La Norvège, le pays du Black Metal. Oui mais non, enfin pas que, et d’autres choses aussi. Depuis trente ans, ce pays exporte des groupes évoluant dans tous les styles, entre Avant-garde, BM, Heavy Metal, Black Jazz, Indie inventif, Rock original et Fusion audacieuse, et évidemment, Hard-Rock attrayant et Pop Metal chatoyante. Et, de temps à autres, un peu de Thrash, mais évidemment accommodé à la sauce locale.
Ainsi, les PITCH BLACK MENTALITY et leur patronyme étrange nous proposent en 2022 leur second longue-durée, qui a méchamment pris son temps pour arriver. En effet, ces originaires de Bergen nous avaient déjà proposé The Pitch Black Reality il y a de cela neuf ans, un premier disque concis, propre sur lui, et assez compact dans son déroulé. Mais neuf ans plus tard, le quatuor stable s’est laissé aller à la composition en mode décomplexé, atteignant les cinquante-trois minutes de jeu pour neuf petits morceaux, soit un point de vue assez épique pour le style.
Le style. Justement, Tore Christer Storlid (chant/basse), Jarle H. Olsen & Frank Natås (guitares) et Bjarte K. Helland (batterie) l’abordent avec beaucoup de convictions personnelles. Inutile donc de vous attendre à un produit nostalgique manufacturé à la hâte, puisque la musique du quatuor est réfléchie, mélodique, rythmiquement saccadée, et dotée d’une aura particulière. Si l’on sent évidemment quelques réminiscences évidentes (METALLICA, AGONY, les débuts de MESHUGGAH, HELLOWEEN, AT THE GATES, CHANNEL ZERO), on se laisse vite happer par cette tornade d’énergie, qui trouve son acmé assez tôt.
En effet, « Dahaka », deuxième de couverture joue déjà les prolongations avec plus de huit minutes épiques et harmonieuses. Ce titre placé aussi en avant incarne en quelque sorte la carte de visite du groupe, qui navigue avec aisance entre violence et sophistication, à la manière d’un TESTAMENT des années Heavy, en version plus ambitieuse.
Comme vous le voyez, World Final Wake n’est pas l’album de Thrash lambda comme on en subit dix ou quinze par mois. Et sans aller jusqu’à désigner le quatuor norvégien comme la découverte brutale de l’année, autant dire que sa singularité se démarque. Entre furie et précision, PITCH BLACK MENTALITY semble proposer un sacré compromis entre Thrash et Power Metal, retenant du premier son énergie, et du second sa grandiloquence un peu tape à l’œil.
Mais lorsque les proportions sont parfaitement respectées, ça nous donne une tuerie de l’envergure du monstrueux « True Parasites », qu’un MEGADETH sous stéroïdes aurait pu produire du temps de sa période commerciale. Avec des musiciens au bagage certain, ce deuxième album se montre sous un jour particulièrement flatteur. Les arpèges sont légion, comme les cassures impromptues avec solo ibère, et la voix de Tore Christer Storlid ferme dans ses circonvolutions, domine les débats et sublime un instrumental ciselé.
Evidemment, la question de l’appartenance se pose. PITCH BLACK MENTALITY joue-t-il du Thrash ou bien un simple Metal renforcé et épaissi ? La réponse est simple : peu importe, puisque le flacon nous procure l’ivresse. L’énorme qualité du groupe est de faire durer des idées en plaçant des rebondissements judicieux, et de ne jamais s’éterniser sur un riff unique. Si de temps à autres l’influence de la Suède est plus que palpable (« Eternal Night », du AT THE GATES dans le texte), la globalité de l’album fait montre d’une patte unique, entre subtilité harmonique et attaque rythmique.
Certains regretteront que les mélodies prennent autant de place dans le décor, mais les plus ouverts des thrasheurs sauront reconnaître un album qui refuse les sirènes faciles de la génération old-school, quitte à prendre de sacrés risques. Ainsi, « Fear The Rising Sun » se pose comme la power-ballad ultime, avec accents rauques, envolées lyriques, guitares de cristal et basse caressante.
Admettons que ce crossover géant offre quelque chose à tout le monde. Ce qui est assurément le cas, puisque chaque titre se distingue du précédent par un habile jeu de puissance modulée, et si l’on déplore quand même l’absence d’un titre vraiment radical, on se laisse tout de même aller à un headbanging furieux mais pas basique pour autant. « All Wither In Autumn », à la lisière du Techno-Thrash avec ses plans qui se percutent, et « The Wall » qui tient plus de PANTERA que de PINK FLOYD nous amènent à la fin d’un voyage secoué, aux étapes conséquentes, et à l’objectif clair : jouer avec toutes les nuances de style pour produire un Heavy/Thrash de premier ordre.
Neuf ans pour en arriver là en valaient largement la peine. Entre ANNIHILATOR, AT THE GATES, MEGADETH et TESTAMENT, PITCH BLACK MENTALITY ne nous plonge pas dans la nuit noire, mais joue habilement avec le clair/obscur. Espérons juste que ce retour ne sera pas suivi par une nouvelle éclipse, les arguments proposés laissant augurer d’un avenir d’acier.
Titres de l’album :
01. Fortress
02. Dahaka
03. True Parasites
04. Eternal Night
05. Fear The Rising Sun
06. Legacy
07. All Wither In Autumn
08. The Wall
09. World Final Wake
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