATES, KILLSWITCH ENGAGE, SOILWORK, DEATH, DREAM THEATER, AS I LAY DYING), le quintette à l’énergie décuplée (Kaj Turfanda: chant, Claus Toet: guitare, Mark Pilk: guitare/chant, Frank Debij: batterie et Paul van Beem: basse) développe sur Wonderland de beaux arguments de puissance, et manipule avec toujours autant de finesse l’art du métissage brutal, se plaçant en convergence de plusieurs courants sans trahir le sien, même si une certaine cohésion le confinant parfois à la répétition vient légèrement embrumer leur inspiration.
Ceux qui gardaient encore en mémoire leur précédent méfait seront sans doute surpris par la structure globale de ce troisième longue-durée, cap Ô combien difficile à passer. Si Prism se laissait aller au gré d’une brutalité débridée et laissait le compteur tourner (plus d’une heure de musique il y a trois ans, pour une quinzaine de morceaux), Wonderland joue en rangs plus serrés, et s’arrête à la limite consensuelle des quarante minutes, pour des titres ne dépassant jamais les trois. Choix de la concentration donc, pour une musique qui aime toujours jouer franc jeu tout en brouillant les pistes, osant des percées Death pour mieux amadouer les thrasheurs un peu désorientés. S’il est toujours possible de voir en leur crossover un savant mélange du Death hollandais des origines (la voix de Kaj Turfanda rappelle étrangement un mélange entre les timbres rauques des PESTILENCiEls Martin Van Drunen et Patrick Mameli) et du Néo-Death/Néo-Thrash suédois (AT THE GATES et SOILWORK en tête de gondole), la marge de progression est largement assez patente pour entrevoir une issue différente, même si la hiérarchie est respectée à la lettre. On retrouve toujours ces guitares élevées à la mélodie prononcée et à la saccade hachée, cette rythmique progressive qui n’hésite pas à imposer ses propres figures, et cette complémentarité dans le chant, qui se partage entre harangues graves et graineuses et hurlements stridents et haineux. La marche en avant ne saute donc pas d’étape flagrante, et il est évidemment possible de trouver Wonderland plus efficace qu’inventif. Le sentiment d’avoir déjà entendu ça quelque part au détour de la fin des années 90 est manifeste, mais l’allant dont fait preuve le quintette gomme les quelques erreurs de banalité ambiante, et l’énergie déployée suffit largement à entrevoir le prochain massacre live auquel le groupe pourra se livrer.
Après plusieurs écoutes, l’isolation d’un chapitre devient clairement impossible, tant tous suivent la même ligne de conduite, certains appuyant plus volontiers sur l’accélérateur, tandis que d’autres jouent plutôt la modération dans la bousculade. Mais entre des couplets en rouleau compresseur et des refrains parfois frondeurs, ACRID joue l’ambivalence de la sècheresse et de la rondeur, une basse mutine en circonvolution (parfois proche des déliés de Steve DiGiorgio dans DEATH), aérant parfois des parties rythmiques un peu trop figées. Le travail des guitares, redondant dans l’effort, tâte parfois du riff purement PANTERA (« Evolution »), mais se rapproche la plupart du temps des staccatos des AT THE GATES, dont certains thèmes sont quasiment repris à l’identique (« The Crossroads », bel exercice d’hommage à peine déguisé). Si l’ombre d’un GOJIRA light semble planer au-dessus de l’entreprise, c’est bien l’école suédoise qui à la mainmise et qui dirige les travaux de son influence marquante. Mais finalement et après expurgation des références les plus criantes, Wonderland finit par prouver que les ACRID ont retrouvé une belle stabilité, et que leur avenir pourrait se conjuguer à un temps moins présent ou passé. Un peu plus de risques, un dégagement des tutelles, et l’avenir pourrait offrir une suite bien plus belle pour un groupe qui mérite enfin de retrouver la sérénité dans la brutalité.
Titres de l'album:
1.Wonderland
2.The Crossroads
3.Concrete Vermin
4.Deception's Masquerade
5.What Lies Beneath
6.Climb That Wall
7.The Call
8.Mask of Divinity
9.Crushing The Negative
10.Unsurpassed
11.Evolution
12.47 Stitches (Bonus Track)
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