L’histoire des WARFIELD me rappelle étrangement celle des DEATH ANGEL, à quelques détails près. Lorsque ce groupe s’est formé sous ce pavillon, ses membres avaient entre quinze et dix-huit ans, mais jouaient ensemble depuis plus de deux ans. Ce qui nous donne à peu près l’âge de Cavestani & co lorsqu’ils avaient enregistré leur première démo, qui avait fortement impressionné Lars Ulrich à l’époque. Les deux groupes semblent vouer le même amour au Thrash de tradition, ce qui ajoute de la probité au parallèle établi. Mais là où les deux ensembles se différencient, c’est sur le terrain de l’intensité, beaucoup plus développée chez les allemands. Là ou DEATH ANGEL s’évertuait à perpétrer l’esprit dynamique et mélodique de la Bay Area, les WARFIELD se focalisent sur un héritage national, celui laissé en pâture à la nouvelle génération par les KREATOR, DESTRUCTION et SODOM, les rois de la brutalité made in Germany, ce qui les rapprocherait plus de la nouvelle vague de Thrash old-school qui sévit dans leur pays et en Europe depuis une bonne dizaine d’années…D’ailleurs, le label italien nostalgique Metal on Metal Records ne s’y est pas trompé en les signant, leur permettant ainsi de voir leur premier effort distribué un peu partout, ce qu’il mérite plus qu’amplement. Et si la thématique guerrière les rapproche encore plus des obsessions de Tom Angelripper, musicalement, leur passion semble plus nuancée, quoique pas forcément moins brutale. A l’écoute de cet initial Wrecking Command, on pense beaucoup aux ASSASSIN, ceux de The Upcoming Terror, mais aussi aux bousculades des WARBRINGER, la technique en moins et la persuasion effective en plus, mais d’autres noms peuvent effleurer l’esprit, dont certains beaucoup moins éloignés dans le temps.
Ainsi, la vitesse d’exécution, la précision, la furie qui anime les pistes de ce premier LP nous ramènent aux grandes heures du miraculeux Scavengers des WARFECT, dont j’avais dit le plus grand bien dans une chronique antérieure. Même propension à privilégier les plans les plus efficaces, même ambivalence entre franchise Heavy et embardées speed, et aussi des analogies de timbre dans la voix de Johannes Clemens qui se hisse sans effort au niveau des plus grands grogneurs du genre, sans avoir à trop tirer sur ses cordes. Si les compositions des jeunes originaires de Kindsbach/Kaiserslautern se veulent suffisamment simples et percutantes pour ne pas perdre l’auditeur en route, elles n’en font pas moins preuve d’une certaine finesse, même si la rythmique compresse et agresse sans marquer de temps d’arrêt, et même si les riffs hautement redondants distillent les mêmes thèmes graves et les mêmes sifflantes qui plantent. Pas de grand ménage de printemps à attendre d’un trio (Johannes Clemens - chant, Matthias Clement - guitare, Dominique Marx - batterie et Marc Hirschbach pour la basse live) qui privilégie toujours l’optique de l’agression sur celle de la séduction, mais beaucoup de qualités développées, remarquables notamment au niveau de la cohésion d’ensemble, qui montre que les musiciens se connaissent très bien, et sont capables d’anticiper les idées des deux autres. Mais c’est évidemment le tandem des frères Clemens qui domine du timbre et des cordes ce projet, qui semble s’obstiner à vouloir retrouver l’essence originelle de la violence d’outre-Rhin, celle qui nous a contaminés lors d’une jeunesse remuée.
Impossible de trouver quoi que ce soit d’inédit dans ces chansons qui vont droit au but, mais le plaisir ressenti est au moins égal à celui pratiqué, ce qui garantit un confort d’écoute optimisé. Dotés d’un excellent son qui nivelle les instruments par le haut et ne laisse personne en rade, les WARFIELD avancent donc à bon rythme sans se poser de question, et nous balancent crânement dix hymnes en fer forgé à la gloire d’un Thrash passé, mais pas forcément passéiste. Car au-delà de leur passion pour une nostalgie qu’il leur est impossible de nier, les jeunes allemands en profitent quand même pour placer quelques-unes de leurs idées, histoire de ne pas passer pour de vulgaires pilleurs de tombes métallisées. Outre un niveau instrumental largement au-dessus de la moyenne, qui confirme une pratique remontant à leur prime jeunesse, c’est leur audace dans l’adresse qui fascine, et qui leur permet de passer d’une ruade purement Thrash enlevée à une fausse accalmie Heavy bien plombée (« Vision Genocide »), sans tomber dans le piège du gras ventripotent de leurs aînés de RUNNING WILD. Plus proches de la vague vintage actuelle que des miraculeux VEKTOR, les trois germains ne s’en laissent pas conter pour autant, et gardent en tête qu’une petite mélodie incrustée sur fond de blasts inopinés se montre beaucoup plus persuasive qu’une simple défonce à grands coups de bélier (« Under The Surface », le plus DESTRUCTION du lot).
Pas de quoi bousculer l’ordre établi, mais de quoi se faire une place à la table des meneurs sans être forcément anobli. Et leur look veste en jean, patches et chaînes en dit long sur leurs intentions, peut-être plus subtiles qu’il n’y parait, spécialement lorsque des emprunts plus contemporains leurs permettent de se rapprocher d’une version dynamisée des AT THE GATES et SOILWORK (« Trade In Blood », avec toujours cette voix qui vomit ses psaumes comme un prêtre défroqué à l’aube). Alors, pour beaucoup, ce trip organisé dans les méandres d’années 80 régulièrement pillées aura de sérieux airs de déjà-vu, mais pour les amoureux d’un Thrash convenu mais bien velu, Wrecking Command s’apparentera à une ballade en terrain accidenté connu. Ils se délecteront de tous les nids-de-poule qui les feront bondir sur leur siège, et savoureront ces soudaines accélérations les propulsant dans une histoire vécue, qu’il est toujours bon de retrouver à intervalles réguliers (« Wrecking Command »). Et en restant sous la contrainte des quatre minutes, les jeunes allemands ont vu juste, même si quelques débordements agréables viennent ventiler le tout de leur Heavy puissant en diable (« Divine Winds »), sans pour autant faire baisser d’un cran la violence permanente. Un premier essai transformé qui vient donc sanctionner des années de pratique (déjà formalisées autour d’une démo et d’un EP, Call To War en 2014), et une raison de plus de penser que l’Allemagne n’a pas oublié comment asseoir sa suprématie sur un style qu’elle a quasiment inventé.
Titres de l'album:
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